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19 avril 2024

Le toucher rectal : un incontournable de l'examen clinique du chien ?

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

 

Le toucher rectal est un examen invasif, pas toujours bien accepté (par le chien comme par son propriétaire). Il est donc souvent réservé aux chiens mâles âgés, à ceux de grand format, ou ceux présentant des signes cliniques motivant précisément sa réalisation. L'examen permet en effet de détecter nombre d'anomalies locales (anomalie prostatique ou urinaire, dysfonctionnement du sphincter anal, présence d'une masse rectale, d'un prolapsus rectal, d'une hernie périnéale, d'une fistule, d'une sacculite…) et d'examiner le contenu du rectum.

Son utilité n'est plus à démontrer pour le diagnostic de certaines maladies, notamment les affections prostatiques et les hernies périnéales chez les chiens mâles. C'est plutôt son éventuel intérêt dans l'examen clinique de routine qui a motivé la réalisation d'une étude évaluant la fréquence des anomalies détectées et leur influence sur la démarche diagnostique et thérapeutique initiale.

Plusieurs hypothèses des auteurs ont été infirmés par leurs résultats.

Étude sur une période d'une année

L'étude a été réalisée au Ryan Veterinary Hospital, hôpital vétérinaire pour animaux de compagnie de l'école vétérinaire de l'Université de Pennsylvanie (PennVet). Les chiens inclus avaient tous fait l'objet d'un toucher rectal, indépendamment du motif de consultation ou du service. Cet examen n'étant pas systématique, la prévalence des anomalies détectées ne correspond pas à leur prévalence dans la population canine générale.

En effet, durant un an (mai 2022-mai 2023), les cliniciens de l'établissement étaient invités à participer à l'étude, en complétant un questionnaire lorsqu'ils avaient réalisé un toucher rectal chez un chien (de manière systématique ou ciblée selon le vétérinaire).

Outre les informations sur le chien, le motif de consultation et les résultats de l'examen pratiqué, le questionnaire recueillait les réponses du clinicien à 2 questions :

  1. « Les résultats vous poussent-ils à réaliser d'autres examens à visée diagnostique ? »
  2. « Avez-vous modifié le plan de traitement initial ? »

Des commentaires libres étaient possibles.

Des anomalies dans 36 % des cas

Un total de 440 chiens a ainsi été inclus :

  • 180 chiennes stérilisées,
  • 169 mâles castrés,
  • 58 mâles entiers,
  • 33 chiennes entières.

Les auteurs avaient émis l'hypothèse que les anomalies seraient fréquentes. Leurs résultats leur donnent raison. Le toucher rectal effectué a détecté des anomalies chez plus d'un tiers des chiens : 36,4 % (160/440).

Davantage d'anomalies aux urgences

Les auteurs pensaient que les anomalies seraient plus fréquentes chez les chiens mâles âgés. Eh bien non. La fréquence des anomalies n'est pas influencée par l'âge des chiens (voir tableau en illustration principale), ni par le sexe ou le statut sexuel, ni par la race (chiens de race pure ou croisés).

La fréquence des anomalies est en revanche plus élevée chez les chiens présentés au service d'urgences, avec une répartition significativement différente des cas avec ou sans anomalie selon le service (voir tableau en illustration principale).

Cette observation pousse les auteurs à recommander de systématiser le toucher rectal chez un chien présenté en urgence, indépendamment du motif et des paramètres démographiques. De son âge en particulier, malgré le fait que l'incidence des hypertrophies de la prostate et des affections tumorales augmente avec l'âge.

L'examen du contenu rectal apparaît particulièrement instructif en contexte d'urgence. Sur l'ensemble des cas, les anomalies rapportées concernent le plus souvent ce contenu (88 cas), suivies par celles touchant les glandes anales (64 cas). Les troubles prostatiques sont étonnamment limités ici (19 cas).

Des conséquences cliniques importantes

Les auteurs avaient minimisé aussi l'impact des anomalies détectées sur la démarche diagnostique et thérapeutique initiale. Ces anomalies sont en fait d'importance.

Ainsi, parmi les 160 cas chez lesquels une anomalie a été détectée au toucher rectal :

  • Une modification de la démarche diagnostique a été réalisée chez 41, soit 25 %, en particulier en cas de lésion de la paroi rectale (imagerie médicale pour en évaluer l'étendue, rechercher des métastases…) ou d'atteinte prostatique ;
  • Et une modification du plan de traitement initial a été effectuée pour 20 chiens, soit 12,5 %, notamment en cas d'affections des sacs anaux (impaction, abcès).

Les limites de cette étude sont évidemment nombreuses, en termes de population étudiée (forte proportion de cas urgents) et du fait du mode de recrutement des cas (volontariat). Ses résultats sont néanmoins en faveur d'un recours plus fréquent à cet examen. Et des études prospectives pourraient venir en affiner les indications.