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17 avril 2024

C'est dimanche ? Le pronostic chirurgical est moins bon.

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Même les structures ouvertes 7 jours sur 7 travaillent généralement à effectif réduit le dimanche et les jours fériés, ce qui peut en partie expliquer l'effet « week-end » observé ici, malgré l'absence de différence entre les chirurgiens présents (cliché Pixabay).
Même les structures ouvertes 7 jours sur 7 travaillent généralement à effectif réduit le dimanche et les jours fériés, ce qui peut en partie expliquer l'effet « week-end » observé ici, malgré l'absence de différence entre les chirurgiens présents (cliché Pixabay).
 

En médecine, l'effet « week-end » fait référence à la moins bonne évolution des cas pris en charge en dehors des horaires d'ouverture des établissements de soins. Il peut être associé à une mortalité plus élevée, ou à des complications postopératoires plus fréquentes lors de chirurgie. Les équipes de gardes travaillent souvent en effectif réduit, et ne compte pas toujours de cliniciens expérimentés.

Afin de mesurer cet effet en pratique vétérinaire, une étude a été réalisée par des praticiens d'un centre de référés britannique spécialisé en chirurgie : ses résultats révèlent en effet un plus grand risque de mauvaise évolution postopératoire, mais potentiellement en raison aussi du contexte de la présentation de ces cas, amenés en urgence dans une structure de garde.

460 cas d'extrusion discale aiguë

Les extrusions discales thoracolombaires sont l'une des causes les plus fréquentes de paralysie des membres postérieurs chez le chien et sont souvent considérés comme une urgence chirurgicale (même si le délai avant intervention est sujet à controverse). Les auteurs de l'étude ont donc choisi la décompression vertébrale par hémilaminectomie thoracolombaire comme technique chirurgicale pour évaluer cet effet week-end dans leur établissement.

Sur la période 2018-2023, ils ont recherché les cas d'extrusion discale thoracolombaire aiguë ainsi traités dans la foulée du diagnostic. Ils en ont recensé 460 :

  • 401 (soit 87,2 %) opérés en semaine,
  • et 59 (soit 12,8 %) opérés un samedi, un dimanche ou un jour férié.

Les signes cliniques étaient présents depuis moins de 10 jours. L'extrusion discale avait été diagnostiquée par imagerie médicale (scanner systématique, myélographie réalisée au besoin) ou confirmée lors de l'intervention. Les cas étaient exclus si la lésion était plus ancienne (atteinte chronique) ou si le traitement avait associé une autre procédure à l'hémilaminectomie (corpectomie, stabilisation vertébrale). Le suivi du chien, sur au moins 28 jours, devait être disponible.

Opérés dans les mêmes conditions

Toutes les chirurgies ont été effectuées par des praticiens expérimentés : la structure fonctionne en semaine et en week-end avec le même personnel tournant (sans équipe de garde spécifique). Cela évite les biais liés au chirurgien.

La technique chirurgicale et les soins péri-opératoires étaient identiques pour tous les chiens. À la sortie d'hospitalisation, les chiens étaient rendus à leur propriétaire avec une prescription d'AINS et de gabapentine, et des instructions pour un repos strict durant 4 semaines.

Biais limité de gravité

Les deux groupes de chiens sont similaires en termes de caractéristiques démographiques (âge, sexe, race…), de nombre de lésions (uniques ou multiples) ou de délai avant intervention.

Dans le groupe « week-end » toutefois, un plus grand nombre de chiens étaient non ambulatoires à leur arrivée. Et le score neurologique (score de Frankel) moyen est plus élevé, donc associé à un pronostic de récupération moins bon.

Néanmoins, en ne comparant que les seuls chiens non ambulatoires, la gravité de l'atteinte neurologique n'est pas différente entre les groupes. La proportion de chiens présentant une perte de sensibilité profonde, notamment, est voisine. Ce qui autorise la comparaison des résultats obtenus entre les deux groupes.

Plus de 20 % des chiens du week-end demeurent paralysés

Ainsi, en analysant les données des chiens non ambulatoires à leur présentation initiale, les résultats montrent que l'absence de récupération de la mobilité (évaluée jusqu'à 6 mois postopératoires) est significativement plus fréquente chez les chiens opérés le week-end. Chez ces derniers, 10 (20,8 %) sont ainsi restés non ambulatoires, contre 19 (8,4 %) parmi ceux opérés en semaine.

Davantage d'effets indésirables de la prise en charge

Par ailleurs, les effets indésirables postopératoires, par exemple la survenue de troubles digestifs, urinaires, cutanés (plaies, escarres) ou neurologiques (nécessitant une nouvelle intervention), ont été significativement plus fréquents chez les chiens opérés le week-end : 19 cas (32,2 %) contre 69 (17,2 %).

Les différences pour ces deux critères demeurent significatives dans l'analyse multivariée.

En revanche, les autres paramètres étudiés, en particulier la durée d'hospitalisation, la mortalité ou les complications post-chirurgicales (mineures ou majeures), ou encore les détériorations neurologiques (altération ultérieure du score de Frankel), n'ont pas présenté de différence significative selon les groupes. La mortalité à 28 jours est ainsi de 3 % chez les chiens opérés en semaine (12 cas), et de 3,4 % chez ceux du week-end (2 cas).

Effet week-end extrapolable ? Rectifiable ?

En étudiant spécifiquement cette intervention (afin que des comparaisons soient possibles), les auteurs constatent donc un effet « week-end », limité à deux paramètres mais significatif. Il est potentiellement extrapolable à d'autres interventions.

Toutefois, cet effet délétère ne doit pas pour autant amener à retarder une intervention chirurgicale urgente. Son origine, probablement plurielle, mériterait d'être précisée. Les causes peuvent varier selon l'établissement et son mode de fonctionnement. Et leur détermination peut ainsi ouvrir la réflexion sur les mesures correctrices à apporter, étoffer les équipes de garde par exemple, ou revoir leur répartition par service. Même les cliniques ou centres hospitaliers ouverts 7 jours sur 7 travaillent généralement avec des équipes réduites le week-end, reconnaissent les auteurs de l'étude. Et leur disponibilité, pour les soins d'hospitalisation ou les conseils au propriétaire à la sortie, par exemple, est réduite aussi.

Par ailleurs, durant le week-end (ou les jours fériés), les propriétaires peuvent être obligés de parcourir une plus grande distance afin de présenter leur animal dans une structure ouverte (ils attendent également parfois davantage avant de prendre la décision de consulter). L'impact de ce déplacement reste donc aussi à évaluer afin d'appuyer l'importance du maillage vétérinaire du territoire, et du maintien de structures généralistes assurant leurs gardes.