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25 novembre 2021

Dans un cas sur deux, la « leptospirurie » se tarit au terme du premier traitement antibiotique. Pour les autres cas, cela peut durer bien plus longtemps

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Délai de négativation de la PCR pour leptospires sur urine (les flèches figurent les résultats positifs) et traitements antibiotiques des 17 chiens correspondants. Les différents traitements sont figurés par des motifs différents. Les barres s'arrêtent à la première PCR négative (Hetrick et coll., 2021).
Délai de négativation de la PCR pour leptospires sur urine (les flèches figurent les résultats positifs) et traitements antibiotiques des 17 chiens correspondants. Les différents traitements sont figurés par des motifs différents. Les barres s'arrêtent à la première PCR négative (Hetrick et coll., 2021).
 

Pour un chien sur deux, malgré un traitement antibiotique adapté, l'excrétion urinaire des leptospires se prolonge au-delà du traitement, avec un risque zoonotique potentiel. C'est ce qui ressort d'une étude prospective réalisée par des cliniciens de la faculté vétérinaire de l'université du Kansas (USA) et publiée à la mi-novembre.

Etude prospective

Le fait qu'il y ait des chiens excréteurs urinaires persistants n'est pas nouveau : en la matière, le champion a été décrit récemment, avec un persistance à 1 059 jours. Toutefois, aucun des cas décrits jusqu'à présent ne l'a été dans le cadre d'une étude prospective. L'hypothèse était que le traitement d'attaque, à l'amoxicilline ou à l'ampicilline, n'aurait pas d'effet sur l'excrétion urinaire des leptospires, mais que le traitement à la doxycycline, en relais (7 jours minimum), permettrait de tarir cette excrétion dans 90 % des cas. Les auteurs ont donc commencé, à partir d'avril 2018, à inclure les cas cliniques de leptospirose à partir des prélèvements réalisés par les praticiens et envoyés au laboratoire de diagnostic de l'université (PCR positive sur urine). Les praticiens étaient alors contactés et les propriétaires qui le souhaitaient se voyaient offrir les prélèvements et analyses de suivi de l'excrétion. Sur deux ans (fin de l'inclusion en mai 2020), ils ont obtenu 37 cas, dont 32 ont pu réaliser la totalité du suivi (jusqu'à la première PCR négative). Un seul est décédé après 30 jours ; deux autres ont développé une maladie rénale chronique par la suite.

Tarir l'excrétion

Le premier prélèvement réalisé dans le cadre de l'étude l'était « aussi vite que possible » après le premier, et le traitement antibiotique prescrit était recueilli auprès du praticien (ainsi que l'anamnèse et la description clinique). Si ce premier prélèvement était négatif, le suivi s'arrêtait : cela a été le cas pour 15 chiens (47 % des cas). Si ce prélèvement était positif, le praticien était contacté pour réaliser un nouveau prélèvement, à 7 jours après le traitement visant à tarir l'excrétion urinaire des leptospires. Si ce nouveau prélèvement était négatif, le suivi s'arrêtait pour le cas correspondant. Si non, il était demandé au praticien soit de réaliser un nouveau prélèvement 7 jours plus tard (traitement inchangé) ou après 7 jours d'un nouveau traitement, et ainsi de suite. Les 32 chiens ayant permis de compléter le protocole étaient tous en maladie rénale aiguë lors du prélèvement initial ; un quart d'entre eux présentaient des paramètres hépatiques élevés. Les responsables de l'étude proposaient au praticien une liste d'antibiotiques pour tarir l'excrétion urinaire (avec posologies) : doxycycline (deux posologies), enrofloxacine, clarithromycine ou cefdinir.

Pas de persistance pour 47 %

Pour les 47 % de chiens dont l'excrétion urinaire a été rapidement tarie, la médiane entre le prélèvement initial et le second prélèvement était de 5 jours (2 à 15 jours). Ils ont été traités avec un seul antibiotique (n=11) ou deux (n=4), mais le traitement avec une aminopénicilline seule n'a été réalisé que pour 5 chiens. Dans deux cas, elle était associée à la doxycycline et dans deux autres à l'enrofloxacine). Trois chiens ont reçu de la doxycycline d'emblée. Le fait que des chiens se négativent après un traitement avec une aminopénicilline ou quelques jours avec de la doxycycline était inattendu et pourrait être lié à d'autres facteurs que la concentration urinaire en antibiotiques. Sur les 17 chiens encore positifs à la 2e PCR, le délai médian après le premier résultat était de 3 jours (2 à 11). La majorité (10/17) avaient reçu de la doxycycline, seule (n=8) ou associée à une aminopénicilline. Deux autres chiens avaient reçu de l'enrofloxacine, et deux de la ceftazidine. Trois autres avaient reçu un antibiotique non recommandé pour tarir l'excrétion (association amoxicilline-acide clavulanique ou ampicilline). Lors du prélèvement suivant (médiane à 7 jours du précédent), 6 chiens sont revenus négatifs (et 11 positifs). Cinq chiens recevaient alors de la doxycycline, un de la clarithromycine (voir l'illustration principale). Les 11 chiens restants ont été testés 11 jours plus tard (médiane) et 5 ont été trouvés négatifs (ils recevaient de la clarithromycine ou de l'enrofloxacine). Les chiens restants, positifs, recevaient de la doxycycline. A nouveau 11 jours plus tard, il ne restait qu'un chien excréteur (les négatifs avaient été traités avec clarithromycine, doxycycline, cefdinir ou cefdazidine). Le dernier chien s'est négativé après 81 jours de suivi (doxycycline à deux fois la dose initiale).

Deux tiers vite taris

Au total, le délai médian d'obtention d'une PCR négative pour ces 17 chiens était de 22 jours, avec un éventail de 11 à 81 jours, mais près de 20 chiens sur les 32 (63 %) présentent une PCR négative au plus 14 jours après les signes initiaux. Cela rejette l'hypothèse initiale de 10 % d'excréteurs persistants après traitement. La doxycycline à la dose initiale de 5 mg/kg toutes les 12 h n'était pas associée à une PCR négative pour 11 des chiens, ni à 10 mg/kg pour un autre. Elle l'a été pour deux chiens (l'un à 7,5 mg/kg @12h et l'autre à 10 mg/kg@12 h). Toutefois, les auteurs calculent que 38 % des chiens ayant reçu de la doxycycline avaient une PCR positive après 18 jours de traitement, ce qu'ils estiment « préoccupant ». La clarithromycine était associée à une PCR négative pour 7 des chiens qui ne s'étaient pas négativés après un traitement initial, après 11 jours de traitement (médiane), mais pas pour 4 autres chiens (médiane à 10 j). L'enrofloxacine était associée avec une PCR négative pour un chien, mais pas pour 5 autres. Ainsi, les auteurs constatent que « la doxycycline et la clarithromycine apparaissent être les antibiotiques oraux associés de la manière la plus fiable à une PCR urinaire négative, bien qu'aucune ne permette un succès régulier ». L'intérêt de cette étude, qui reflète des situations de terrain est aussi sa faiblesse : les paramètres cliniques de chaque cas n'ont pas été standardisés, ni les traitements antibiotiques d'attaque ou visant à tarir l'excrétion urinaire. Pour les auteurs, il pourrait être pertinent de tester l'excrétion urinaire des leptospires des chiens convalescents, même s'ils ont reçu un traitement antibiotique adapté.