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29 juin 2018

Un tour d'horizon sur la borréliose de Lyme en France confirme l'importance de l'infection en Limousin, Alsace et Franche-Comté

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Les nymphes d'Ixodes ricinus sont principalement responsables de la transmission de Borrelia à l'homme (cliché V. Dedet).
Les nymphes d'Ixodes ricinus sont principalement responsables de la transmission de Borrelia à l'homme (cliché V. Dedet).
 

Un volumineux numéro « thématique » du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) offre « un panorama renouvelé sur l'épidémiologie, la prévention et le diagnostic de la borréliose de Lyme ». Il apporte en 8 articles scientifiques en français des confirmations (importance de l'infection en Alsace et Franche-Comté), des éclairages sur le diagnostic de laboratoire chez l'Homme, des nouveautés (la forêt ne représente qu'un peu plus de la moitié des sites visité) et des questions (l'augmentation d'incidence de 2016 est-elle réelle ou le fruit de la médiatisation de la maladie ?).

Augmentation de l'incidence en 2016

En médecine générale, un réseau de médecins sentinelles a été établi à partir de 2009, qui a identifié 819 cas en 8 ans (sur 1 163 suspicions), avec une incidence annuelle estimée qui est restée stable de 2009 à 2015 (41 à 55 cas p. 100 000 habitants). L'année 2016 se démarque, avec une « augmentation significative [à] 84 cas déclarés pour 100 000 habitants », contre 41 cas p. 100 000 sur la période 2009-2015. Les auteurs attendent les chiffres de 2017 pour savoir s'il s'agit d'un biais de déclaration en lien avec la médiatisation de l'infection, ou d'une augmentation réelle. Car l'augmentation n'est liée qu'aux érythèmes migrants et pas aux autres motifs de suspicion.

Limousin avant Alsace

A noter qu'en 2016, l'incidence la plus élevée dans ce réseau était observée en Limousin (617 cas p. 100 000 habitants), loin devant l'Alsace (281), foyer d'endémie historique en France et de la moyenne nationale (88, elle aussi en augmentation). En médecine hospitalière, les cas de borréliose de Lyme sont comptabilisés depuis 2005 et jusqu'en 2016, il y a eu une moyenne de 799 cas hospitalisés annuellement. La répartition régionale des cas de 2015-2016 est tout aussi hétérogène que pour les cas issus de la surveillance sentinelle, mais permet de retrouver les deux régions à forte incidence : Limousin et Alsace (voir la carte ci-dessous). Leur taux d'hospitalisation pour neuroborréliose étaient aussi les plus élevés, avec 2,4 cas hospitalisés pour 100 000 habitants, alors que le taux d'incidence hospitalière moyen (toutes formes cliniques) sur 2005-2016 est estimé à 1,3 pour 100 000 habitants par an. La Franche-Comté est la 3e région d'incidence élevée de borréliose de Lyme en France et une étude dédiée aux cas identifiés dans cette région sur la période 2009-2012 obtient des valeurs d'incidence en cohérence avec celles du réseau sentinelle. Toutefois, sur l'année 2016, l'incidence en Franche-Comté (110) était nettement dépassée par celle relevée en Poitou-Charentes (300).

Taux d'incidence hospitalière annuel moyen pour borréliose de Lyme par région de résidence ou d'hospitalisation en France métropolitaine sur 2005-2016, avec superposition des régions de forte incidence en 2016 dans le réseau sentinelle chez les généralistes (LeFil, d'après BEH).

 

Deux classes d'âge

La première cause d'hospitalisation est la forme nerveuse de l'infection (neuroborréliose, 51 % des cas). Alors que dans le réseau de généralistes, la classe d'âge la plus atteinte sont les 60-69 ans (en lien avec « l'augmentation de la pratique de randonnée pédestre par les jeunes retraités »), il y a deux pics d'incidence dans les populations hospitalisées : les 5-9 ans et les 70-79 ans. La durée médiane d'hospitalisation « était de 7 jours pour les cas avec manifestations cardiaques et de 5 jours pour les manifestations neurologiques », les séniors étant plus souvent hospitalisés pour causes cardiaques et les enfants pour causes neurologiques.

