titre_lefil
logo_elanco

22 juillet 2022

Pourquoi il ne mange pas ? Recommandations pour le chat hospitalisé anorexique

par Karin De Lange

Temps de lecture  6 min

L'environnement hospitalier présente de multiples facteurs, qui peuvent causer de la détresse chez les chats (d'après Taylor et coll., 2022. Cliché Flickr/KerriLee Smith).
L'environnement hospitalier présente de multiples facteurs, qui peuvent causer de la détresse chez les chats (d'après Taylor et coll., 2022. Cliché Flickr/KerriLee Smith).
 

L'anorexie est signalée comme le troisième motif le plus fréquent pour la présentation d'un chat à une consultation vétérinaire généraliste. Chez les chats malades, hospitalisés, elle est encore plus fréquente. Aussi, un groupe d'experts a-t-il été réuni par l'International Society of Feline Medicine (ISFM), comprenant des spécialistes en médecine interne, en soins intensifs, en nutrition, en comportement, en médecine féline et en soins infirmiers. Ils viennent de publier leurs recommandations (en VO : the 2022 ISFM Consensus Guidelines on Management of the Inappetent Hospitalised Cat). Le document en libre accès (27 pages) présente, outre un état de l'art sur cette thématique, des liens vers d'autres outils et tutoriels vidéo (en anglais).

Précautions précoces

Hospitalisé, il ne mange pas. Or la malnutrition peut avoir un impact important sur le patient félin, perpétuant la maladie, retardant le rétablissement, ralentissant la cicatrisation des plaies et affectant négativement la santé intestinale et l'immunité. Une intervention tardive pourra entraîner la détérioration de la santé sur sujet. Aussi, les experts recommandent-ils un contrôle rapide des facteurs contribuant à l'anorexie, tels que la maladie sous-jacente, la douleur, les nausées, l'iléus et le stress. C'est une gestion multimodale, visant la réduction du stress, le recours éventuel à des médicaments et la nutrition assistée. L'utilisation d'anti-émétiques, d'analgésiques, de prokinétiques et d'orexigènes peut restaurer l'appétit, mais la mise en place d'une sonde d'alimentation ne doit pas être retardée.

Causes de l'anorexie chez le chat en cage

Si certains cas de réduction de la prise alimentaire sont d'origine fonctionnelle (fractures de la mâchoire…), d'autres peuvent conduire à une dysphagie. Le chat s'intéresse alors à la nourriture, mais est incapable de la consommer (maladie parodontale, buccale ou neurologique). Certains médicaments peuvent également provoquer une anorexie, induisant un goût amer, comme le métronidazole, la gabapentine ou la fluoxétine et/ou un stress associé à leur administration. Les causes les plus fréquentes sont toutefois les nausées (avec ou sans vomissements), les douleurs, l'iléus, et le stress lié à l'hospitalisation.

Le plus souvent : nausées, douleur et stress

La réticence à manger peut parfois être le seul signe de nausée. D'autres signes comprennent le ptyalisme, un lèchage des babines, un détournement ou un 'haut le cœur' à la vue ou à l'odeur de la nourriture. La prise en charge de la maladie sous-jacente est importante. Toutefois, un traitement anti-émétique, prokinétique et/ou orexigène est également indiqué, comme le maropitant (Cerenia° et génériques), le métoclopramide (Emeprid° et génériques), la mirtazapine (Mirataz°) et l'ondansétron (médicament humain ; voir le tableau ci-dessous). L'évaluation de la douleur et l'administration d'analgésiques multimodaux adéquats, sélectionnés et dosés pour éviter les effets indésirables, permettront d'optimiser la prise alimentaire spontanée. Un traitement analgésique peut être envisagé chez les patients anorexiques. L'iléus, avec distension liquide et gazeuse de l'intestin, provoque douleur et anorexie, ainsi que la séquestration de liquide. La prise en charge médicamenteuse pour favoriser la vidange gastrique (par ex. métoclopramide ou érythromycine) est indiqué, ainsi qu'une nutrition entérale précoce, de même que l'aspiration de liquide à partir du tractus gastro-intestinal, le cas échéant.

Antiémétiques, prokinétiques et orexigènes couramment utilisés pour la gestion de l'anorexie chez le chat

Les informations contenues dans ce tableau représentent un consensus d'opinions et d'expériences des membres du groupe d'experts sur les lignes directrices. Le traitement est à la discrétion du vétérinaire traitant. Voir l'article original pour plus de détails sur ces agents (IRC = perfusion à débit constant ; IV = intraveineuse ; IM = intramusculaire ; SC = sous-cutané ; PO = voie orale). D'après Taylor et coll., 2022.

