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Elanco & Proplan

7 novembre 2024

Analyse de plus de 5 000 tumeurs des chiens et chats : un lien entre localisation et malignité

par Corinne Descours-Renvier

Temps de lecture  5 min

D'après l'étude du registre des cancers animaux du sud de l'Italie, les bergers allemands ont davantage de risque de développer un hémangiosarcome et les pinschers un mélanome (cliché : Belorus).
D'après l'étude du registre des cancers animaux du sud de l'Italie, les bergers allemands ont davantage de risque de développer un hémangiosarcome et les pinschers un mélanome (cliché : Belorus).
 

Dans le cadre de l'approche « Une seule santé » (« One Health »), des chercheurs italiens ont réalisé une enquête épidémiologique rétrospective à partir de l'analyse histologique de plus de 5 000 tumeurs de chiens et de chats. Ils souhaitent évaluer dans quelle mesure pour ces affections aussi, les animaux de compagnie sont susceptibles de servir de sentinelles de l'environnement humain. Leurs résultats sont présentés dans un article paru en octobre dernier dans Veterinary Sciences.

Plus de 5 000 prélèvements

Les données recueillies proviennent du Registre du Cancer Animal (ACR) dirigé par l'Istituto Zooprofilattico Sperimentale dell'Abruzzo e del Molise (IZSAM). L'ACR recueille depuis 2014 les résultats d'examens histologiques réalisés sur des tumeurs de chiens ou de chats vivant dans deux régions d'Italie du Sud : les Abruzzes et le Molisé. Pour chaque tumeur sont précisés la localisation, la taille, l'aspect in situ ou encore les modalités de prélèvement. Les métastases et les récidives ne sont pas comptabilisées.

Davantage de tumeurs malignes chez le chat

Entre 2014 et 2023, 5 311 tumeurs ont ainsi été analysées (4 719 chez les chiens, soit 88,8 %, et 592 chez les chats, soit 11,2 %). Chez le chien, 1 664 tumeurs sur 4 719 (35,3 %) ont été reconnues comme bénignes et 3055 (64,7 %) comme malignes. Chez le chat, ces valeurs atteignent respectivement 95 (16 %) et 497 (83,9 %). La fréquence des tumeurs malignes est donc globalement plus élevée chez le chat, ce qui suggère l'existence d'une prédisposition dans cette espèce.

Une majorité de cas au-delà de 6 ans

Chez le chien, la majorité des diagnostics a lieu entre 6 et 13 ans (3 419 cas, soit 72,5 %) et, chez le chat, entre 6 et 15 ans (393 cas, soit 66,4 %). L'âge moyen d'apparition des tumeurs est légèrement plus élevé chez le chat que chez le chien (+ 6 mois). Selon les auteurs, cette différence pourrait s'expliquer par l'allongement de la durée de vie dans l'espèce féline. Les chiens non castrés sont davantage représentés dans toutes les classes d'âge que les autres mâles ; dans le groupe des femelles, les chiennes stérilisées deviennent majoritaires au-delà de 10 ans. Chez le chat, les animaux stérilisés sont davantage touchés que leurs congénères, sauf dans le groupe des moins de 3 ans, où les chats mâles non castrés sont majoritaires.

Surreprésentation des femelles

Dans la population de ce registre, les femelles sont plus nombreuses que les mâles, et pour les deux espèces (67,3 % dans le groupe des chiens et 61,2 % dans celui des chats). Les auteurs soulignent que ces résultats sont proches de ceux d'études précédentes sur le même sujet, ce qui suggère une influence du sexe sur le développement et la progression des tumeurs. D'autre part, les tumeurs, surtout si elles sont malignes, apparaissent un peu plus tardivement chez les animaux stérilisés, mâles et femelles confondus.

Des prédispositions en fonction des races chez le chien

La base de données de l'IZSAM recense 113 races de chiens et de chats différentes, mais quasiment tous les chats sont Européens (94,2 %). Chez le chien, davantage des tumeurs sont observées chez les animaux de race (55,7 %), les plus représentées étant le berger allemand (10,5 %), le pinscher (8,4 %), le boxer (5,6 %) et le Labrador retriever (5,4 %). Les tumeurs malignes les plus fréquentes chez le Labrador retriever et le boxer sont les mastocytomes (respectivement 55,1 % et 52,6 % des cas), alors que leurs congénères sont davantage touchés par des carcinomes des glandes mammaires. La fréquence de ces derniers est par ailleurs nettement plus élevée chez le Yorkshire terrier, le pinscher, le berger allemand et le beagle que dans les autres races (respectivement 78,3 %, 69 %, 53,7 % et 45,2 %). Enfin, les bergers allemands ont davantage de risque de développer un hémangiosarcome et les pinschers un mélanome. Ces données sont cohérentes avec celles obtenues dans d'autres études et soulignent la prédisposition de certaines races de chien à certains types de cancers. Cependant, les auteurs rappellent que la génétique ne fait pas tout et que l'étiologie de la plupart des tumeurs est multifactorielle.

