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3 février 2023

Les Eurasier, à risque marqué d'hypothyroïdie auto-immune

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

La race Eurasier (ou Eurasien) est nettement prédisposée à l'hypothyroïdie, selon une étude rétrospective réalisée auprès des éleveurs allemands de cette race (cliché Ekta).
La race Eurasier (ou Eurasien) est nettement prédisposée à l'hypothyroïdie, selon une étude rétrospective réalisée auprès des éleveurs allemands de cette race (cliché Ekta).
 

Récente et créée à partir d'un petit nombre de progéniteurs, avec la participation de Konrad Lorenz au début des années 1960, la race Eurasier (ou Eurasien), reconnue comme telle au début des années 1970, présente elle aussi des prédisposition génétiques à des maladies. Des cliniciens, généticiens et immunologistes vétérinaires allemands et autrichiens viennent de confirmer qu'elle est particulièrement sujette à une hypothyroïdie auto-immune.

8 ans de données

Des trois races fondatrices de l'Eurasier, seul le chow-chow ne présente pas de prédisposition manifeste à l'hypothyroïdie ; le Wolf-Spitz et le samoyède ont été identifiés (au moins pour certaines populations) comme présentant une fréquence relativement élevée de cas. Aussi, un programme de surveillance de l'hypothyroïdie est-il en place chez les éleveurs allemands de la race Eurasier depuis 2009 (obligation pour les éleveurs, participation volontaire pour les détenteurs). Les auteurs ont donc réalisé une étude rétrospective à partir des résultats d'analyses de 1 501 chiens, prélevés entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2017. Si un animal est destiné à la reproduction, un premier dépistage est réalisé entre 12 et 16 mois, un second avant trois ans et avant la première mise à la reproduction. La prise de sang, « réalisée en dehors de la visite vaccinale », vise à mesurer la concentration totale en T4 (TT4), celle en TSH et celle en auto-anticorps anti-thyroglobuline (TgAA) :

  • Si l'animal présente des concentrations en TT4 et TSH à l'intérieur de l'intervalle de référence et n'a pas de TgAA, il est apte à la reproduction ;
  • S'il présente des concentrations en TT4 inférieure à la borne inférieure de l'intervalle de référence et en TSH supérieure à la borne supérieure de l'intervalle de référence, le sujet est banni de la reproduction, indépendamment de la présence de TgAA ;
  • Dans tous les autres cas de figure, il est temporairement exclu de la reproduction et doit être retesté.

Les analyses étaient réalisées par un seul laboratoire de diagnostic.

4 à 5 % d'hypothyroïdie

Dans la cohorte étudiée, il y avait un peu plus de femelles (n=770) que de mâles (n =731), avec un âge médian au premier dosage de 18 mois. La proportion de cas en hypothyroïdie (TT4 < à l'intervalle de référence et TSH > à l'intervalle de référence) était de 3,9 % au premier dépistage : soit porteurs d'auto-anticorps (TgAA+, 1,7 %) soit sans (TgAA-, 2,1 %). Les auteurs indiquent que la littérature ne fournit pas de valeur de prévalence pour la population canine dans son ensemble, mais que plusieurs enquêtes fournissent des valeurs de prévalence de 1 à 2 %. Ils remarquent aussi que d'autres auteurs estiment qu'un quart des chiens en hypothyroïdie ont une concentration en TSH conforme à l'intervalle de référence. Si c'est bien le cas, la proportion d'Eurasier en hypothyroïdie dans cette population serait alors de 5,1 % - soit plus de deux fois supérieure à une prévalence moyenne estimée. C'est d'autant plus élevé qu'il s'agit ici de sujets jeunes. Dans la cohorte, Près des trois quarts des chiens étaient euthyroïdiens (74,2 %).

Plus de cas

Pour un chien sur cinq (21,6 %), des données de suivi étaient disponibles. Ces animaux n'étaient pas classés comme hypothyroïdiens au premier dépistage (médiane à 19 mois). Le délai entre les deux tests était de l'ordre de 2 ans. La proportion à avoir développé une hypothyroïdie est de 8 % (26/324). « 3,5 % des chiens ayant un profil thyroïdien normal [au premier dépistage] ont développé une hypothyroïdie TgAA- (7/201). Un chien dont le profil thyroïdien était normal a présenté un statut TgAA+ lors du suivi ».

Auto-anticorps prédictifs ?

Lors du premier dépistage, 118 chiens étaient TgAA+ (7,9 % de la cohorte), dont seulement 22 % étaient considérés comme en hypothyroïdie. C'est cohérent, rappellent les auteurs, car en phase initiale d'hypothyroïdie auto-immune, la présence des auto-anticorps est le seul marqueur de l'affection. Pour 40 de ces 188 chiens, un autre dépistage a été réalisé : 17 ont effectivement développé une hypothyroïdie par la suite. En combinant ces données à celles du dépistage initial, les auteurs calculent que la sensibilité et la spécificité d'un résultat TgAA+ au regard d' une hypothyroïdie survenant après la première analyse étaient de 65,4 et de 92,3 %, respectivement. Ainsi, un résultat TgAA+ sur un chien non classé hypothyroïdien est estimé « de valeur prédictive élevée » par les auteurs. Inversement, seuls 3,2 % des chiens TgAA- au premier dépistage ont ensuite développé une hypothyroïdie, là encore sans possibilité d'attribuer au statut en auto-anticorps un intérêt prédictif. Toutefois, « les Eurasiers présentant une hypothyroïdie TgAA+ étaient environ 2 ans plus jeunes que ceux présentant une hypothyroïdie TgAA-. Il est possible que certains des chiens hypothyroïdiens TgAA- aient été auparavant TgAA+ [et non dépistés], et que les anticorps aient disparu avec le temps ». Au bilan, « la présence de TgAA doit être prise au sérieux et considérée comme un marqueur cliniquement pertinent de la maladie thyroïdienne. Par conséquent, les tests de la fonction thyroïdienne, y compris la mesure des titres en TgAA, doivent être effectués à différents moments du suivi, en particulier chez les sujets de races prédisposées ».

Ainsi, « l'hypothyroïdie est fréquemment diagnostiquée chez les Eurasiers âgés de 2 à 4 ans, ce qui confirme que des dépistages doivent être effectués à intervalles réguliers chez les jeunes chiens de [cette] race », même si « l'hypothyroïdie TgAA- a également été diagnostiquée chez des chiens plus âgés (jusqu'à 11 ans) ».