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23 novembre 2022

À +10 % en un an, les chiens et chats sont les mauvais élèves du plan EcoAntibio. Et les résistances grimpent…

par Eric Vandaële

Temps de lecture  9 min

Quand le recours aux pénicillines augmente, les résistances à l'amoxicilline aussi…
Ce graphique compare les évolutions depuis 2011 de l'indice d'exposition des chiens et des chats en pénicillines, le plus souvent l'association amoxicilline-acide clavulanique, avec le taux de sensibilité (%) des souches pathogènes d'E. coli isolées d'infections urinaires ou rénales. Cette sensibilité diminue (ou la résistance augmente) depuis deux ans où les usages augmentent aussi. Dans l'indice d'exposition, du fait de l'interdiction des remises sur les antibiotiques à partir du 1er janvier 2015, l'année 2014 reste une année atypique avec des volumes de ventes importants en fin d'année. Graphique LeFil d'après des données Anses-ANMV et Resapath
Quand le recours aux pénicillines augmente, les résistances à l'amoxicilline aussi…
Ce graphique compare les évolutions depuis 2011 de l'indice d'exposition des chiens et des chats en pénicillines, le plus souvent l'association amoxicilline-acide clavulanique, avec le taux de sensibilité (%) des souches pathogènes d'E. coli isolées d'infections urinaires ou rénales. Cette sensibilité diminue (ou la résistance augmente) depuis deux ans où les usages augmentent aussi. Dans l'indice d'exposition, du fait de l'interdiction des remises sur les antibiotiques à partir du 1er janvier 2015, l'année 2014 reste une année atypique avec des volumes de ventes importants en fin d'année. Graphique LeFil d'après des données Anses-ANMV et Resapath
 

Verre à moitié vide ou verre à moitié plein ?

  • Doit-on se réjouir que les expositions aux antibiotiques dans les filières porcs-volailles continuent à fortement chuter depuis 2011, le début des deux plans quinquennaux EcoAntibio 1 et 2 ? Oui sans aucun doute. Ces filières, qui emploient quarante fois moins de vétérinaires que le secteur canin, continuent de mettre la pression sur la réduction des antibiotiques. Entre 2020 et 2021, l'indice d'exposition, c'est-à-dire le nombre de traitements antibiotiques par animal a baissé à nouveau de 7 à 8 %.
  • Ou doit-on, à l'inverse, s'inquiéter, que, comme chez les médecins, les 16000 vétérinaires canins n'arrivent pas à diminuer durablement le recours aux antibiotiques ? Entre 2020 et 2021, la hausse de l'indice d'exposition est de 10 %. Tout le bénéfice du plan EcoAntibio1 est effacé en « canine ». Depuis 2011, le début du plan EcoAntibio1, les chiens et les chats n'ont jamais été autant traités aux antibiotiques qu'en 2021. Les animaux de compagnie sont désormais deux fois plus traités aux antibiotiques que les porcs et les volailles et trois fois plus que les bovins et les chevaux.

Alerte chez les chiens, les chats et les chevaux

Dans son webinaire du 17 novembre (à la veille du 18 novembre, the antibiotic day au niveau européen), l'Anses a présenté ses bilans annuels pour l'année 2021, la dernière année du second plan EcoAntibio 2017-2021.

Le bilan des ventes 2021 d'antibiotiques alerte sur les hausses de consommation de + 10 % en an chez les chiens et les chats, ainsi qu'une poussée de 18 % chez les chevaux, même si les équidés restent très peu traités aux antibiotiques (voir ce lien).

Plus inquiétant, le bilan du Resapath sur les résistances des pathogènes en 2021 (voir ce lien) alerte sur les résistances chez les chiens et les chats qui augmentent presque dans les mêmes proportions.

Les données de l'année 2021 sont importantes puisqu'il s'agit de la dernière année du plan quinquennal EcoAntibio2 2017-2021 après le plan EcoAntibio1 2012-2016. Le plan EcoAntibio3 (2022-2026) n'a pas encore été publié. Les trois objectifs « chiffrés » de réduction du Plan EcoAntibio2, sont atteints et sont détaillés ci-dessous.

Objectif 1. « Maintenir dans la durée la tendance à la baisse » des antibiotiques

Évolution de l'indice d'exposition (Alea) depuis 2006

Toutes espèces animales confondues Les niveaux d'exposition n'ont jamais été aussi bas qu'en 2021

Source : Webinaire Anses du 17 novembre 2022.

 

Sur les ventes d'antibiotiques en 2021, par rapport à 2020, les expositions n'ont jamais été aussi faibles. Presque comme chaque année, elles baissent à nouveau en 2021 aussi bien en indice d'exposition (-3,2 % en Alea) qu'en tonnages (-11 %).

