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22 septembre 2021
La Fédération des vétérinaires d'Europe liste 23 impacts des rachats des cliniques par des grands groupes
Illégaux ou pas ? Peu importe. Les rachats de cliniques vétérinaires par des groupes, comme IVC Evidensia, VetPartners ou AniCura… se multiplient partout en France. Que l'Ordre national des vétérinaires procède ensuite, après un long délai d'environ deux ans de procédures administratives, aux radiations des cliniques rachetées ne semblent pas non plus freiner cette frénésie de rachats par les groupes. Il est vrai que les recours déposés devant le Conseil d'État ne conduisent pas, pour le moment, à la fermeture effective des cliniques rachetées. Cela peut donner l'impression que ces rachats ne sont pas risqués, ni pour les vétérinaires vendeurs, ni pour les groupes qui les acquièrent.
Seule une décision claire du Conseil d'État pourrait mettre fin à ce sentiment d'impunité…
Pour les confrères seniors qui vendent leurs parts à l'approche de leur retraite, ces groupes sont même une occasion unique, voire inespérée, de valoriser financièrement leur travail et même de faire jouer la concurrence entre les acheteurs pour vendre leurs cliniques au groupe le plus offrant. Il y a quelques années encore, trouver un vétérinaire prêt à s'associer pour racheter les parts de ceux qui partaient en retraite, s'avérait presque une mission impossible dans un grand nombre de cas.
L'essor de ces grands groupes n'intéresse pas seulement les vétérinaires français. Aux États-Unis, le premier groupe, Banfield, est né en 1965. En Europe, la plupart de ces groupes sont apparus au Royaume-Uni où l'ouverture du capital des cliniques vétérinaires a été promue à partir du milieu des années 1990. AniCura est né en Suède en 2011. La plupart de ces groupes sont donc anglo-saxons. En France, des acteurs nationaux sont aussi apparus comme MonVeto (en 2010), Univet (depuis 2011), VetOne (2012) etc. Les premiers rachats en France par les groupes anglo-saxons sont plus récents : à partir de 2018-2019 pour AniCura et IVC Evidensia, 2020-2021 pour VetPartners. Il est désormais certain que plusieurs dizaines de cliniques ont déjà changé de mains. Ce qui promet encore de nombreuses radiations tant que le Conseil d'État n'aura pas définitivement tranché sur la légalité de ces rachats.
La Fédération vétérinaire européenne (FVE) s'intéresse aussi beaucoup à « l'essor des grands groupes dans la pratique vétérinaire ». Car c'est un changement considérable dans l'exercice qui, jusque-là, était assuré par des vétérinaires qui détenaient et exploitaient leurs propres structures. La FVE y a consacré une analyse, qui même si elle est classée confidentielle, a très largement circulé partout en Europe. À partir des études, des rapports ou des observations des organisations vétérinaires membres de la FVE, elle constate que « l'expansion rapide de ces groupes est controversée », pas seulement en France, mais dans beaucoup de pays d'Europe.
Dans les pays anglo-saxons, leur part de marché a explosé en quelques années par rapport aux cabinets vétérinaires restés indépendants.
À l'exception de ces six pays anglo-saxons, le poids des grands groupes reste faible ou marginal, comme en Allemagne, voire nul dans certains pays latins ou slaves. Beaucoup de ces pays ont des règles similaires à la France. La majorité du capital des entreprises doit être détenue par des vétérinaires pour qu'ils en conservent le contrôle effectif. La FVE a analysé les différents impacts de l'essor des grands groupes sur la médecine vétérinaire.
Que l'on soit pour ou contre les grands groupes, un premier constat s'impose : dans les cliniques de ces groupes, la médecine vétérinaire n'est ni bien meilleure, ni considérablement dégradée par rapport aux vétérinaires restés indépendants.
Pour la FVE, « il est essentiel que l'indépendance du vétérinaire reste garantie en termes de diagnostic, du recours ou pas à des examens complémentaires, sur la liberté de choix la thérapeutique appropriée, notamment pour le choix des médicaments ou d'autres produits, du temps consacré aux clients et aussi sur le fait de référer ou pas ces clients vers un spécialiste de son choix ».