Des tests diagnostiques séquentiels

Sur le diagnostic médical de l'infection, la démarche repose (enfin) sur plusieurs tests : une « combinaison séquentielle de deux techniques, ELISA puis Western blot, permet les meilleures performances, en termes de sensibilité et de spécificité, pour la détection d'anticorps spécifiques ». Toutefois, plusieurs précisions sont apportées :

  • « après une piqûre de tique infectante, 95 % des sujets qui font une séroconversion ne présenteront aucun signe clinique », mais sur les cas identifiés par les généralistes, seuls 72 % se souviennent d'avoir été mordus par une tique ;
  • les IgM n'apparaissent que quatre à six semaines après la morsure de tique et seulement dans 50 % des cas ;
  • ainsi, « l'observation d'un érythème migrant pathognomonique justifie la mise en route d'un traitement antibiotique sans autre investigation complémentaire » et, surtout, « la sérologie ne doit [alors] pas être réalisée car elle peut être faussement négative » ;
  • enfin, dans la phase ultérieure (disséminée) de l'infection, « les anticorps sont présents dans 70 à 90% des cas. Ainsi, devant un résultat négatif, il est recommandé de refaire un dosage quatre à six semaines plus tard afin de rechercher une augmentation des anticorps ». Et « une sérologie positive ne signifie pas forcément que les symptômes soient en relation avec une maladie de Lyme (…). Il peut aussi s'agir d'une cicatrice sérologique d'une infection ancienne, souvent asymptomatique, traitée ou non. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes fréquemment exposées aux tiques à titre professionnel (forestiers) ou lors des loisirs (randonneurs) ».

Tique partout

Le vecteur des Borrelia, Ixodes ricinus, est présent dans la majeure partie de la France métropolitaine, sauf au-dessus de 1 200-1500 mètres et dans les zones sèches de Méditerranée, indiquent les auteurs de l'article sur la surveillance vectorielle. Toutefois, la carte de répartition d'I. ricinus en Europe mise à jour à juin 2018 par l'E-CDC ne présente que trois départements où la présence de la tique n'est pas documentée – et c'est lié à un manque de données, pas à son absence (voir la carte ci-dessous) : Lozère, Alpes-Maritimes et Haute-Corse (et Paris…). Ces auteurs rappellent aussi que l'activité des tiques nécessite un taux d'humidité d'au moins 80 %. En conséquence, « si l'hiver est doux, elle peut rester active toute l'année ».

Répartition d'Ixodes ricinus en Europe (carte recentrée sur la France) à juin 2018, telle que documentée par le Centre européen de contrôle des maladies infectieuses (E-CDC).

 

Ne pas oublier les espaces découverts

Ce qui rejoint les données nouvelles sur le lieu d'exposition aux tiques, issues du réseau alsacien de surveillance, Alsa(ce)tique, : « la forêt ne représente que 56 % de l'exposition à risque ; les jardins publics ou privés (26 %) et la prairie (17 %) étant les deux autres lieux de piqûre les plus fréquemment rapportés ». Cette information est à mieux prendre en compte pour la prévention, estiment les auteurs. Or un sondage commandé par les autorités sanitaires et portant sur « les attitudes, pratiques de prévention et perception de l'exposition aux piqûres de tiques, ainsi que les connaissances sur la maladie de Lyme » a été réalisé en 2016. Il révèle que :

  • un quart de la population métropolitaine a déclaré avoir déjà été piqué par une tique au cours de sa vie ;
  • les personnes exerçant une profession agricole se déclaraient davantage très exposées (17 %, p < 0,001) comparées aux autres catégories socioprofessionnelles ;

  • les personnes ayant déjà été piquées, celles se sentant exposées aux tiques et les personnes vivant dans des régions de haute incidence déclaraient davantage être bien informées sur la maladie de Lyme que la moyenne nationale (28 %) ;

  • cependant, seules 2 personnes sur trois parmi celles se sentant le plus exposées prennent des mesures de protection : avant tout le port de vêtements à manches longues…