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7 mai 2024

Adénocarcinome du sac anal : mieux vaut privilégier l'exérèse bilatérale 

par Caroline Driot

Temps de lecture  4 min

Une étude récente montre que, dans un cas sur cinq, alors qu'un adénocarcinome unilatéral du sac anal a été détecté chez un chien, l'autre sac anal est également concerné. Un résultat à garder en tête en particulier pour les races prédisposées, dont le cocker anglais fait partie (cliché : Pixabay).
Une étude récente montre que, dans un cas sur cinq, alors qu'un adénocarcinome unilatéral du sac anal a été détecté chez un chien, l'autre sac anal est également concerné. Un résultat à garder en tête en particulier pour les races prédisposées, dont le cocker anglais fait partie (cliché : Pixabay).
 

Faut-il privilégier l'exérèse bilatérale des sacs anaux, en cas d'adénocarcinome unilatéral des glandes apocrines ? D'après une étude rétrospective menée par des praticiens de la Royal School of Veterinary Studies d'Edimbourg (Royaume-Uni), sur un panel de 35 chiens, la réponse est affirmative. Car chez 20 % des animaux étudiés, l'analyse histologique révèle un adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal controlatéral et ce, en l'absence de lésion palpable, ou objectivable à l'imagerie. Par ailleurs, l'exérèse bilatérale ne présente, selon les auteurs, pas plus de risque de complications qu'une chirurgie unilatérale.

Découverte fortuite dans près de la moitié des cas

L'adénocarcinome des glandes apocrines des sacs anaux (AGASA) est une tumeur épithéliale maligne. Il représente 17 % des tumeurs périnéales et 2 % des tumeurs cutanées et sous-cutanées chez le chien. L'AGASA se caractérise par une agressivité locale importante, et par un fort potentiel de dissémination métastatique, au niveau loco-régional notamment (nœuds lymphatiques iliaques). Dans 47 % des cas, l'AGASA est identifié fortuitement au cours d'une consultation pour un autre motif, et près de 79 % des animaux présentent des métastases au moment du diagnostic. Les signes cliniques associés comprennent gonflement périnéal, hématochézie, constipation, douleur, ténesme, signe du traîneau, perte de poids et parfois polyurie-polydipsie — en lien avec une hypercalcémie paranéoplasique inconstante, mais potentiellement sévère. La gradation de l'AGASA repose sur l'examens clinique et les analyses complémentaires : biochimie sanguine et imagerie abdominale et thoracique, le scanner constituant le ‘gold-standard' pour la visualisation précise de la tumeur primaire, et pour le bilan d'extension.

Objectiver le bénéfice-risque d'une exérèse bilatérale

Les recommandations actuelles en matière de traitement de l'AGASA incluent l'exérèse chirurgicale du sac anal atteint et des nœuds lymphatiques hypertrophiés. Comme le rapportent les auteurs, l'exérèse bilatérale est pratiquée par un certain nombre de vétérinaires, qui soulignent son caractère prophylactique, ainsi que le risque de néoplasie déjà installée, mais encore non objectivable, sur le sac controlatéral. A contrario, les voix opposées à la systématisation de l'exérèse bilatérale mettent en avant un risque accru de complications per- et post-opératoires. Pour objectiver le rapport bénéfice-risque d'une exérèse bilatérale des sacs anaux en cas d'AGASA unilatéral, des praticiens écossais ont passé en revue les dossiers médicaux des chiens présentés à la clinique des animaux de compagnie de la Royal School of Veterinary Studies d'Edimbourg, entre mai 2019 et aout 2023. Les animaux inclus dans cette étude rétrospective devaient avoir subi une exérèse bilatérale des sacs anaux, pour un AGASA présumé unilatéral, disposer d'un dossier médical comprenant l'analyse histologique des deux sacs anaux, et mentionnant les éventuelles complications per et post-opératoires.

L'adénocarcinome s'avère bilatéral dans 20 % des cas

Finalement, 35 chiens, dont 21 mâles et 14 femelles, d'un âge moyen de 9 ans, répondaient aux critères d'inclusion. Tous les patients avaient subi des examens cliniques et complémentaires (imagerie notamment) ayant permis de diagnostiquer un AGASA et d'éventuelles métastases, et d'exclure a priori une atteinte du sac anal controlatéral. Point important : la détection de l'AGASA représentait une découverte fortuite pour 17 chiens, présentés pour des motifs de consultation sans rapport avec la tumeur primaire. En histologie, 30 chiens sur 35 (86 %) présentaient un sac anal controlatéral anormal. Sept animaux, soit 20 % de l'échantillon, présentaient un adénocarcinome du sac anal présumé sain, 22 animaux (63 %) des lésions inflammatoires (sacculite), et un chien un adénome des glandes apocrines. Douloureuse, la sacculite représente une affection potentiellement récidivante, pouvant nécessiter en dernier recours l'exérèse du sac anal. Pour les auteurs, la forte proportion d'animaux atteints de lésions inflammatoires ou néoplasiques du sac anal présumé sain constitue un argument de poids en faveur de l'exérèse bilatérale en cas d'AGASA unilatéral.

Pas plus de complications

D'autant que, selon eux, l'exérèse bilatérale ne présente pas plus de risque que l'exérèse unilatérale. Cinq chiens sur 35 (14 %) ont ainsi présenté des complications peropératoires (rupture de la capsule de la tumeur primaire, hémorragie lors de l'exérèse des nœuds lymphatiques iliaques), contre un taux de 18 à 26 % rapporté dans la littérature. La moitié des sujets étudiés (54 %) ont présenté des complications auto-résolutives en post-opératoire immédiat (hématochézie, incontinence fécale transitoire, ténesme…). Cinq chiens (14 %) ont présenté des complications post-opératoires à moyen terme (infection du site chirurgical et fistule recto-cutanée), là aussi un chiffre inférieur aux données de la littérature : 17 à 36 % de complications post-opératoires, incluant incontinence fécale, ténesme, hématochézie, fistule recto-cutanée ou périnéale. Les auteurs relativisent toutefois les conclusions de ce travail mené sur une population restreinte, et préconisent des études prospectives sur un panel d'individus plus fourni, avec une définition et un suivi standardisés des complications per et post-opératoires.