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Elanco & Proplan

22 juillet 2019

Arti-Cell° Forte. Une spectaculaire efficacité pour ces premières cellules-souches dotées d'une AMM

par Eric Vandaële

Temps de lecture  9 min

Des résultats bluffants sur le score de boiterie
Sur des boiteries récurrentes d'origine articulaire (ici le boulet), réputées difficiles à traiter durablement par des anti-inflammatoires, les cellules-souches Arti Cell° Forte donnent des résultats spectaculaires comparés à un placebo avec des écarts très significatifs (p < 0,001) à tous les temps d'évaluation (semaines 3, 6, 12 et 18). Le score de boiterie est évalué sur une échelle de 0 (pas de boiterie) à 5 (pas ou très peu d'appui du membre). D'après la référence 2.
Des résultats bluffants sur le score de boiterie
Sur des boiteries récurrentes d'origine articulaire (ici le boulet), réputées difficiles à traiter durablement par des anti-inflammatoires, les cellules-souches Arti Cell° Forte donnent des résultats spectaculaires comparés à un placebo avec des écarts très significatifs (p < 0,001) à tous les temps d'évaluation (semaines 3, 6, 12 et 18). Le score de boiterie est évalué sur une échelle de 0 (pas de boiterie) à 5 (pas ou très peu d'appui du membre). D'après la référence 2.
 

Cela n'a pas été facile. À la majorité des voix — 18 voix pour, 9 contre —, le comité vétérinaire de l'Agence européenne du médicament a approuvé les premières cellules-souches vétérinaires pour la médecine équine : Arti-Cell° Forte. Boehringer Ingelheim vient de lancer officiellement ce premier médicament vétérinaire de médecine régénérative avec une qualité pharmaceutique suffisante pour l'octroi de cette AMM. Les cellules-souches sortent donc de l'illégalité de préparations jusque-là « sans AMM », dont ni la qualité, ni l'innocuité, ni même l'efficacité n'avaient fait l'objet d'une évaluation indépendante positive par une agence du médicament. L'AMM est évidemment une exigence légale pour tous les médicaments fabriqués par un laboratoire, y compris pour des cellules-souches, sauf, évidemment, dans le cadre restreint des essais cliniques.

À l'origine de ce développement, Global Stem Cell Technology (ou GST) est une société belge fondée en 2012, spécialisée dans les cellules-souches et dirigée par des cavaliers ou des vétérinaires passionnés par les chevaux. Sur son site Web (voir ce lien), cette société présente un pipeline d'autres produits en développement pour le traitement des tendinites, de douleurs cervicales, d'ulcères cornéens, d'asthmes, d'affections métaboliques, ou encore, chez les chiens, contre l'arthrose, des affections respiratoires, ou le syndrome de Cushing. Boehringer Ingelheim est le distributeur pour l'Union européenne de Arti-Cell Forte°.

Cellules-souches mésenchymateuses prédifférenciées

Ces cellules-souches mésenchymateuses sont dérivées du sang périphérique de chevaux et prédifférenciées pour une induction « chondrogénique ». Injectées dans le liquide synovial, elles se répartissent en une couche homogène sur le cartilage articulaire. Elles contribuent à produire in vivo des composants du cartilage articulaire : collagène de type II et glycosaminoglycanes entre autres.

Il est donc attendu, et prouvé dans le dossier clinique, « un effet chondroprotecteur » bénéfique dans les « boiteries d'origine articulaires légères à modérés ». Les cellules-souches administrées localement ne migrent pas vers d'autres tissus.

Une conservation à – 80 °C incompatible avec un stockage en centrale

Arti-Cell° Forte est composé de deux flacons constituant l'unité de traitement :

  • Un flacon de 1 ml avec 1,4 à 2,5 millions de cellules-souches mésenchymateuses allogéniques du sang périphérique de chevaux donneurs, différenciées dans la voie chondrocytaire,
  • Un flacon de 1 ml de plasma allogénique de cheval, présenté ici comme un excipient.

Le mélange des deux flacons de 1 ml constitue une dose de 2 ml destinée à une administration intra-articulaire chez le cheval.

