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13 janvier 2021

Un premier traitement oral des lymphomes canins est autorisé aux USA : le verdinexor au mode d'action inédit

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

L'Afvac propose une formation d'une journée sur les lymphomes chez le chien et le chat le 3 juin 2021 près d'Avignon. Photo : afvac.com
L'Afvac propose une formation d'une journée sur les lymphomes chez le chien et le chat le 3 juin 2021 près d'Avignon. Photo : afvac.com
 

Le 11 janvier, l'arsenal thérapeutique des vétérinaires nord-américains s'est élargi au premier anticancéreux vétérinaire par voie orale destiné au traitement des lymphomes des chiens. Il s'agit des comprimés Laverdia°-CA1 à base de verdinexor, un anticancéreux au mode d'action inédit. La même molécule est aussi en cours de développement comme l'ostéosarcome chez les chiens.

Trois nouveaux médicaments d'Anivive subventionnés par la FDA

Laverdia° est développé par le laboratoire américain Anivive (voir ce lien). Ce laboratoire, dirigé notamment par d'anciens cadres de l'industrie pharmaceutique vétérinaire, se concentre sur la recherche de médicaments inédits pour les animaux de compagnie dans des segments thérapeutiques encore inoccupés. Pour les aider dans cette recherche, l'administration américaine, la FDA (Food and drug administration), a accordé une aide de 500 000 dollars à ce laboratoire, notamment au titre des recherches sur des maladies mineures ou orphelines.

Ces subventions des autorités américaines sont aujourd'hui ciblées sur les trois médicaments du pipeline d'Anivive.

  1. Le verdinexor est le premier traitement des lymphomes des chiens par voie orale. Dans la même indication, la FDA a déjà autorisé en 2016 une solution injectable de rabacfosadine, Tanovea° du laboratoire VetDC, un médicament développé et commercialisé aux USA par Elanco depuis 2019.
  2. Le second projet a le vent en poupe. Il s'agit d'un antiviral, le GC376, un inhibiteur de protéase développé comme traitement du coronavirus félin, la péritonite infectieuse féline. L'an dernier, Anivive a aussi testé le GC376 contre le SARS-CoV-2.
  3. Le troisième traitement de ce pipeline est aussi original. Il s'agit d'un projet de vaccin vétérinaire expérimental contre une infection mycosique : la coccidioïdomycose ou fièvre de la vallée de Californie. Chez l'homme, cette infection fongique respiratoire est endémique dans le sud-ouest des États-Unis, notamment la Californie.

Verdinexor : un SINE inhibiteur de l'exportine 1 (XPO1)

Le verdinexor est un anticancéreux au mode d'action inédit. Il s'agit d'un inhibiteur de l'exportine 1. L'XPO1 (pour exportine 1) est une protéine qui permet le transport du noyau vers le cytoplasme, donc « l'exportation », de protéines aux effets suppresseurs sur les cellules cancéreuses. Ces protéines aux effets suppresseurs agissent dans le noyau des cellules cancéreuses. Elles sont donc inactives lorsqu'elles se retrouvent exportées du noyau vers le cytoplasme grâce à l'exportine 1 (XPO1). Un inhibiteur de l'exportine 1 concentre ces protéines suppressives dans le noyau. Il freine ainsi la croissance tumorale et l'extension de la tumeur maligne.

Ces nouveaux anticancéreux en développement appartiennent à la classe des SINEs pour inhibiteur sélectif de l'exportation nucléaire (ou en anglais selective inhibitor of nuclear export). Encore au stade des essais cliniques en oncologie humaine, « les SINEs, en inhibant spécifiquement la protéine XPO1 sont susceptibles d'induire une apoptose des cellules cancéreuse » précise l'Institut national du cancer en France.

Une dose ajustée entre 1 et 1,5 mg/kg sur deux prises par semaine

Chez les chiens, les lymphomes à lymphocytes B ou T seraient l'une des tumeurs malignes les plus courantes après les mastocytomes et les tumeurs mammaires. Le lymphome chez le chien est très agressif et, sans traitement, ce cancer est souvent mortel en quelques semaines. Même avec un traitement, la survie dépasse rarement 12 mois. Aux USA, la FDA a accepté d'alléger les essais cliniques compte tenu de la faible incidence. Elle estime que 70 000 chiens en sont atteints chaque année. Sur son site, Anivive prétend que 1,2 million de chiens ont présenté un lymphome en 2019. L'incidence des lymphomes est évaluée entre 20 et 100 cas pour 100 000 chiens, soit entre 0,02 et 0,1 %.

