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4 mars 2015

USA : plus d'un millier de chiens tués par des friandises “toxiques”

par Vincent Dedet

Le seul rappel officiel ayant été réalisé sur des marques de friandises pour chiens à base de viande séchée aux USA date de janvier 2013. Le laboratoire des services de l’agriculture de l’état de New York avait alors identifié la présence concomitante de résidus de 6 antibiotiques dans plusieurs marques de ces friandises, indique la Food and Drug Administration. Toutefois, ces produits ont fait l'objet de nombreux rappels volontaires de la part des firmes, spontanés ou sous la pression des propriétaires. Le sujet est largement présent dans les blogs de vétérinaires canins aux USA… Comme ici celui de la Mercola Healthy Pets Clinic, qui propose aussi de fabriquer soi-même ses friandises.

C’est un phénomène continu depuis 2007, qui a  empoisonnée plus de 5 800 chiens et en a tué plus de mille. Le tableau clinique d’appel est un syndrome de Fanconi. L’origine suspectée est la consommation de friandises à base de viande séchée de volailles, achetées aux USA, mais pour l'essentiel importées de Chine. Aucun composé toxique n'a encore été identifié. Un cas a été signalé en Angleterre et un autre en Suisse en 2014.

 
Le seul rappel officiel ayant été réalisé sur des marques de friandises pour chiens à base de viande séchée aux USA date de janvier 2013. Le laboratoire des services de l’agriculture de l’état de New York avait alors identifié la présence concomitante de résidus de 6 antibiotiques dans plusieurs marques de ces friandises, indique la Food and Drug Administration. Toutefois, ces produits ont fait l'objet de nombreux rappels volontaires de la part des firmes, spontanés ou sous la pression des propriétaires. Le sujet est largement présent dans les blogs de vétérinaires canins aux USA… Comme ici celui de la Mercola Healthy Pets Clinic, qui propose aussi de fabriquer soi-même ses friandises.
 

Le 19 février, la Food and Drug Administration a publié une mise à jour du “dossier” relatif aux friandises pour chiens à base de viande séchée (jerky treats), identifiées comme la cause probable d'empoisonnements ayant causé la mort de plus d'un millier de chiens aux USA. Sont particulièrement incriminées les friandises à base de viande séchée de poulet ou de canard, importées de Chine (des friandises à base de patate douce sont également suspectées).

Sensibilisation via AMVA

Ce phénomène a commencé à être détecté en 2007, date du premier signalement. En octobre 2013, la FDA a réalisé le premier dossier sur le sujet et l’a diffusé auprès des praticiens canins américains, par l’intermédiaire de leur association (l’Americain Veterinary Medical Association). Sans surprise, une nette augmentation des signalements a été enregistrée juste après (1 800 cas documentés entre octobre 2013 et mai 2014), portant le total à 4 800 cas. Depuis, le rythme des déclarations de ces cas a nettement diminué (270 cas de mai 2014 à février 2015), mais ne s’est pas tari.

>5 800 chiens

Début 2015, le compteur de la FDA indique donc un total de 5 800 rapports concernant des chiens (dont plus d’un millier de décès), 25 chats et trois humains. De très nombreuses marques ont été incriminées, mais aucun rappel n’a été rendu obligatoire du fait de ces intoxications car le plus souvent les lots de friandises incriminés ont déjà été consommés – et aucune cause n’est identifiée. Toutefois, un rappel avait été réalisé en 2013, à la suite de la détection conjointe de résidus de 6 antibiotiques différents dans certains de ces produits provenant de Chine.

60 % de signes digestifs

Les signes cliniques rapportés « dans les heures à jours qui suivent la consommations des friandises ». Ils se classent en trois catégories : dans 60 % des cas, les signes digestifs dominent (avec ou sans élévation des enzymes hépatiques). Dans 30 % des cas, ce sont des signes urinaires ou rénaux. Dans les 10 % des cas restants, les signes sont divers : tremblements, convulsions, urticaire… La FDA indique que les signes d’appel sont la baisse d’appétit et d’activité, une polyurie pouvant être accompagnée de polydipsie, des vomissements et de la diarrhée pouvant être sanglante. Toutefois, tous les cas ne présentent pas la totalité de ces signes. « Le fait le plus marquant est la prévalence élevée et inattendue de cas de syndrome de Fanconi acquis », alors que ce syndrome a normalement une origine génétique.

