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16 juin 2022

Du chien de ferme à l'enfant de la famille, l'évolution du chien de compagnie n'améliore pas son bien-être en tout point

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Le chien domestique jouit désormais d'un meilleur confort de vie et de meilleurs soins, mais il a perdu une part de liberté qui altère son bien-être, par exemple la possibilité d'échapper à des câlins intempestifs non désirés.
Le chien domestique jouit désormais d'un meilleur confort de vie et de meilleurs soins, mais il a perdu une part de liberté qui altère son bien-être, par exemple la possibilité d'échapper à des câlins intempestifs non désirés.
 

Qu'y a-t-il gagné ? Qu'y a-t-il perdu ? En deux siècles, le chien, domestiqué depuis bien longtemps, a vu son rôle et son statut évoluer de manière considérable, plus encore dans les pays dits « du Nord », en lien avec l'industrialisation, l'urbanisation. L'importance de ses fonctions, comme chien de travail (gardien, chasseur, etc.) et chien de compagnie, s'est inversée. Il ne dort plus dehors dans sa niche mais sur le lit de ses propriétaires. Et s'il est reconnu comme « être sensible » dans la loi, il est surtout devenu le dernier enfant de la famille, voire l'enfant tout court.

Une équipe pluridisciplinaire de trois nationalités (danoise, américaine, australienne) s'est interrogée sur l'impact de ces bouleversements sur le bien-être des chiens et a effectué une analyse de la littérature dans ce sens. Comme source de comparaison, les auteurs sont remontés à l'époque – très longue suivant la domestication – où les chiens vivaient libres aux côtés des hommes (les « chiens de village », nourris des restes et sans propriétaire attitré).

Leurs conclusions (publiées en libre accès dans Applied Animal Behaviour Science) montrent qu'il y a (surtout) du bien, et (un peu) de moins bien.

Un confort de vie incomparable

Au rang des progrès indéniables figurent :

  • Une meilleure alimentation, en quantité comme en qualité, quoique l'obésité soit une problématique nouvelle chez le chien, et désormais fréquente ;
  • Des soins médicaux appropriés, ce qui se traduit par une meilleure longévité ;
  • Plus de sécurité (moins d'accidents, de traumatismes) ;
  • Une maîtrise de la reproduction avec, en particulier, une moindre mortinatalité.

Une perte d'autonomie

Mais l'envers de la médaille est une vie plus confinée, plus isolée. Les promenades en laisse freinent les comportements d'exploration, de jeu, les contacts sociaux. D'une manière plus générale, le chien moderne a perdu le contrôle de sa vie et de ses activités, en particulier ses interactions sociales (avec ses congénères, éventuellement d'autres espèces), qui régulaient les agressions au temps des « chiens de village ».

Le chien passe ainsi plus de temps seul au domicile. Sa dépendance de ses maîtres favorise le risque de l'anxiété de séparation, dont la prévalence est désormais estimée entre 5 et 30 %, et probablement sous-estimée, car les propriétaires n'en détectent pas nécessairement les signes. Le besoin d'être pris en charge, comme les possibilités de traitement, peuvent également être méconnus.

La sélection d'hypertypes

Plus problématique, la sélection (parfois à outrance) en élevage, sur des critères essentiellement esthétiques, aboutit à des conformations extrêmes, associées à une prédisposition à des maladies. Les innombrables troubles de santé des chiens brachycéphales (ainsi que les chats et même les lapins), désormais dénoncées, en sont un exemple manifeste.

Au-delà de ces travers, davantage de diversité génétique apparaît essentiel à conserver.

Une ‘petisation' à outrance

Enfin, l'attente des propriétaires peut être source de mal-être. Le chien idéal est social et agréable, il est à la fois vif et calme, espiègle mais facile à éduquer… Des attentes parfois irréalistes et une méconnaissance de l'éthologie canine qui aboutissent à des situations de stress et de troubles du comportement de type anxiété, dépression, agressivité. Par exemple, la satisfaction du propriétaire qui dit de son chien que « les enfants peuvent faire tout ce qu'ils veulent avec lui », traduit l'opinion générale que le chien se doit de tout tolérer, y compris les caresses, câlins et bisous lorsqu'il souhaite se reposer. Le chien de village pouvait s'éloigner lorsque les gestes des hommes ne lui convenaient pas, ce qui n'est pas possible dans un appartement.

Les besoins et les limites des chiens méritent donc d'être mieux connus des propriétaires.