Mais l'indépendance du vétérinaire n'est pas restreinte à celle de l'acte médical. L'indépendance de la profession vétérinaire est toute aussi essentielle. La FVE a donc listé 23 impacts de l'essor des grands groupes sur l'exercice vétérinaire.
La direction des cliniques appartenant à un groupe « est davantage assurée par le groupe » que par les vétérinaires qui y exercent. Ces groupes affirment que les vétérinaires qui y sont employés en sont satisfaits. Car ils n'ont pas ou plus à détourner leur attention du traitement des animaux. Ils n'ont donc plus à faire face aux problèmes de personnel, d'embauche, des autres tâches de gestion chronophages qui les éloignent de la médecine. Cependant, il est aussi reconnu qu'il y a souvent plus de « paperasse » au sein d'un groupe, avec davantage de procédures à respecter et de rapports d'activité à transmettre.
Les grands groupes de cliniques vétérinaires ont un pouvoir de négociation plus élevé et sont, selon la FVE, en mesure « de passer des commandes en gros au nom de dizaines de cliniques ». Les négociations pourraient même se faire à un échelon européen. Il est possible d'imaginer des produits étiquetés aux couleurs du groupe qui seraient commercialisés en exclusivité dans ce réseau de distribution.
Les vétérinaires des grands groupes « doivent souvent suivre de nombreuses procédures et des bonnes pratiques concernant les tarifs et les options thérapeutiques ». Ces vétérinaires « peuvent penser que leur pouvoir de décision est plus réduit dans un groupe » selon la FVE.
Dans les groupes, les vétérinaires ont « une influence limitée, voire inexistante, sur les décisions d'investissement, à l'exception des équipements qui sont proposés ou déjà disponibles dans le groupe », observe la FVE. Dans un groupe, l'achat d'un équipement « peut nécessiter un long processus d'approbation avec une grosse quantité de paperasse pour le justifier ».
Dans une région, un groupe de plusieurs cliniques vétérinaires pourrait se trouver en situation de monopole. Si ce groupe fait faillite, ou seulement décide d'arrêter l'activité rurale, cela pourrait avoir des « conséquences dramatiques » sur l'offre vétérinaire et la surveillance des maladies, observe la FVE. Cette situation est déjà connue en France, quand le rachat par un groupe d'une clinique conduit à stopper son activité rurale laissant des éleveurs sans aucune offre vétérinaire réaliste.
La FVE craint d'ailleurs aussi que les grands groupes ne s'intéressent qu'aux cliniques « rentables » ou qu'aux actes les plus rentables. Les groupes ne contribueraient donc pas à fournir un service vétérinaire qui couvre l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones reculées où les densités de population ou d'élevages sont les plus faibles.
La rentabilité est un objectif essentiel de toute clinique, qu'elle soit indépendante ou rattachée à un groupe. Mais, « les vétérinaires des grands groupes peuvent davantage ressentir une pression pour vendre à leurs clients des actes ou des produits afin d'augmenter les marges bénéficiaires ».
La FVE constate qu'au Royaume-Uni, les tarifs des services vétérinaires ont augmenté sans toutefois pouvoir en tirer une conclusion en lien avec l'essor des grands groupes dans ce pays. Au Royaume-Uni, les groupes détiennent 52 % de la part du marché vétérinaire en chiffre d'affaires.
Selon la FVE, Les horaires de travail des vétérinaires dans les cliniques des groupes sont davantage standardisés que dans les cabinets indépendants. Le recours aux heures supplémentaires y serait plus limité.
Dans les cliniques d'un grand groupe, les nouveaux diplômés des écoles vétérinaires pourraient trouver des conditions idéales pour acquérir une expérience. Car, selon la FVE, ces groupes « disposent généralement d'un programme de formation pour ces jeunes diplômés », beaucoup mieux formalisés que dans les cliniques indépendantes.
Dans les grands groupes avec de nombreuses cliniques, les vétérinaires peuvent plus facilement changer leur lieu d'exercice pour une autre clinique du groupe. Cela peut être le souhait du vétérinaire ou, à l'inverse, subi, souligne la FVE. Dans ce dernier cas, le vétérinaire salarié ne choisirait pas la clinique dans laquelle il serait affecté.
