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25 avril 2024

Le propriétaire d'un lapin détecte l'absence de douleur ou une forte douleur, pas l'entre-deux

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

L'appétit, et donc la baisse d'appétit en cas de douleur, est le premier signe évoqué par les propriétaires dans l'étude. C'est un paramètre absent de la grille d'évaluation de la douleur aiguë à usage vétérinaire (la Bristol rabbit pain scale), mais légitime pour une évaluation à domicile (cliché Pixabay).
L'appétit, et donc la baisse d'appétit en cas de douleur, est le premier signe évoqué par les propriétaires dans l'étude. C'est un paramètre absent de la grille d'évaluation de la douleur aiguë à usage vétérinaire (la Bristol rabbit pain scale), mais légitime pour une évaluation à domicile (cliché Pixabay).
 

S'il a très mal, ça se voit. S'il n'a pas mal, ça se voit aussi. Entre les deux, c'est plus aléatoire.

Le lapin, avec son statut de proie, fait partie des espèces qui dissimulent une maladie ou une douleur. Il n'est donc pas évident de la détecter chez les lapins de compagnie. Comme pour le chien et le chat, une équipe de l'école vétérinaire de l'Université de Bristol a développé et validé une grille d'évaluation de la douleur aiguë du lapin (Bristol rabbit pain scale, BRPS), outil à usage vétérinaire, utilisé pour la détection de la douleur et son suivi, en particulier en hospitalisation.

Quid des aptitudes des propriétaires ? Une étude de la même équipe montre qu'une meilleure formation à la reconnaissance des premiers signes de douleur serait bénéfique.

Étude en 2 étapes

L'étude s'est déroulée en deux phases. La première s'est appuyée sur un questionnaire en ligne (17 questions et 49 sous-questions), ayant récolté 500 réponses, de propriétaires aguerris (la grande majorité avait détenu ou détenait plusieurs lapins).

Les questions posées ont permis d'évaluer les connaissances des propriétaires à propos de la douleur du lapin et ses modes d'expression. Il s'agit ici des signes comportementaux d'une douleur (baisse d'appétit, modification du comportement d'élimination, d'exploration…), exclusion faite des signes physiologiques (température, fréquence cardiaque) qu'il n'est pas demandé aux propriétaires de mesurer.

Les réponses montrent que la quasi-totalité des répondants estime, à juste titre, qu'un lapin peut éprouver de la douleur autant qu'un chien ou un chat (91,8 % des répondants), voire davantage que ces espèces (7,8 %), ce qui est plus étonnant.

L'anorexie : premier signe de douleur

Les répondants devaient également lister les signes de douleur qu'ils connaissent (la grille BRPS les classe en 6 catégories, comme la posture, la position des yeux et des oreilles, etc.), et les hiérarchiser.

Un total de 13 signes a été évoqué avec, en moyenne, 5 par répondant. Des signes relatifs à la posture de l'animal sont le plus souvent cités ; le défaut de toilettage est le plus souvent oublié.

Toutes catégories confondues, l'anorexie est citée le plus souvent. C'est aussi le signe jugé comme le plus important. L'anorexie n'est pas retenue dans la grille BRPS, car c'est un comportement difficile à évaluer sur une courte période d'observation. Mais, les auteurs le rappellent, l'appétit est effectivement un signe de bonne santé générale, et une baisse d'appétit est un signe intéressant à relever par le propriétaire, notamment en cas de douleur chronique.

À propos de ces signes, les répondants disent avoir appris essentiellement par eux-mêmes ; un sur deux a tout de même eu des informations par son vétérinaire.

Les femmes, les personnes travaillant avec des lapins (en clinique vétérinaire ou en animalerie, par exemple) et les propriétaires dont le lapin a déjà subi une intervention chirurgicale (stérilisation ou soins dentaires par exemple, donc douloureuse), sont plus à même de lister un grand nombre de signes de douleur chez un lapin.

La fracture : affection la plus douloureuse

Les participants devaient aussi estimer le niveau de douleur associée à 14 affections médicales (stase digestive, otite, plaie de morsure, etc.). Une fracture osseuse récolte le plus haut score, par plus de 9 répondants sur 10.

À l'opposé, une stérilisation, d'un lapin mâle ou femelle, est jugée non douloureuse par 2,8 et 2,4 %, respectivement.

Dans la plupart des cas, une consultation vétérinaire est estimée nécessaire, le jour même ou au moins dans les 2-3 jours.

Évaluation sur vidéo

La seconde phase de l'étude (optionnelle) a consisté à présenter 8 vidéos de lapins, d'une durée de 0,5 à 5 minutes, exprimant divers niveaux de douleur, afin que les participants l'évaluent. Ces derniers ont utilisé pour ce faire une version simplifiée de la grille BRPS, avec un score entre 0 (pas de douleur) et 4 (forte douleur). Ils devaient argumenter leur évaluation, et indiquer si, à leur avis, des soins vétérinaires étaient nécessaires.

Parmi les répondants de la première phase, 345 ont participé à ce second volet.

Les résultats ont été comparés à l'évaluation conjointe de 3 experts. Et ils montrent une très bonne concordance s'agissant des lapins ne présentant aucune douleur (88,8 %).

La concordance est très bonne aussi pour les cas de douleur sévère (65,2 %).

En revanche, cette concordance tombe à 43,2 % pour les cas de douleur modérée, et à 28,4 % seulement pour les cas de faible douleur.

Seuls 1,4 % des répondants étaient en totale adéquation avec les experts sur les 8 vidéos. Le nombre médian de vidéos bien analysées est quand même de 5.

Sous-estimation de la douleur

D'une manière générale, les propriétaires sous-estiment la douleur du lapin. Un score total était calculé en additionnant les scores des 8 vidéos, soit un chiffre entre 0 et 24.

Ce score total a varié entre 3 et 22, avec une médiane à 12, tandis que le score total des experts est de 18.

La véracité de l'évaluation ne varie pas selon le sexe ou l'expérience des répondants cette fois. Elle augmente un peu, mais faiblement, avec l'âge de la personne.

Le besoin de soins vétérinaires augmente avec le score de douleur estimé pour le lapin concerné.

Sensibiliser les clients

Selon les auteurs, une meilleure information des propriétaires sur les signes les plus subtils de douleur serait donc utile, une augmentation de la fréquence respiratoire par exemple, ou les moins connus, comme le défaut de toilettage ou des troubles de la défécation.

Les vétérinaires sont les mieux placés pour effectuer cette sensibilisation, mais encore faut-il que le lapin soit médicalisé.