Dans l'étude clinique aux USA, les comprimés Laverdia° ont été testés sur 58 chiens présentant un lymphome, soit comme premier traitement (35 chiens), soit après une seule rechute (23 chiens). Dans la plupart des cas, ce traitement était associé à de prednisolone et, parfois, à d'autres traitements symptomatiques comme le maropitant comme antivomitif, le lopéramide, un antibiotique…

La posologie initiale est de 1,25 mg/kg sur la base de deux prises par semaine (lundi-jeudi ou mardi-vendredi). Après deux semaines de traitement, la dose peut être augmentée à 1,5 mg/kg si elle est bien supportée ou, à l'inverse diminué à 1 mg/kg en cas d'effets indésirables. Les comprimés non sécables sont dosés à 2,5 mg et 10 mg et 50 mg, ce qui permet un ajustement à 2,5 mg près pour une dose la plus précise possible et éviter les effets indésirables. La biodisponibilité est 3 à 5 fois meilleure quand les comprimés sont pris avec les repas. Mais la perte d'appétit rend parfois difficile l'administration des comprimés avec les repas. Le traitement n'est pas arrêté tant que le chien le supporte mais il est parfois suspendu puis repris.

Une rémission médiane de 30 jours, voire 2 mois pour 30 % des cas

Les principales conclusions de l'essai clinique sont les suivantes.

  • 50 des 58 chiens traités présentent une rémission mais d'une durée très variable d'un animal à l'autre. La durée médiane de la rémission est d'un mois (30 jours) : entre une semaine (7 jours) et 8 mois (244 jours). La rémission est un peu plus longue chez les 30 chiens en premier traitement (36,5 jours) que sur les 20 chiens en première rechute (22 jours).
  • Dans la majorité des cas (30/58), ces rémissions sont associées à une stabilisation du lymphome, sans aggravation ni amélioration.
  • Dans un cas sur trois (34,5 %), les tumeurs régressent de plus de 30 % (réponse partielle dans 19 cas sur 58) voire disparaissent sur un seul chien (réponse totale). Mais, ces améliorations sont souvent de courte durée avec une médiane de 18 jours : entre une semaine et 6 mois selon les chiens.
  • 17 chiens sur 58, soit 30 %, ont présenté une rémission de huit semaines au plus. Pour trois chiens, cette rémission a été de plus de six à huit mois avant une aggravation.
  • Le lymphome continue de s'aggraver sur huit chiens malgré ce traitement.

Tous les chiens traités ont présenté des effets indésirables

Tous les chiens traités ont présenté au moins un effet indésirable. Et la dose est d'ailleurs ajustée selon la tolérance. La gravité de chaque effet indésirable est évaluée selon une échelle de 1 (bénin) à 5 (très grave) ou de 1 à 4 pour les anomalies des analyses biologiques. La plupart des effets indésirables (ou des anomalies biologiques) sont évalués comme bénins avec un grade 1 ou plus rarement un grade 2.

Les effets les plus fréquents sont la perte d'appétit sur 80 % des chiens, les vomissements (60 %), des diarrhées (50 %), des pertes de poids (50 %), de la léthargie (40 %), une polydipsie (33 %) et une polyurie (30 %).

Des précautions pour le propriétaire

Les comprimés peuvent être administrés par le propriétaire du chien. Mais la FDA lui recommande de prendre des précautions pour éviter qu'il soit lui-même exposé à cet anticancéreux. Le port de gants est recommandé lors de l'administration des comprimés. La demi-vie d'élimination est de quatre à six heures. Il est donc éliminé du chien à plus de 99,9 % dans les 60 heures suivant la prise. Après chaque prise, il est ainsi recommandé pendant trois jours de porter des gants pour éviter le contact direct avec les fèces, l'urine, le vomi, la salive… susceptibles de contenir des résidus de cet anticancéreux. En pratique, les comprimés étant administrés tous les trois à quatre jours, cela revient à prendre toujours des gants pour ramasser les salissures du chien traité. Comme pour d'autres anticancéreux, les femmes enceintes ne devraient ni manipuler ces comprimés même avec des gants, ni ramasser les salissures des chiens traités.