Un lien entre localisation des tumeurs et malignité

Chez le chien, les principales localisations des tumeurs sont la peau et les tissus sous-cutanés (55,3 %), les glandes mammaires (21,7 %) et les organes sexuels mâles (7,2 %). Les tumeurs sont plus souvent malignes lorsqu'elles concernent le sang et le système hématopoïétique, (131 cas sur 136, soit 96,3 %), les nœuds lymphatiques (27 cas sur 27, soit 100 %), os, articulations et cartilages (23 cas sur 24, soit 95, 8 %) et les organes intrathoraciques (86 cas sur 93, soit 92,5 %). Chez le chat, les zones les plus touchées sont la peau et les tissus sous-cutanés (54,9 %), les glandes mammaires (16 %) et le tractus digestif (10,5 %). Le taux de malignité est globalement plus élevé que chez le chien, à l'exception des tumeurs du sang et du système hématopoïétique, et de celles du système nerveux central.

Atteintes mammaires chez les femelles ; cutanées chez les mâles

Les lipomes (113 cas sur 377, soit 30 %), les adénomes des glandes anales (132 sur 455, 29 %) et les adénomes des glandes mammaires (9 cas sur 33, soit 27,1 %) sont les tumeurs bénignes les plus fréquentes chez le chien, alors que les mastocytomes (7 cas sur 20, soit 35 %) et les adénomes des glandes mammaires (9 cas sur 33, soit 27 %) sont plus fréquents chez le chat. En ce qui concerne les tumeurs malignes, les plus répandues chez les chiennes et les chattes sont les carcinomes des glandes mammaires (respectivement 880 cas sur 1 412, soit 62,3 %, et 86 cas sur 199, soit 43,2 %), alors que les mastocytomes (185 cas sur 649, soit 28,5 %) et les carcinomes épidermoïdes (44 cas sur 141, soit 31,2 %) sont plus fréquents respectivement chez le chien et le chat mâles. Dans les deux cas, les auteurs supposent que la localisation externe des lésions facilite leur détection par les propriétaires des animaux et que cela ne reflète pas forcément une prédisposition.

Davantage de risque pour les animaux vivant à l'extérieur

Pour les tumeurs malignes, les chercheurs ont ensuite évalué statistiquement les risques en fonction de facteurs comme l'espèce, la race, le sexe ou encore le mode de vie. Le risque d'atteinte du sang et du système hématopoïétique, de la peau et des tissus sous-cutanés, de la cavité orale et du pharynx, de l'appareil urinaire ou encore des os, articulations et cartilages est significativement plus faible chez les chiens mâles non castrés que chez leurs congénères. Les chiennes non stérilisées présentent davantage de risque de développer des tumeurs des glandes mammaires, des organes sexuels et du système respiratoire que les autres femelles. La situation s'inverse en ce qui concerne la peau et les tissus sous-cutanés, ainsi que le sang et le système hématopoïétique. Quant aux chats mâles non stérilisés, ils sont moins à risque de développer des tumeurs cutanées et des tissus sous-cutanés que leurs congénères. Enfin, le risque d'atteinte de la peau et des tissus sous-cutanés est plus important chez les animaux vivant à l'extérieur, tant chez le chien que chez le chat. Les auteurs estiment qu'une exposition accrue aux UV pourrait expliquer cette tendance, à l'image de ce qui est observé chez les humains.

La pollution, un facteur de risque ?

Dans cette étude, la majorité des tumeurs ont été diagnostiquées chez des chiens et des chats vivant dans des zones densément peuplées. S'il y a bien entendu davantage d'animaux et de vétérinaires en ville, cette surreprrésentation pourrait également s'expliquer par une pollution urbaine plus importante, suggèrent les auteurs. A ce titre, ils proposent que les animaux de compagnie servent de sentinelles au risque d'exposition aux polluants, puisqu'ils partagent le même environnement que leurs propriétaires, mais que leur croissance est plus rapide.