Les deux flacons se conservent 2 ans dans de l'azote liquide à -80 °C. De ce fait, ce médicament n'est pas référencé en centrale mais directement livré sur commande auprès de Boehringer Ingelheim. La manipulation du médicament congelé à -80 °C nécessite des gants particuliers. Le médicament est à utiliser immédiatement après décongélation (au bain-marie éventuellement) avec une reconstitution dans la seringue. En pratique, il convient de prendre rendez-vous avec le détenteur du cheval pour cette injection intra-articulaire, puis, le rendez-vous étant confirmé, de commander directement le médicament à Boehringer Ingelheim pour s'assurer d'une livraison dans les 48 heures précédant l'intervention. Les commandes passées le mercredi, le jeudi et le vendredi peuvent être livrées le mardi suivant. Celles passées le lundi sont livrées le jeudi suivant et, celles du mardi, le vendredi.

La qualité des chevaux donneurs

Ces cellules-souches dites « allogéniques » [de la même espèce que le receveur] sont issues de chevaux donneurs. Le statut sanitaire des chevaux donneurs est donc examiné à la loupe pour éviter des contaminations. Plusieurs chevaux donneurs peuvent être utilisés ce qui conduit à la production de cellules-souches différentes selon les donneurs. Chaque lot de cellules-souches fait l'objet d'un contrôle rigoureux. De même, le plasma ne peut pas être totalement standardisé, car il est issu de plusieurs chevaux donneurs. Le plasma est ici considéré comme un excipient qui améliore la viabilité des cellules-souches. Mais il a sans doute aussi une activité propre qui contribue à l'efficacité de médicament. Pour une minorité d'experts — dont celui de l'agence française —, la variabilité des chevaux donneurs — même s'ils sont rigoureusement contrôlés — ne permet pas de garantir une composition parfaitement constante des différents lots de ce médicament. Ils expliquent ainsi leur vote négatif à l'octroi de l'AMM. À l'inverse, une majorité d'experts estime que la qualité pharmaceutique est bien garantie et conforme aux exigences requises pour un médicament destiné à une espèce mineure sur un marché (très) limité.

Contre une boiterie articulaire récurrente, légère à modérée

Arti Cell° Forte est indiqué chez les chevaux présentant une « boiterie chronique légère à modérée, associée à une inflammation aseptique des articulations ». Les cas de boiteries très marquées ne relèvent pas de ce traitement.

Une seule injection intra-articulaire est requise d'un volume de 2 ml après mélange des cellules-souches dans le plasma remises à une température comprise entre 25 à 37 °C. L'aiguille est d'un diamètre élevé, ≥ 22 G, pour ne pas altérer les cellules.

Une première preuve d'efficacité de ce concept a été apportée par une étude in vivo sur un modèle expérimental d'arthrose sur 12 chevaux, six traités par une dose de 2 millions de cellules-souches et six par un placebo (solution NaCl). Un effet sur le renouvellement du cartilage a été observé selon différents critères (histologiques, immuno-histochimiques, visuels…). Sur la boiterie, à J49 (7 semaines post-injection), aucun des six chevaux traités ne présente de boiterie. Alors que tous boitent dans le lot placebo, cinq légèrement et un avec une boiterie sévère.

Une étude de tolérance sur 16 chevaux sains et les études cliniques démontrent la bonne tolérance de cette injection intra-articulaire, en dehors de fréquentes réactions locales transitoires et douloureuses au point d'injection.

Une efficacité spectaculaire contre placebo

L'essai clinique terrain n'a porté que sur l'articulation du boulet avec 75 chevaux inclus : 50 traités par Arti-Cell° Forte, 25 par le placebo (solution NaCl). L'essai est randomisé et à l'aveugle. L'aspect du placebo étant différent des cellules-souches, l'équipe vétérinaire qui réalise les injections intra-articulaires est différente de celle qui réalise le suivi. Les détenteurs des chevaux sont aussi tenus dans l'ignorance du traitement administré. Ils n'assistent pas à l'injection. Les résultats spectaculaires, très en faveur des cellules-souches, ne sont donc pas biaisés par la connaissance du produit administré dans l'articulation.

Au moment de l'inclusion, les chevaux présentent depuis deux à six mois une boiterie récurrente de boulet légère ou modérée notée par un vétérinaire 2 ou 3 sur une échelle de 0 à 5 sur la base de la grille AAEP (American association equine practitionners). Les chevaux présentant des boiteries trop discrètes (score 1/5) ou à l'inverse plus sévères, de score 4/5 (boiterie marquée dès le pas) ou 5/5 (boiterie sans ou peu d'appui du membre au repos et en mouvement) sont exclus de ce protocole. Les chevaux inclus ne sont traités ni par un AINS depuis deux semaines, ni par un corticoïde ni par l'acide hyaluronique depuis un mois.

