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5 octobre 2022

La balle connectée, outil supplémentaire pour la détection précoce des futurs chiens d'assistance

par Jeanne Platz

Temps de lecture  5 min

Les nouvelles technologies pour mieux sélectionner les chiens d'assistance ?
Face à une demande élevée pour des chiens d'assistance, les jouets connectés pourraient offrir des méthodes plus sensibles pour détecter les chiens aptes à ce service de manière précoce (cliché : Smerikal, wikimedia).
Les nouvelles technologies pour mieux sélectionner les chiens d'assistance ?
Face à une demande élevée pour des chiens d'assistance, les jouets connectés pourraient offrir des méthodes plus sensibles pour détecter les chiens aptes à ce service de manière précoce (cliché : Smerikal, wikimedia).
 

Les chiens d'assistance peuvent être de véritables alliés pour les personnes atteintes d'un handicap moteur, mental, psychique ou même sensoriel. En effet, au-delà d'une aide opérationnelle dans la vie quotidienne, ils sont aussi de véritables soutiens moraux et sociaux.

Un allié recherché mais coûteux

Cependant, leur prise en charge relevant d'associations aux moyens limités, leur nombre reste restreint alors que la demande est importante. Par exemple, remettre un Handi'chien à un maître assisté représente un coût de 17 000 €, et un chien guide de l'école de Paris 25 000 €. Ces montants comprennent l'élevage, l'éducation, la remise, le suivi et la retraite des chiens. Ils sont en outre majorés par la proportion des chiens déclarés inaptes à l'issue de leur formation, qui seront alors réorientés. Si aux États-Unis, les chiffres monteraient à 60 % de réforme, en France, les sites internet des associations mentionnent plutôt 30 %. Sur les raisons de ces réformes, la directrice technique d'Handi'chiens explique, sur le site de l'association qu'il « y a deux raisons essentielles […]. La première, ce sont les problèmes de santé. Un chien […] qui nécessitera de lourds soins récurrents, n'ira pas au bout. La deuxième, ce sont les problèmes comportementaux. Par exemple un chien n'étant pas capable de se contrôler ou se laissant beaucoup trop vite distraire par n'importe qui. En somme, un chien dont le caractère ou le comportement est incompatible avec sa future mission ». Elle distingue ainsi la notion de caractère, ou tempérament, qui relève de la nature inhérente d'un chien et qui affecte son comportement, selon le dictionnary of psychology de l'université d'Oxford. Par exemple, un chien peut être de nature calme, craintive ou encore agressive. Pour définir le comportement, un sondage de 174 biologistes et 3 sociétés de biologie indiquait qu'il s'agit de « réponses internes coordonnées (action ou inaction) d'organismes vivants à des stimuli internes et/ou externes ». Chez les chiens guides d'aveugle, la raison comportementale est évoquée en premier, devant les problèmes de santé, indique sur son site l'association des chiens guides du Grand Sud-Ouest. « Le chien doit être à l'écoute des demandes de son maître déficient visuel et attentif à l'environnement qui l'entoure pour ne pas mettre le binôme en danger [… Il] ne doit ni renifler, ni dire bonjour à ses congénères, ne pas céder face à la nourriture, ne pas poursuivre d'autres animaux. Les chiens ayant de forts instincts (de chasse, de poursuite…), une trop grande sensibilité […] dans des environnements urbains stressants […] seront réorientés ». Si les problèmes sanitaires sont contrôlés par des suivis vétérinaires réguliers, comme une radiographie de contrôle des hanches et des coudes pour détecter une dysplasie, fréquente chez les races utilisées (majoritairement des Labradors et des Golden Retrievers), il peut être plus compliqué de détecter précocement les chiens à écarter pour raison comportementale. Cela réduirait pourtant le coût des programmes de formation.

Prédire quels chiens seront aptes ?