Les groupes peuvent aussi offrir plus de choix au vétérinaire salarié pour orienter sa carrière et souvent plus de possibilités de spécialisation. Certains groupes développent la formation interne de leurs vétérinaires.
Selon la FVE, « des études suggèrent que les salaires versés aux vétérinaires dans les groupes sont inférieurs à ceux des autres cabinets vétérinaires ». Toutefois, la FVE est prudente sur cet impact qui « nécessiterait un examen plus approfondi ».
Les grands groupes ont tendance à recourir davantage à une équipe multidisciplinaire, en y incluant notamment les ASV pour optimiser la gestion de la clinique. Des grands groupes peuvent donc souhaiter étendre la délégation des actes que les ASV pourraient légalement être autorisés à accomplir.
Sans tirer de conclusion prématurée, la FVE s'interroge sur la réalisation de certains services vétérinaires, comme les prophylaxies obligatoires en France ou certaines certifications par les vétérinaires salariés des grands groupes. Certains pays d'Europe, comme la Belgique, ne semblent pas l'accepter, selon l'analyse de la FVE.
Pour la FVE, les propositions de rachats des cliniques vétérinaires par les grands groupes à des valeurs très élevées sont attractives pour les vétérinaires qui cèdent actuellement leurs parts. Mais, de fait, ces cessions se font à des niveaux trop élevés pour permettre à des personnes physiques, des vétérinaires à titre individuel, d'investir dans les cliniques.
Dans le cadre du droit des sociétés, la responsabilité légale des vétérinaires qui y exercent comme salarié est nécessairement plus limitée, par rapport aux représentants légaux de la société. Toutefois la FVE observe que cette responsabilité est déjà limitée pour les vétérinaires indépendants qui gèrent leurs propres sociétés anonymes.
La fiscalité des sociétés est différente de celle des personnes physiques exerçant la même activité. Des avantages fiscaux peuvent être accordés aux sociétés. Pour la FVE, l'équité de la profession ne serait plus garantie entre les structures vétérinaires indépendantes et les groupes.
Tout comme la rentabilité, la satisfaction des clients est essentielle pour toutes les cliniques vétérinaires. Les grands groupes mesurent régulièrement la satisfaction de leurs clients et tentent d'adapter en conséquence leur offre de services. Il s'agit par exemple de respecter les heures de rendez-vous, d'aménager des plages horaires d'ouverture plus longues, parfois au détriment d'une relation plus personnelle entre le praticien et ses clients.
La satisfaction des confrères dans leur exercice est évidemment liée à de nombreux facteurs tels que l'environnement de travail, les collègues, les heures de travail, les ressources humaines, l'organisation, la reconnaissance, la rémunération, le sentiment d'appartenance… Dans leur communication, les groupes soulignent le bien-être au travail de leurs employés. Pour la FVE, il n'est pas possible, pour le moment, de mesurer l'impact réel des groupes sur le bien-être au travail des confrères.
Pour la FVE, Les grands groupes de cliniques disposent d'énormes bases de données dans leurs fichiers clients. Ils pourraient donc plus facilement les exploiter pour développer la télémédecine ou d'autres services innovants adaptés à leurs clients. Ces bases de données pourraient aussi permet d'améliorer le service rendu avec des décisions médicales davantage fondées sur des preuves.
De nombreux vétérinaires s'investissent dans des activités associatives ou représentatives dans des structures en France comme l'Afvac, les syndicats, l'Ordre des vétérinaires etc. Sans apporter de réponse définitive, la FVE s'interroge sur l'impact des grands groupes sur l'engagement de leurs vétérinaires salariés dans ces activités « non rentables » pour le groupe.
Des grands groupes négocient aussi des tarifs réduits pour l'adhésion de leurs vétérinaires aux associations professionnelles, notamment de formation continue, ou aux syndicats représentatifs. Les grands groupes peuvent parfois proposer leurs propres programmes de formation continue en interne et, le cas échéant, entrer en concurrences avec ces organisations de formation indépendantes.
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