Survie

Un test de confirmation du syndrome de Fanconi a été mis au point par l’université de Pennsylvanie. La FDA signale que, pour les cas confirmés, « la majorité survit » lorsqu’il y a prise en charge médicale (hospitalisation, fluidothérapie…). En particulier, « le syndrome de Fanconi guérit après l’arrêt de la consommation des friandises » incriminées.

Surestimé

Les services officiels ont eu l’autorisation de propriétaires de faire réaliser des autopsies. La FDA indique que, sur 72 autopsies réalisées, plus de la moitié (39, soit 54 % des cas) ont permis d’identifier une cause non toxique pour le décès de l’animal (cancers, infarctus, hémorragie interne post-traumatique, etc.), mais que, pour 46 % des cas, « aucune cause spécifique n’a été identifiée et la contribution des friandises au décès n’a pu être écartée ». Sans plus de commentaires de la part de la FDA, ce travail permet d’estimer que le nombre de cas réels est probablement surestimé, par rapport au nombre de cas déclarés par les propriétaires.

Pas de coupable

Ce syndrome est lié à un défaut de réabsorption des tubules proximaux rénaux, induisant une fuite importante de solutés. Des cas acquis avaient jusque-là été décrits en médecine vétérinaire lors d’intoxication avec de la gentamicine, de l’amoxicilline, du plomb ou du mercure. Des analyses toxicologiques étendues ont été réalisées par la FDA, qui a structuré un réseau de laboratoires d’analyses à cette fin. Jusqu’à présent, aucune cause toxique n’a pu être établie expliquant le lien de causalité entre la consommation des friandises et la survenue des signes cliniques. Faute d’un coupable clairement identifié, aucun retrait du marché n’a été imposé.

Deux (fausses) pistes

Deux pistes ont été particulièrement explorées. La première est celle de la glycérine, nettement présente dans ces produits. Or l’inspection par les services sanitaires américains d’un fabriquant chinois avait révélé « des falsifications des documents de réception de la glycérine » dans leur usine. La seconde est un antiviral, l’amantadine. Elle est utilisée en prévention de la grippe chez l’Homme, mais a été retrouvée dans les friandises importées de Chine : dans 23 des 71 lots de friandises importées de Chine (32 %) qui ont été testés depuis octobre 2013. Cependant, « la FDA ne croit pas que l’amantadine contribue à la maladie pace que les effets secondaires ou indésirables connus associés à l’amantadine ne semblent pas corrélés aux symptômes observés » dans les cas américains.

Le CDC à l'aide

Face à ces impasses, la FDA est revenue à l’épidémiologie et a demandé l'aide du mondialement célèbre Centre For Disease Control (CDC), organisme spécialisé dans les interventions en santé publique. Avec son soutien, une enquête cas-témoin a été mise en œuvre, qui reste en cours (100 cas inclus, et 12 000 coups de téléphone pour recruter les 300 témoins qui leur sont appariés). La FDA souligne que des « moyens significatifs » sont mobilisés pour identifier l'origine du problème, et rappelle aux propriétaires d'animaux de compagnie que les friandises ne font pas partie d'une alimentation équilibrée des carnivores domestiques. Elle explique aussi que la mention d'origine de ces produits n'est pas obligatoire sur leur étiquette.

Deux cas en Europe

En attendant, la FDA « appelle les propriétaires de chiens à utiliser les friandises à base de viande de poulet séchée avec précaution ». Début 2014, un premier cas a été décrit outre-Manche, sur un Border Terrier adulte dont le régime alimentaire était composé à 50 % de friandises à base de viande de poulet séchée sur les 2 à 3 mois précédant l’apparition des signes de syndrome de Fanconi. Le second cas d’écrit en Europe, fin 2014, est un Shih Tzu adulte, en Suisse. Il était nourri « exclusivement » à base de friandises de viande séchée. Dans les deux cas, le diagnostic de syndrome de Fanconi est confirmé et le lien avec les friandises avéré. Des cas ont aussi été décrits en Australie.