Toutes espèces animales confondues, l'objectif de « maintien dans la durée de la tendance à la baisse » est atteint quel que soit l'indice retenu pour cette analyse :

  • -30 % en tonnages sur cinq ans (368 tonnes en 2021),
  • -16 % en Alea en cinq ans (une sorte de taux de traitement par animal) [en 2021, un Alea global à 0,311 signifie que moins d'un animal sur trois a été traité sur l'année 2021],
  • -33 % en ADDkg en cinq ans, un indice reflétant davantage le nombre de jours de traitement que le nombre de traitement complet. Le nombre de jours de traitements est plus proche des indices retenus pour la médecine humaine (DDD/1000 hab/j). Il reflète mieux aussi la durée de pression de la sélection des gènes de résistance dans la flore pathogène ou commensale.

En hausse, les chiens et les chats de plus en plus traités aux antibiotiques

Évolution de l'indice d'exposition (Alea) par espèce animale depuis 2011

Dans ces figures par espèce animale, la ligne pointillée noire correspond à l'évolution de l'indice d'exposition (Alea) toutes espèces animales confondues. Cela permet de mieux cerner les filières animales vertueuses (en dessous de la ligne pointillée, comme les volailles et les porcs) de celle qui réduisent moins le recours aux antibiotiques (les chiens et les chats).

Source : Webinaire Anses du 17 novembre 2022.

 

Mais les résultats sont beaucoup plus contrastés par espèce animale.

Chez les chiens et les chats, la baisse observée pendant le plan EcoAntibio1 (-20 %) a été complètement effacée durant les cinq ans du plan EcoAntibio2 (+24 %). En indice d'exposition, l'année 2021 est donc l'année où l'exposition aux antibiotiques a été la plus élevée depuis 2011, année du début du plan EcoAntibio1. Avec un Alea à 0,75, les chiens et les chats s'installent comme les espèces animales les plus fréquemment traitées aux antibiotiques en France, toutefois loin derrière les lapins de chair (1,75).

Chez le cheval, l'Anses rapporte une hausse de 18 % de l'exposition aux antibiotiques avec un Alea qui reste très faible (0,26), aussi faible que chez les bovins.

Comme en médecine humaine, les difficultés à diminuer le recours aux antibiotiques semblent plus élevées en médecine « individuelle », celle des chiens, des chats et des chevaux, qu'en médecine collective. En outre, une meilleure médicalisation des chiens ou des chats et, peut-être (?) des chevaux de plus en plus âgés puisque de moins en moins destinés à l'abattoir en fin de carrière, peut sans doute conduire à davantage de traitements par des antibiotiques et par d'autres médicaments (AINS…).

Ainsi, selon l'Insee, l'activité des vétérinaires a augmenté de 9,9 % (en volumes) entre 2020 et 2021, ce qui correspond exactement à l'augmentation du taux d'exposition aux antibiotiques en canine entre 2020 et 2021.

Pas de baisse ni de hausse chez les bovins

Chez les bovins, la réduction est très faible : -0,9 % en Alea entre 2020 et 2021. Sur les 5 ans de plan EcoAntibio2, l'indice est resté quasi « stagnant », +1,6 % depuis 2016 (plan EcoAntibio2), -23 % depuis 2011 (plans EcoAntibio 1 et 2). Il est donc possible de considérer que l'objectif de -25 % du plan EcoAntibio1 est juste atteint.

En outre, en valeurs absolues, avec un Alea à 0,25, un bovin est toujours trois fois mois traités aux antibiotiques qu'un chien ou un chat (Alea à 0,75). Toutefois, les traitements intramammaires ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'Alea. Ils ont fortement chuté de 12,7 % en 2021, mais après avoir fortement augmenté en 2020 (+8,8 %).

Enfin, dans les filières porcs, volailles, lapins, la baisse reste très importante et continue avec des Alea qui sont de plus en plus faibles chez les porcs (Alea à 0,458) et les volailles (Alea à 0,323). Les lapins de chair ont beaucoup diminué le recours aux antibiotiques. Mais ils restent de loin les plus traités aux antibiotiques (Alea à 1,75)

Inquiétante hausse des résistances à l'amoxi-clav

Le bilan 2021 du Resapath sur les résistances des pathogènes met encore plus en lumière cette année les corrélations entre « les hausses du recours aux antibiotiques » et « les hausses des résistances ».

Au global, sur la base des 62000 antibiogrammes enregistrés en 2021, la tendance générale reste à la baisse des résistances des pathogènes comme pour le recours aux antibiotiques.

  • Cette baisse des résistances est plus nette dans les filières qui ont le plus réduit les expositions aux antibiotiques : les volailles et les porcs.
  • La réduction de la résistance est un peu moindre chez les bovins, voire quasi inexistante depuis quelques années.
  • Mais, chez les chiens, les chats et les chevaux où le recours aux antibiotiques augmente, il est aussi observé une sorte de « rebond » dans les résistances. Chez les animaux de compagnie, les résistances des pathogènes s'élèvent, surtout pour les résistances à l'amoxicilline et à la combinaison amoxi-clav. Ce sont les antibiotiques de loin les plus utilisés chez les animaux de compagnie.

