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25 mars 2015

Avis de recherche : une maladie rénale et cutanée
tue 30 chiens britanniques en 18 mois

par Vincent Dedet

Le premier motif de consultation des 30 cas de glomérulonéphrite et vasculopathie cutanée était la lésion cutanée. Ici, une lésion au doigt (cliché : David Walker, Anderson Moores Veterinary Specialists).

Des praticiens et spécialistes britanniques viennent de compiler l’historique et les détails cliniques de 30 cas fatals d’une maladie jusque là restreinte aux USA. Elle associe lésions cutanées et atteinte rénale aiguë, sans étiologie identifiée.

 
Le premier motif de consultation des 30 cas de glomérulonéphrite et vasculopathie cutanée était la lésion cutanée. Ici, une lésion au doigt (cliché : David Walker, Anderson Moores Veterinary Specialists).
 

Impossible d’estimer si la description de 30 cas fatals pour des chiens britanniques en 18 mois correspond à une émergence vraie plutôt qu'à une maladie rare qui commence à être identifiée. Les auteurs, des spécialistes de médecine interne exerçant en cas référés et des praticiens britanniques viennent pourtant de décrire pour la première fois de ce côté de l’Atlantique une série de cas de « vasculopathie cutanée et rénale glomérulaire ».

Alabama rot

Cette affection est connue aux USA depuis une trentaine d’années, où elle n’est décrite que sur les Greyhound, et est baptisée “Alabama rot”. Seuls deux cas, isolés, avaient jusque-là été publiés en Europe : sur un Greyhound britannique et sur un Dogue allemand allemand. Dans la série de cas britanniques ne figure pourtant aucun Greyhound, mais 15 races différentes et des croisés. En clair : 5 Springer anglais, 4 chiens croisés de plus de 20 kg, un de moins de 20 kg, 4 Flat-Coated Retriever, 3 Whippet, 2 Border Collie, 2 Jack Russell Terrier, 2 Doberman, 1 Labrador Retriever, 1 Cocker anglais, 1 Staffordshire Bull Terrier, 1 Braque hongrois à poils courts, 1 Braque de Weimar, 1 Dalmatien et 1 Terrier Tibétain.

Cas groupés

À la suite de l’identification de 7 cas dans une courte période, deux praticiens spécialistes exerçant en structure de cas référés, Lucy McMahon et David Walker, avaient publié un courrier des lecteurs dans le Veterinary Record en mars 2013. Ils y attiraient l’attention de leurs confrères sur « ces cas groupés », demandaient à ceux « ayant des cas suspects » de se rapprocher d’eux ; ils évoquaient déjà une « étiologie inconnue ». De nombreux praticiens ont ensuite contacté les auteurs, pour signaler des cas similaires. Une enquête rétrospective a donc été lancée, pour mieux décrire cette entité pathologique.

Vasculopathie avérée

Ont été retenus, les chiens ayant souffert en même temps d’insuffisance rénale aiguë liée à ne maladie vasculaire (présence avérée de caillots dans les capillaires) et de lésions cutanées, sans cause identifiable. N’ont été inclus dans l’étude que les cas pour lesquels l’histologie rénale avait mis en évidence cette vasculopathie (une microangiopathie thrombotique). Sur les 71 cas portés à la connaissance des auteurs par un total de 53 cliniques vétérinaires, 41 ont été exclus de leur compilation, pour manque d’informations médicales ou de prélèvements.

Ulcères

Leur compilation porte donc sur 30 cas, tous morts ou euthanasiés. Les signes cutanés sont apparus avant les signes généraux (sauf pour 2 chiens) et étaient le plus souvent le motif de consultation. Ces lésions cutanées étaient principalement localisées sur les pattes arrière (29/30) et causaient alors une boiterie (douleur à la palpation). Elles pouvaient aussi concerner l’abdomen (9/30), voire la langue (ulcère, 10/30). La moitié des chiens (14/30) présentaient plusieurs lésions cutanées. Elles variaient de l’abrasion à l’ulcère et avaient de 0,5 à 5 cm de diamètre. Pendant leur hospitalisation, 6 chiens ont développé de nouvelles lésions cutanées. Les signes généraux étaient : léthargie (19,30), hypothermie (19/20), anorexie (20/30), vomissement (20/30)… Pour deux chiens, ces signes ont précédé l’apparition des lésions cutanées. Enfin, 15 chiens étaient anémiés. 

Lésion cutanée sur la face médiale de la patte avant - ces lésions sont douloureuses à la palpation (cliché : David Walker, Anderson Moores Veterinary Specialists).

 

Sombre pronostic

Il s’est écoulé de 1 à 9 jours entre l’apparition des lésions cutanées et le développement de l’insuffisance rénale aiguë. Et les auteurs soulignent que l’apparition de l’azotémie dessine un très sombre pronostic. Deux facteurs de risque potentiels ont été identifiés. Chez une personne, 14 autres chiens vivaient en compagnie d’un cas. Deux de ces congénères ont développé des lésions cutanées avec insuffisance rénale aiguë, tandis que 6 autres n’ont développé que des lésions cutanées (aucun de ces cas n’est comptabilisé dans les 30 de l’étude). Les auteurs soulignent que tous ces chiens étaient apparentés, ce qui ne ferme pas la porte à une composante génétique de la maladie ou de son expression.

Hampshire

En second lieu et bien que d’origines géographiques diverses, 10 des cas avaient fréquenté le même parc naturel (New Forest, dans le Hampshire) de quelques heures à quelques jours, peu avant de présenter les premiers signes cutanés. Toutefois, le principal auteur de cette étude est installé dans cette région, et a sensibilisé les praticiens avoisinants à suspecter cette affection…

Mystère étiologique

Habituellement, la microangiopathie thrombotique rénale est observée dans les cas syndrome hémolytique et urémique (SHU), lié à des E. coli entérohémorragiques (EHEC, dont le plus connu est O157 :H7). Toutefois, et malgré de nombreux examens complémentaires en bactériologie et virologie, aucun pathogène infectieux n’a été identifié. De plus, aucune description de cas de SHU chez le chien ne comporte de signes cutanés. La leptospirose a également pu être écartée (en particulier du fait de l’absence de lésions hépatiques). Les auteurs ne fournissent pas d’autres pistes étiologiques solides. Ils suggèrent qu’à l’image du SHU atypique décrit chez l’Homme, il s’agisse d’une forme inhabituelle de cette affection. Mais la rareté de ces cas humains ne correspond pas à la relative fréquence ni aux cas groupés décrits ici. Si des praticiens français souhaitent le contacter, le dernier auteur de l'article, David Walker y est favorable (david@andersonmoores.com).