 

Optimiser l'environnement clinique

L'hospitalisation pouvant générer un stress important, les experts estiment « essentiel de fournir un environnement félin sûr ». De nombreux conseils sont détaillés dans le document, depuis les interactions humaines (« déplacez-vous tranquillement et lentement ; soyez prévisible, calme et doux, parlez tranquillement »), l'environnement (« assurez-vous que chaque chat ait un endroit où se cacher et se percher », « nettoyez les cages petit à petit plutôt qu'en un 'grand nettoyage' »), les modalités d'alimentation (« concertez-vous avec le propriétaire sur les préférences alimentaires, les routines et la matière du bol », « évitez de nourrir de force, ou d'étaler la nourriture sur la peau du chat dans l'espoir qu'il la lèche ») jusqu'aux les expériences positives (« caressez-le ou parlez-lui doucement chaque fois que vous passez afin qu'il apprenne que la cage n'est pas seulement ouverte pour les manipulations de soins », « offrez-lui un enrichissement comme des jouets à croquettes et/ou des jouets simples »).

Ouvrir la cage occasionnellement et caresser le chat hospitalisé permet de le rassurer : chaque ouverture n'est pas forcément liée à une manipulation de soin médical (cliché : Pixabay/JoannaFotograf).

 

Pas de nouveaux aliments, ni d'alimentation forcée

Présenter à des chats hospitalisés des aliments ayant un goût et/ou une texture inconnus de lui peut entraîner une aversion alimentaire, car les préférences alimentaires des félins sont établies à un âge précoce, et peuvent entraîner une néophobie. En situation aversive (hospitalisation), le nouvel aliment peut n'être jamais accepté. De nouveaux aliments ne doivent donc pas être introduits pendant l'hospitalisation, et l'alimentation forcée ne sera jamais indiquée. Cependant, l'état nutritionnel doit être la cinquième évaluation vitale du patient (après la température, le cœur, la respiration et la douleur). Ceci est particulièrement important chez les patients gravement malades, qui courent un risque élevé d'insuffisance nutritionnelle.

Orexigènes : après le reste

Les stimulants de l'appétit sont un complément utile pour la gestion des chats hospitalisés anorexiques, mais ils ne seront utilisés qu'après la prise en charge des nausées, de la douleur et du stress. Les experts citent deux médicaments dont l'utilisation est approuvée chez les chats : la mirtazapine (Mirataz°) et la capromoréline (Elura°, pour l'instant disponible aux USA). Leur efficacité sera « étroitement surveillée, afin d'éviter une sous-alimentation ou un retard dans la mise en œuvre de moyens de soutien nutritionnel plus directs et plus fiables, tels qu'une sonde alimentaire ». Ils sont à exclure chez les patients gravement malades, en cas de vomissements actifs, de gestion inadéquate de la douleur ou de présence d'iléus. Ils ne doivent pas non plus remplacer un bilan diagnostique de l'affection sous-jacente, et des affections affectant l'appétit (déshydratation, anémie, nausées, douleur, fièvre, etc.), qui doivent être traitées.

Sonde : au plus tard la 3e jour d'anorexie

Les lignes directrices comprennent également une section sur les sondes d'alimentation, avec des tableaux énumérant les avantages et les inconvénients, et des recommandations détaillées sur la façon et le moment de les utiliser. Les interventions telles que la mise en place d'une sonde, doivent avoir lieu au plus tard 3 jours après l'arrêt de la prise alimentaire. La décision dépendra de l'évaluation nutritionnelle du patient, ainsi que d'autres facteurs tels que les préférences et les finances des propriétaires, ainsi que le tempérament du chat. Les sondes naso-œsophagienne (NO) ou nasogastrique (NG) conviennent à l'alimentation à court terme (généralement < 5 jours) à l'hôpital. Cependant, leur diamètre étroit réduit le choix des aliments, qui doivent être assez liquides pour passer le tube sans obstruction. Les sondes d'œsophagostomie sont utiles et bien tolérées (mieux que les sondes NO). Elles peuvent être utilisés pendant une période prolongée et peuvent être indiquées d'emblée pour certains patients (absence de fixation sur le visage du chat). Elles peuvent également être utilisés par les propriétaires à la maison, avec un minimum de formation et de soins.