Pour les praticiens Resapath on line

L'augmentation des résistances à l'amoxicilline et l'amoxi-clav est toutefois observée dans toutes les espèces animales. Dans la mesure où cet antibiotique est, de très loin le plus utilisé en médecine humaine, cette résistance chez les animaux sera sans doute très surveillée dans les années à venir.

Point très intéressant : Resapath on line. Les tendances de résistances et les taux de sensibilité du Resapath par espèce animale de chaque pathogène peuvent être consultés sur le site Resapath on line accessible sur ce lien : https://shiny-public.anses.fr/resapath2/

Objectif 2. Diminuer de moitié la colistine dans toutes les filières

Évolution de l'indice d'exposition (Alea) à la colistine depuis 2011

L'objectif de réduire de moitié le recours à la colistine, par rapport à la moyenne des années 2014 et 2015, est largement dépassé chez les porcs et les volailles. Mais, il est à peine atteint chez les bovins à -47 %.

Source : Webinaire Anses du 17 novembre 2022.

 

Le second objectif du plan EcoAntibio était de baisser de 50 % le recours à la colistine en 2021 par rapport à la moyenne des années 2014-2015 sur la base de l'indice d'exposition (Alea). Toutes espèces animales confondues, l'objectif est très largement dépassé avec une chute de 69 % au global dans les trois espèces principales concernées : -76 % en porcs, -68 % en volailles et -47 % en bovins.

Cette réduction des usages de colistine est aussi corrélée avec une augmentation de la sensibilité des souches à la colistine dans toutes les espèces.

Les antibiotiques critiques toujours au plus bas même si…

Pour les antibiotiques critiques, la chute de 90 % a été considérable depuis 2013 :

  • -88 % pour fluoroquinolones orales ou injectables,
  • -94 % pour les céphalosporines de dernières générations (C3G/C4G) injectables,
  • -99 % pour les C3G/C4G intramammaires.

Les niveaux d'utilisation de ces antibiotiques critiques sont devenus quasi-nuls depuis 2017. Il est donc observé en 2021 des augmentations par rapport à 2020 qui peuvent apparaître très importantes en pourcentages alors qu'elles sont insignifiantes en valeurs absolues, surtout si on les compare aux niveaux des années 2010 à 2013.

Les augmentations les plus importantes en % entre 2020 et 2021, mais quasi inexistantes en valeurs absolues, sont les suivantes :

  • Pour les C3G/C4G : +10 % chez les bovins et les porcs,
  • Pour les fluoroquinolones : +20 % chez les lapins.

Objectif 3. Diminuer de 50 % les E. coli BLSE dans les viandes de poulets

Troisième objectif du plan EcoAntibio2, diminuer de moitié (-50 %), dans les viandes des poulets, la prévalence des E. coli BLSE (les résistances aux céphalosporines récentes à spectre large). Cet objectif sur la prévalence des résistances BLSE au stade de la distribution semblait plus incertain. Car il ne découle que très indirectement de la réduction des usages des antibiotiques. Il n'apparaissait pas si évident que les seules réductions des antibiotiques soient suffisantes pour provoquer une telle diminution des résistances BLSE.

Cet objectif a été très largement dépassé puisque la prévalence des E. coli BLSE isolés au stade de la distribution a été divisée non pas par deux, mais par cinq. Le taux d'E. coli BLSE était très élevée en 2016 (année de référence du plan Ecoantibio2) : 63 %. Il a ensuite diminué en 2018 à 25,5 % et en 2020 à 11,1 %.

Nouvel objectif européen : -50 % d'ici à 2030 dans les productions animales

Dans le cadre du « pacte vert pour l'Europe », la Commission européenne a fixé un objectif de réduction de 50 % des usages d'antibiotiques d'ici à 2030 dans les productions animales : les animaux d'élevage et d'aquaculture. L'indice retenu est celui des rapports européens de l'Agence européenne du médicament (Esvac) soit le mg/kg (mg/PCU). L'année de référence est l'année 2018.

Pour le moment, sur les années 2019, 2020 et 2021, la baisse régulière des ventes d'antibiotiques dans les productions animales en France est en ligne avec cet objectif.

Objectif. Réduire encore de moitié le recours aux antibiotiques

Les chiffres des années 2019, 2020 et 2021 sont en ligne avec ce nouvel objectif européen.

Source : Anses.

 

Le pacte vert pour l'Europe (ou green deal) inscrit de très nombreux objectifs chiffrés dits « zéro pollution pour 2030 » (voir ce lien).

  • -55 % les impacts sanitaires (les décès prématurés) liés la pollution de l'air,
  • -30 % la part des personnes gênés par le bruit des transports,
  • -25 % les écosystèmes dont la biodiversité est menacée par la pollution de l'air
  • -50 % des usages de pesticides,
  • -50 % d'antimicrobiens pour les animaux d'élevage et en aquaculture,
  • -50 % de déchets plastiques en mer et -30 % de microplastiques dans l'environnement,
  • -50 % des déchets (non recyclés).