Des tests comportementaux pour tenter de prédire quels chiens feront de bons chiens d'assistance existent depuis 80 ans, et à présent les nouvelles technologies (IRM de l'encéphale, eye-tracking…) viennent compléter l'observation humaine classique, qui peut comporter des biais, être chronophage, subjective et limitée par les capacités humaines (vision, vocabulaire descriptif, capacité de concentration réduite). Par exemple, l'observation des réponses à des objets ou à des stimuli sonores ou olfactifs est utilisée, mais ces tests dépendent de l'intuition et de l'expérience de l'évaluateur, confirme une étude de 2020. Et ces tests ont souvent tendance à maintenir des chiens inaptes dans le programme (sensibilité comprise entre 3 et 85 %), plutôt que d'écarter les aptes (fiabilité de 64 à 87 %). Enfin, la communauté des chercheurs du domaine a du mal à standardiser un vocabulaire pour décrire toute la complexité des comportements des chiens. En revanche, les nouvelles technologies sont limitées à ce que les systèmes peuvent mesurer, et la présence de capteurs sur l'animal ou dans l'environnement, indispensables à l'acquisition des données, peuvent modifier le comportement du chien et de l'expérimentateur.

Les jouets connectés, une solution ?

Deux équipes de chercheurs américains du MIT de Boston et du Georgia Institution of Technology d'Atlanta, ont proposé en 2018 une méthode utilisant des jouets connectés pour analyser le comportement et le tempérament des chiens en formation, avec une très bonne sensibilité (87,5 %) qui a permis à la Canine Companions for Independence d'économiser plus de 5 millions de dollars. Dans une nouvelle étude publiée début septembre, ces chercheurs vont plus loin, en identifiant quels paramètres mesurés par ces jouets font d'eux une méthode particulièrement sensible. Ils utilisent l'éthologie informatique, en se plaçant depuis la perspective d'un objet avec lequel l'animal interagit, et en capturant ses actions, difficiles à quantifier par la vidéo — qui nécessite une analyse humaine pour identifier les comportements. L'expérience consiste à lancer une balle connectée, envoyée par un humain ou une rampe automatique (voir l'image ci-dessous), et à analyser le comportement des chiens avec le jouet (durée d'interaction, pression exercée sur la balle, mouvements effectués). Le test a eu lieu sur 40 chiens âgés de 17 à 21 mois (âge du transfert des familles d'accueil au centre d'éducation).

Pour chaque chien, la balle est envoyée 10 fois par un humain, puis 10 fois par une rampe de manière automatique après une pause de 30 minutes (Byrne et coll., 2022).

 

Des résultats prometteurs

Leur objectif était ainsi de mesurer la variation de pression sur la balle via plusieurs capteurs (voir l'image ci-dessous) :

  • un accéléromètre pour mesurer certains comportements d'attaque (secouer le jouet), et caractériser l'intensité et la durée du comportement de jeu ;
  • un gyroscope pour quantifier le mouvement ;
  • un magnétomètre pour synchroniser les mouvements avec l'enregistrement vidéo.

La variation du nombre de morsures et la durée moyenne de morsure de la balle ont prédit avec une précision respective de 72,5 % et 82,5 % que les chiens seraient aptes à être placés. L'hypothèse des chercheurs est que la formation des chiens comprend l'apprentissage d'une morsure très précise (par exemple, pour pouvoir retirer une chaussette) et que l'aptitude à la préhension est un facteur important pour prédire le placement d'un chien, ce qui est d'ailleurs conforté par une autre étude récente. En outre, les chiens doivent pouvoir montrer un attrait particulier pour les objets. Ce sont d'ailleurs les chiens ayant un temps d'interaction supérieur lorsque la balle est envoyée par une rampe plutôt que par un humain qui ont été placés.

Le capteur ressemble à une balle de tennis, divisée en trois parties : une balle externe, un système électronique avec capteurs et batterie, et une balle interne en silicone. Les chercheurs ont misé sur le comportement du rapporter pour que les chiens n'aient pas besoin d'apprendre à utiliser ce jouet (Byrne et coll., 2022).

 

En revanche, plus un chien prendra de temps à mordre le jouet, moins il aura de chances d'être placé. En effet, les valeurs mesurées de durée, force et fréquence de morsure de la balle avaient une distribution plus faible chez les chiens non placés. Ceci conforte l'hypothèse qu'un intérêt moins grand pour les objets, et qu'une gamme de comportements de préhension moins variée, contribuent à la réforme future des chiens d'assistance.