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19 avril 2019

Passer les chiens dans un IRM d'humaine à la barbe des patients ne provoque pas de contamination bactérienne excessive

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

L'étude helvéto-austrio-britannique sur l'usage d'un IRM hospitalier pour des examens de chiens montre que, grâce au nettoyage-désinfection réalisé systématiquement après le patient animal, les surfaces de la machine sont plus propres que lors d'un usage strictement humain (cliché : Borbala Ferenczy).
L'étude helvéto-austrio-britannique sur l'usage d'un IRM hospitalier pour des examens de chiens montre que, grâce au nettoyage-désinfection réalisé systématiquement après le patient animal, les surfaces de la machine sont plus propres que lors d'un usage strictement humain (cliché : Borbala Ferenczy).
 

Le pelage des chiens n'héberge pas plus de bactéries que la barbe de certains patients. Et les imageristes vétérinaires suisses, autrichiens et britanniques qui ont obtenu ce résultat insistent : grâce au nettoyage-désinfection systématique de l'IRM après son usage vétérinaire, il est plus propre que lors d'un usage exclusivement “humain”.

Trois centres d'imagerie IRM

Du fait de la faible ressource en IRM et de la forte demande de la médecine des petits animaux, « l'objectif principal de notre étude prospective multicentrique a été de déterminer s'il serait hygiénique d'évaluer des chiens et des humains dans le même IRM en comparant » leurs flores respectives. L'étude s'est déroulée de juillet à septembre 2017. Le site principal est un institut médical réalisant 8 000 IRM d'humains par an et « un faible nombre sur des chiens », après l'examen desquels un « protocole standard de nettoyage et désinfection est réalisé » avant la reprise des examens de patients humains (ce protocole durait 2 minutes, avec lingette désinfectante). Deux autres instituts d'imagerie, où les IRM ne reçoivent que des patients humains, ont été utilisés comme témoins pour la charge bactérienne issue de cette activité exclusive.

Nettoyage-désinfection efficace

Dans l'IRM du premier centre, les mêmes surfaces ont été échantillonnées quel que soit l'espèce examinée : la table, deux points du portique (entrée et sortie, même côté) et un point sur l'antenne. Ces prélèvements, avec une boîte contact (gélose TSA) ont été réalisés d'une part, entre deux patients d'humaine (mais le même jour que des IRM de chiens étaient prévues) à 9 reprises et d'autre part, à la fin du nettoyage-désinfection qui a suivi une IRM de chien, juste avant l'arrivée du patient suivant (à 9 reprises aussi). L'étude a été conduite sur 3 jours différents.

Dans les deux autres IRM d'humaine, les prélèvements de surfaces ont également été réalisés entre patients, avec la même procédure (à 9 reprises dans chaque). Comme dans le premier, il n'y a pas de nettoyage-désinfection en routine entre deux patients humains. Les boîtes contact ont été incubées, puis le dénombrement effectué et la recherche d'espèces pathogènes pour l'Homme effectuée. « Il n'y avait pas de différence significative de charge bactérienne totale entre les trois IRM pour les examens de routine d'humaine » (p=0,91), avec une moyenne de 5 UFC/gélose. En revanche, après les chiens (et le nettoyage-désinfection), la charge bactérienne des surfaces chutait significativement (à 0,1 UFC/gélose, p=0,004). La recherche d'espèces pathogènes pour l'Homme a été réalisée à partir des géloses prises sur les antennes, mais n'a jamais fourni de résultat positif.

100 % des barbus “chargés”

Au sein de ces trois centres d'imagerie, il a été proposé à des patients masculins devant passer une IRM et ayant une barbe de participer à l'étude (ils devaient ne pas avoir été hospitalisés dans les 12 derniers mois). S'ils acceptaient, ils se soumettaient avant l'examen à un prélèvement par boîte contact (10 secondes) sur leur barbe, puis un écouvillonnage de leur demi-cavité buccale (la gauche) et enfin la mesure de la longueur de leur barbe. Pour cela, « un opérateur entraîné » tirait « doucement sur la barbe » avant de la mesurer. Trois catégories ont été constituées, avec les 18 barbus volontaires : les barbes de 0-1 cm de long, celles de 1,1-2 et celles de > 2,1 cm. Toutes les barbes (18/18) comprenaient une charge microbienne élevée (> 30 UFC/gélose). Sur les chiens, la boîte contact était appliquée pendant 10 secondes, une fois l'anesthésie générale effective, sur la peau de la base du cou, entre les omoplates. Cette région cutanée a été choisie « sur la base des conseils des vétérinaires, qui ont indiqué qu'il s'agissait d'une des zones les moins hygiéniques de l'animal ». Puis un écouvillonnage de la moitié de la cavité buccale était réalisé. L'examen d'imagerie était ensuite réalisé comme à l'habitude des procédures en place. Trois quart des 30 chiens de l'étude (76,7 %) présentaient un pelage fortement contaminé et un peu moins du quart (23,3 %) étaient modérément contaminés (11 à 30 UFC/gélose), ce qui est significativement moindre que chez les barbus (p=0,036).

Bouches : délit de sale gueule

La recherche de pathogènes a également été fructueuse chez 38,9 % des barbes, contre 13,3 % des pelages, mais cette différence n'atteint pas le seuil de signification statistique (p=0,07). Les espèces représentées étaient Staphylococcus aureus et Enterococcus faecalis chez l'Homme, contre Enterococcus sp., Moraxella sp. et S. aureus chez le chien. Pour les cavités buccales, la charge bactérienne totale était à nouveau plus du côté des humains (94,4 % de charge élevée) que des canins (40 % de charge élevée, p<0,001). En revanche, les pathogènes étaient plus représentés dans les cavités buccales des chiens, des Pasteurella canis, des Pasteurella sp., une souche d'E. coli et une autre d'Enterococcus sp.

Question d'hygiène

Bien qu'ils n'aient pas fait de calcul ramenant la comparaison de surface de barbe sur un corps humain à celle du pelage sur un corps de chien, les auteurs concluent que « les chiens peuvent être considérés comme “propres” par rapport aux barbus ». Ils montrent aussi que les surfaces de la machine et de l'antenne dans leur usage routinier de médecine humaine « hébergent une contamination considérable » qui pourrait « représenter un risque élevé si des germes pathogènes étaient présents », ce qui n'a pas été mis en évidence. L'étude montre aussi qu'après le nettoyage-désinfection, les IRM « sont propres et n'hébergent quasiment plus aucune bactérie ». L'autorisation d'un usage vétérinaire des IRM « dépend des responsables de chaque centre d'imagerie. Certains refusent au motif non étayé que cela représente un risque de contamination significatif ». Forts de leur étude, les auteurs estiment que le passage d'un chien présente un avantage : celui d'imposer un nettoyage-désinfection « rendant [les surfaces] presque stériles, ce qui peut ne pas être le cas lors de l'utilisation humaine en routine ». Ainsi, « dans l'effort de réduire les infections nosocomiales à l'hôpital, la question centrale devrait probablement ne pas être relative à l'accès des chiens aux techniques d'imagerie, mais plutôt de se concentrer sur les connaissances et la perception de l'hygiène et de comprendre ce qui pose un danger et un risque réels pour nos patients ». Aussi, du fait de la forte demande, « ouvrir les structures d'imagerie aux chiens est, dans ce contexte, essentiel ».