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Elanco & Proplan

10 novembre 2025

Chat anémié ou thrombopénique : rechercher des lésions oculaires hémorragiques

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Les 83 chats inclus (47 mâles et 36 femelles) ont tous bénéficié d'un examen ophtalmologique complet (cliché Pixabay).
Les 83 chats inclus (47 mâles et 36 femelles) ont tous bénéficié d'un examen ophtalmologique complet (cliché Pixabay).
 

Des données parcellaires documentent l'existence de troubles rétiniens chez les chats gravement anémiés, notamment des hémorragies ou un reflet anormal. Des hémorragies oculaires ou péri-oculaires sont également rapportées dans des cas de thrombopénie.

Selon les résultats d'une étude menée en France, la fréquence et la potentielle gravité de ces lésions méritent une recherche systématique chez tout chat présentant une anémie ou une thrombopénie, quelle qu'en soit l'origine.

Étude prospective sur 6 ans

Les 63 chats recrutés avaient été reçus en consultation entre octobre 2018 et octobre 2024. Les examens pratiqués comprenaient, entre autres, un bilan hématologique sanguin (avec frottis pour vérifier la qualité du prélèvement).

Les chats étaient considérés comme anémiés si la valeur de l'hématocrite était ≤ 24 % (avec une anémie modérée entre 24 et 16 % et une anémie sévère si ≤ 15 %) ; ils étaient considérés comme thrombopéniques lorsque le comptage de plaquettes était ≤ 200 x109/l (thrombopénie modérée entre 200 et 51 et sévère si ≤ 50 x109/l.

Les cas se répartissent ainsi comme suit :

  • Groupe anémié de 20 chats,
  • Groupe thrombopénique de 10 chats,
  • Groupe anémié et thrombopénique de 33 chats.

Un groupe témoin de 20 chats était constitué d'animaux hospitalisés sur la même période pour une chirurgie de convenance, et dont le bilan hématologique était normal.

Des lésions classées mineures ou majeures

Un examen ophtalmologique complet avait également été réalisé chez tous ces chats, incluant notamment la mesure de la pression intraoculaire et un fond d'œil. Il était réalisé indépendamment de la prise en charge du cas (par un vétérinaire non informé du diagnostic).

La gravité des lésions dépend de leur impact sur la fonction visuelle ou le globe oculaire. Une hémorragie rétinienne isolée ou dispersée, ou pré-rétinienne, par exemple, est considérée comme mineure, tandis qu'une hémorragie rétinienne diffuse ou du vitré, ou un hyphéma, est classé comme lésion majeure.

Une mesure de la pression artérielle systémique (sur les individus coopératifs !) avait également été réalisée, mais sur une proportion trop faible de cas pour pouvoir être prise en considération dans l'analyse des résultats.

Prévalence élevée de lésions hémorragiques

Des lésions oculaires hémorragiques ont été observées chez 21 chats au total, soit 63 % des cas (voir tableau ci-dessous).

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Une anémie ou une thrombopénie est ainsi associée au risque de lésions oculaires, en matière de présence comme de gravité. La gravité des lésions est également corrélée à celle de l'anémie (cette corrélation n'est pas significative pour la thrombopénie). Et ces lésions sont particulièrement fréquentes lors d'anémie et de thrombopénie concomitantes : elles sont alors présentes dans 48 % des cas.

Dans cette cohorte, le seuil de 18,5 % d'hématocrite permet de prédire la présence de lésions oculaires avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 58 %.

Chez le chien, des études ont montré une association entre thrombopénie et lésions oculaires (avec une prévalence plus élevée qu'ici), mais pas entre anémie et lésions oculaires. Et une anémie concomitante à la thrombopénie n'augmente pas le risque d'atteinte oculaire dans cette espèce.

Surrisque en cas de maladie auto-immune ?

Le risque hémorragique est avéré lors de thrombopénie. En revanche, le mécanisme liant l'anémie à l'hémorragie oculaire reste à explorer. L'hypoxie vasculaire secondaire à l'anémie est susceptible d'entraîner une fragilité endothéliale, augmentant la perméabilité vasculaire et favorisant ainsi les hémorragies rétiniennes.

La cause sous-jacente pourrait aussi jouer un rôle. Ici, des atteintes oculaires ont été observées dans des cas d'anémie ou de thrombopénie de différentes causes primaires. Mais parmi les 22 chats atteints de maladie à médiation immunitaire, 10 (soit 45 %) présentaient des lésions oculaires. Et inversement, une maladie auto-immune a été diagnostiquée chez 10 des 21 cas de lésions oculaires (soit 48 %, contre 19 % chez les chats sans trouble oculaire). Ce lien mériterait ainsi d'être davantage étudié.