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18 janvier 2022

Le recours aux psychotropes en traitement de première intention serait (trop ?) peu fréquent

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Le poids du chien n'est pas associé au risque de présenter des troubles du comportement traités médicalement en première intention. Toutefois, les trois races surreprésentées, caniche toy, terrier du Tibet et shih-tzu, sont de petit format (clichés Pixabay).
Le poids du chien n'est pas associé au risque de présenter des troubles du comportement traités médicalement en première intention. Toutefois, les trois races surreprésentées, caniche toy, terrier du Tibet et shih-tzu, sont de petit format (clichés Pixabay).
 

Alors que selon leurs propriétaires, plus de 95 % des chiens présenteraient (à un moment ou un autre) des comportements indésirables, la prévalence annuelle des cas traités par un psychotrope ne dépasse pas 0,4 % en clientèle vétérinaire généraliste. Les auteurs de cette nouvelle étude, réalisée dans le cadre du projet britannique VetCompass, avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ce chiffre.

Exclusion des troubles comportementaux secondaires

Comme pour bien d'autres études de ce projet, la base de données des dossiers médicaux de cliniques adhérentes a été interrogée pour identifier, sur une année (2013), les cas de chiens ayant fait l'objet de la prescription d'un médicament psychotrope.

Les cas d'épilepsie ou de troubles comportementaux signalés comme secondaires à une maladie organique étaient écartés. Les troubles cognitifs (éventuellement liés à l'âge), en revanche, n'étaient pas exclus.

404 cas

L'échantillon analysé comprend plus de 104 000 chiens vus en consultation. Et parmi eux, 404 se sont vus prescrire un médicament psychotrope (en autres, dans la thérapie comportementale globale), ce qui correspond ainsi à une prévalence annuelle de 0,4 %.

Au vu des prescriptions, les quatre comportements indésirables les plus fréquemment traités sont de l'anxiété/du stress (près de 12 %), des troubles cognitifs (10,4 %), de l'agressivité (8,7 %), une phobie des bruits (7,7 %).

Plus de 8 fois sur 10, une seule molécule est prescrite. Les plus fréquentes sont l'acépromazine (une molécule moins utilisée aujourd'hui comme anxiolytique), le diazépam et la propentofylline (particulièrement chez les vieux chiens, de 12 ans et plus). Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (clomipramine, fluoxétine) sont peu prescrits ici.

Seulement 9 cas (2,2 %) ont été référés à un spécialiste. Mais nombre de chiens sont vraisemblablement référés rapidement, sans tentative de traitement de première intention.

Les cas de décès (notamment par euthanasie) étaient analysés pour rechercher un éventuel motif en lien avec des comportements indésirables, ce qui est établi pour quasiment la moitié des chiens concernés.

Trois pistes d'explication

Cette prévalence de 0,4 % apparaît donc faible pour les auteurs, qui avancent trois principales hypothèses explicatives, liées à l'animal, à son propriétaire et au vétérinaire.

La perception d'un comportement comme indésirable, sa tolérance (par exemple lors de phobie des bruits), et la méconnaissance de son impact sur le bien-être du chien varient selon les propriétaires, lesquels sont alors plus ou moins enclins à l'évoquer en consultation, ou à accepter de traiter s'il est détecté par le vétérinaire. Ils peuvent aussi être incapables d'administrer le traitement, ou ne pas pouvoir en assumer le coût.

Ensuite, nombre de comportements indésirables observés par le propriétaire sont en fait la conséquence d'une cause sous-jacente, comme la douleur associée à une maladie organique, diagnostiquée et traitée par le vétérinaire. La proportion de plus 95 % de chiens qui présenteraient des troubles comportementaux serait donc amplement surestimée.

Enfin, il est avancé que les vétérinaires généralistes ne sont pas toujours très à l'aise dans la prescription de médicaments psychotropes (et dans la prise en charge des troubles comportementaux d'une manière générale). Cette frilosité à utiliser ces molécules se traduirait par une préférence pour des thérapies non médicamenteuses, ou pour référer. Les auteurs rappellent toutefois que les troubles du comportement, et l'incompatibilité avec les autres animaux du foyer, sont les premières causes d'abandon d'un chien, l'agressivité un motif fréquent d'euthanasie, particulièrement chez les jeunes adultes (moins de 3 ans). D'où l'importance d'une prise en charge précoce et adaptée, le cas échéant avec des psychotropes.

Trois (petites) races plus à risque

L'étude avait aussi pour objectif d'identifier les facteurs de risque de ces troubles comportementaux traités médicalement.

Plusieurs races sont ainsi trouvées significativement associées à un sur-risque, en particulier :

  • Le caniche toy, avec un risque multiplié par 2,8 dans l'analyse multivariée, et une prévalence annuelle de 1,1 % ;
  • Le terrier tibétain, avec un risque x 2,7 et une prévalence annuelle de 1,3 % ;
  • Le shih-tzu, avec un risque x 2 et une prévalence annuelle de 0,7 %.

Aucune différence significative n'est observée selon le poids des chiens (dans le groupe traité versus le reste de la cohorte). Selon d'autres travaux, les comportements indésirables sont plus fréquents chez les chiens de petit format. Et les auteurs signalent que les chiens des trois races les plus à risque ici sont de petit gabarit.

Les vieux, les mâles

Les observations montrent aussi que le risque augmente significativement avec l'âge du chien. Ainsi, l'âge médian des chiens traités est de 7,6 ans (contre 5,4 ans pour le reste de la cohorte). Et les individus de 12 ans et plus présentent un risque trois fois plus élevé d'être traités par un psychotrope que ceux de moins de 3 ans, ce qui est en contradiction avec d'autres travaux. L'inclusion des cas de troubles de la cognition, fréquents chez le chien âgé, sont toutefois à prendre en compte ici.

Enfin, et comme déjà observé dans d'autres travaux, les chiens mâles sont plus fréquemment concernés. Les résultats de cette étude montrent que les mâles (entiers ou castrés) sont plus à risque que les chiennes non stérilisées. À noter que parmi les chiens stérilisés, qui représentent 20 % des cas, plus de la moitié (53 %) l'a été après la prescription, apparemment assez fréquemment en traitement des troubles du comportement (30 % spécifiés comme tel), même si l'intérêt de la castration sur l'évolution de ces troubles n'est pas établi.