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19 mai 2022

Éleveurs, vétérinaires, maîtres… Comment se protéger de l'exposition à la brucellose canine ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Distribution mondiale de la fréquence de la brucellose canine par pays et selon les données publiées dans la littérature scientifique (HCSP, 2022).
Distribution mondiale de la fréquence de la brucellose canine par pays et selon les données publiées dans la littérature scientifique (HCSP, 2022).
 

La question est simple : quelle est la conduite à tenir pour les personnes exposées à la brucellose canine ? La direction générale de l'Alimentation (DGAl) et la direction générale de la santé (DGS) l'ont posée ensemble au Haut Comité de santé publique (HCSP) à la mi-février dernier ; celui-ci vient de rendre sa réponse, en distinguant la situation des professionnels (éleveurs, vétérinaires) de celle des particuliers (acheteurs d'un animal importé).

Quatre élevages, et des importations

Le motif de cette saisine est que les services des deux directions générales « ont reçu ces dernières semaines plusieurs signalements de cas de brucellose canine, notamment chez des chiens importés d'Europe de l'Est (Russie, Biélorussie, Roumanie) et des États-Unis. Ces cas ont été diagnostiqués dans des élevages ou chez des particuliers ». Plus précisément, « en décembre 2021 et janvier 2022, l'infection à B. canis a été confirmée dans quatre élevages de chiens situés dans 4 départements français différents, à la suite du signalement d'avortements tardifs chez des chiennes de différentes races, notamment chez des animaux introduits récemment de Russie ou Biélorussie via des achats en ligne ». Sur cette même période, deux autres cas de spondylodiscite à B. canis ont été diagnostiqués. Une chienne de trois ans importée de Roumanie, comme cela a déjà été décrit aux Pays-Bas et outre-Manche. L'autre étant un « chiot de 5 mois , adopté d'un élevage situé en région parisienne ». Au terme de leur revue de la littérature, les experts confirment que « la majorité de ces cas [décrits récemment en Europe de l'ouest] était liée à des animaux importés de Bosnie, de Roumanie, d'Espagne et de Grèce », pays où l'infection est enzootique (voir l'illustration principale).

Rare chez l'Homme

« Aucun cas humain lié à ces [cas] n'a été rapporté à ce jour » notent les deux directions générales. Toutefois, tout cas humain d'infection par Brucella sp. est à déclaration obligatoire. Bien qu'inscrite sur la liste des dangers sanitaires des animaux, la brucellose canine n'implique « pas d'obligation d'abattage des chiens infectés », qui peuvent donc en théorie contaminer congénères et maîtres. Or le diagnostic de l'infection à B. canis chez l'humain est délicat, car elle est paucisymptomatique, de révèle souvent tardivement et il n'y a pas de test sérologique spécifique de cette espèce chez l'humain. Les rapporteurs soulignent que « les situations à risque élevé de transmission sont les mise bas, la chirurgie obstétricale, le nettoyage, les produits de mise bas ou d'avortement, le prélèvement de semence, la chirurgie de lésions articulaires, sur un animal positif ou fortement suspect (lien épidémiologique avec un animal infecté) d'être infecté à B. canis ». Toutefois, la revue de la littérature effectuée par les experts « n'a permis d'identifier que 19 cas publiés d'infection à B. canis diagnostiqués par isolement de la bactérie dans le sang ou dans un liquide normalement stérile, soulignant la rareté de cette infection chez l'homme ». Ce qui est renforcé par l'observation qu'au « Royaume Uni où depuis l'été 2020, plus de 250 personnes exposées à un chien infecté par B. canis ont été suivies, aucun cas de forme humaine n'a été rapporté ».

Retour à l'envoyeur

Les recommandations « en milieu professionnel canin » portent sur l'animal et la/les personne/s exposée/s. Pour les animaux, le HCSP renvoie à ses mandants les tâches de « identifier les situations nécessitant la recherche de B. canis » et d'évaluer « la nécessité de mise en œuvre des mesures de biosécurité en cas d'introduction d'animaux en provenance d'un pays d'enzootie ou en cas d'organisation d'événements au cours desquels il existe un regroupement de canidés, la conduite à tenir en cas de confirmation ou de suspicion d'une infection à B. canis dans un élevage ou chez un particulier (recherche des chiens contacts ou de l'origine par une enquête épidémiologique) ; la gestion de l'animal infecté ».

Masque lors des mises bas

Pour les professionnels possiblement exposés, les experts « se limitent » à recommander « des mesures d'hygiène générale [port du masque, de gants et de lunettes lors de mise bas et du nettoyage du site du part] et à une surveillance clinique en cas d'exposition avérée. En effet, aucune mesure spécifique n'a pu faire l'objet d'une évaluation », du fait du faible nombre de cas humains avérés. Toutefois, « en cas de situations à risque élevé de transmission de B. canis [décrites au paragraphe précédent et pour un animal positif ou fortement suspect], les mesures sont « identiques aux mesures générales », mais avec port d'un « masque FFP2 du fait d'un risque d'aérosolisation et de transmission par aérosols bien documenté pour la brucellose » des ruminants. Si besoin, une « surveillance clinique étroite » (et non plus simple) des personnes exposées est recommandée, sans antibiothérapie.

Recherche de B. canis : au bon vouloir du praticien

Pour les particuliers – et donc les maîtres –, l'épidémiologie des cas émergents fait recommander par les experts de « faire examiner par un vétérinaire son animal dans les jours qui suivent son acquisition s'il provient d'un pays étranger, ou s'il provient d'un élevage atteint de brucellose canine (enquête ou information faite par les services vétérinaires ). La nécessité de rechercher B. canis [chez l'animal] sera évaluée par le vétérinaire ». Si l'infection est avérée, « la conduite à tenir vis-à-vis de l'animal doit être discutée avec un vétérinaire ». Il convient alors de « rappeler [au maître] les mesures d'hygiène qui diminuent les risques de transmission : lavage des mains après contact sans gant avec les urines ou les fèces du chien ; pas de contact de la muqueuse orale canine avec la bouche (ne pas se faire lécher la bouche par le chien) ; mesures spécifiques en cas de mise bas : masque FFP2, gants, lunette, lavage et aération des locaux ». Le HCSP prévient que, si le maître présente des signes cliniques, cela doit « amener à consulter sans délai » un médecin.

Enfin, au plan plus général, les experts recommandent de « solliciter la DGAl et l'Anses afin d'évaluer la situation épidémiologique de la brucellose canine chez l'animal en France et de définir la conduite à tenir vis-à-vis des animaux infectés ».