Lors de l'injection intra-articulaire, tous les chevaux (traités ou placebo) reçoivent une administration IV d'AINS (kétoprofène) comme traitement concomitant. Les chevaux sont gardés au repos aux boxes pendant trois jours. Puis, une marche en main est permise jusqu'à la première évaluation à 3 semaines. Un retour progressif à un travail léger est permis durant les trois semaines suivantes. L'efficacité est donc évaluée sur le score de boiterie à 3 et 6 semaines. À six semaines, les chevaux qui le nécessitent reçoivent un traitement supplémentaire.

Des résultats bluffants pour 80 % des chevaux

Dans cet essai bien mené, les résultats cliniques sont significativement très favorables aux cellules-souches par rapport au placebo, voire assez bluffants (voir figure principale ci-dessus).

  • Dans plus de la moitié des cas traités par les cellules-souches, la boiterie chronique a complètement disparu ou reste très difficile à observer (score 1/5) dans un tiers des cas lors de l'évaluation du score clinique par le vétérinaire. Aux yeux des propriétaires, la boiterie a complètement disparu à six semaines dans 40 % des cas ou avec 80 % d'amélioration dans 32 % des cas. D'autres évaluations cliniques, notamment au test de flexion ou sur la présence d'un œdème à l'articulation du boulet, confirment ces excellents résultats.
  • À l'inverse, dans le groupe placebo, aucune amélioration de cette importance n'est observée, entre autres pour le propriétaire (amélioration absente ou marginale dans 76 % des cas). Le score clinique évalué par le vétérinaire confirme la persistance d'une boiterie légère ou modérée dans les trois quarts des cas. Et dans plus de 90 %, un œdème persiste au boulet au moins pendant les 18 semaines de suivi alors qu'il disparaît dans les trois quarts des chevaux traités par les cellules-souches.

80 % des chevaux traités sont au travail… à l'inverse du placebo

Résultats sur la reprise du travail et des performances

80 % des chevaux traités par Arti-Cell° sont à l'entraînement ou en compétition, alors que le placebo apparaît presque totalement inefficace. Les écarts sont évidemment très significatifs (p < 0,001). D'après la référence 2.

 

A plus long terme, l'efficacité de ce traitement a été évaluée jusqu'à un an en comparaison au placebo.

  • Dans le lot placebo, aucun des 25 chevaux n'est revenu à son niveau de performances antérieures et seulement 8 %, soit 2 sur 25, sont revenus à l'entraînement. En d'autres termes, le placebo a été inefficace. Même le temps ou d'autres soins (permis après six semaines post-injection) n'ont réussi à améliorer ces boiteries chroniques.
  • Dans le lot traité, presque la moitié, 47 %, sont revenus à leur niveau de performances antérieures et 37 % sont à l'entraînement. Plus de 80 % des chevaux sont donc au travail.

Tous les chevaux boiteux ne sont pas éligibles.

Même si ces résultats cliniques sont excellents, l'emploi de ces cellules-souches nécessite quelques précautions.

  • Au-delà d'un coût assez élevé qui peut être sélectif, tous les chevaux boiteux ne sont pas éligibles. Il s'agit des boiteries d'origine articulaire, récidivantes, légères ou modérés, notamment celles des chevaux de bon ou très bon niveau de complet ou de saut d'obstacles. Les signes radiologiques d'arthropathies sont au maximum modérés et non pas graves.
  • La manipulation du produit conservé dans l'azote liquide n'est pas habituelle. Cela exige de programmer en amont à la fois l'intervention et l'achat du produit directement auprès de Boehringer Ingelheim. Une fois le produit commandé, il ne peut pas être retourné. Le client ne doit donc pas annuler l'intervention au dernier moment.
  • Les injections intra-articulaires nécessitent un strict respect de l'asepsie. Si une arthroscopie a été réalisée, il convient d'attendre trois semaines avant l'injection des cellules-souches. Il convient de ne pas utiliser d'anesthésique local ni d'autres produits intra-articulaires. Pour contrôler la douleur et l'inflammation postopératoire, des AINS peuvent être utilisés par voie générale.
  • En postopératoire, le cheval est maintenu au repos (strict) au box pendant trois jours complets. La reprise d'une activité est ensuite progressive, d'abord au pas et en mains. Deux visites vétérinaires de suivi sont recommandées à trois et six semaines pour évaluer la reprise progressive de l'entraînement, puis de la compétition.