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25 novembre 2020

68 ruptures, 121 produits borderline, 700 défauts d'efficacité… L'Anses se mobilise aussi sur le post-AMM

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Les déclarations de suspicions de manque d'efficacité explosent
Entre 2011 et 2019, les déclarations de pharmacovigilance pour suspicions de manque d'efficacité ont été multipliées par sept. Curieusement, elles concernent presque exclusivement, à plus de 90 %, des médicaments préventifs : à 68 % des vaccins et 23 % des antiparasitaires. Source : Anses-ANMV.
Les déclarations de suspicions de manque d'efficacité explosent
Entre 2011 et 2019, les déclarations de pharmacovigilance pour suspicions de manque d'efficacité ont été multipliées par sept. Curieusement, elles concernent presque exclusivement, à plus de 90 %, des médicaments préventifs : à 68 % des vaccins et 23 % des antiparasitaires. Source : Anses-ANMV.
 

L'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) vient de publier son rapport annuel sur le suivi post AMM des médicaments vétérinaires pour l'année 2019. Depuis cinq ans, ce suivi post-AMM ne s'intéresse pas seulement, dans ce rapport annuel, aux quelque 4500 déclarations de pharmacovigilance faites, pour la plupart (> 90%), par des vétérinaires mais aussi aux défauts qualité — de l'étiquetage erroné à l'instabilité d'un principe actif avant sa péremption —, aux produits borderline sans AMM mais aux allégations litigieuses, aux ruptures notamment si elles deviennent critiques pour la santé animale, etc.

Par rapport aux bilans des années précédentes, les principales nouveautés de 2019 portent sur les ruptures, les produits frontières ou dits « borderlines » et les suspicions de manques d'efficacité.

22 ruptures critiques en 2019

Depuis juin 2019, les ruptures critiques avérées — celles qui peuvent poser un souci en santé animale en l'absence de médicaments équivalents — font d'objet d'une communication officielle de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) sur ce lien.

L'Agence apparaît désormais très impliquée pour tenter de remédier à des ruptures critiques, notamment par l'octroi d'autorisations d'importation ou d'autorisations temporaires d'utilisations (ATU) comme récemment suite à la rupture du seul vaccin autorisé en France contre la teigne bovine (Bovilis° Ringvac°). Pour prévenir ces ruptures, l'Agence valide aussi la prolongation de stabilité de lots qui arrive à péremption — lorsque la fabrication d'un nouveau lot n'est pas possible dans un bref délai — ou la libération exceptionnelle de lots en cours de contrôle.

Quatre ruptures sur six sur des vaccins ou des antibiotiques

Ainsi, 68 médicaments ont été déclarés en rupture en 2019. Il s'agit principalement de vaccins (22 %), d'antibiotiques (16 %), d'antiparasitaires externes ou internes (13 %), d'anesthésiques (11 %)… et 40 % pour les autres classes.

Sur ces 68 ruptures, 22 ruptures ont été jugées « critiques ». Mais des solutions ont pu être proposées dans la moitié des cas pour éviter un impact négatif sur la santé animale.

121 saisines sur des produits borderline

L'Anses-ANMV est l'autorité qualifiée pour déterminer si un produit relève ou non du statut de médicament vétérinaire. En 2019, elle s'est prononcée sur 121 demandes sur des produits « borderline » (versus 80 les années précédentes). L'Agence est donc de plus en plus sollicitée sur ce sujet difficile qui peut signer l'arrêt de mort d'un aliment, d'un biocide ou d'un produit d'hygiène s'il est requalifié en médicament.

  • La majorité de ces saisines (57 %) proviennent d'autres services de l'Anses — une sorte d'autosaisines — ou de l'État, notamment les DDPP.
  • Pour 21 dossiers (17 %), ces « plaintes » proviennent de « dénonciations » de concurrents ou de vétérinaires qui s'interrogent ou interpellent l'Anses sur le statut d'un produit.
  • Enfin, un quart de ces dossiers sont des demandes préalables d'industriels avant la mise sur le marché des produits. Les industriels dubitatifs préfèrent parfois interroger les autorités avant de prendre le risque de commercialiser un produit qui s'avérerait illégal aux yeux de l'ANMV.

Les allégations litigieuses sont retirées, mais pas les produits

Dans la plupart des cas litigieux, il s'agit de produits nutritionnels ou biocides requalifiés en médicament par allégation du fait de la présence sur l'étiquetage ou sur une publicité d'une allégation thérapeutique.

Quand un sucre est qualifié de complément homéopathique, ce sucre devient un « médicament homéopathique ». Ce sucre ne peut plus être vendu en épicerie, mais en pharmacie ou chez un vétérinaire. Et seul un fabricant pharmaceutique peut fabriquer et contrôler un sucre « homéopathique ». Il suffit donc de supprimer toute référence à l'« homéopathie » pour que ce sucre puisse être commercialisé comme un aliment.

De même, des aliments à base d'extraits végétaux ne peuvent pas être promus comme de la phytothérapie ou pour leurs propriétés diurétiques, que ces activités soient réelles ou seulement imaginaires.

Le plus souvent, un simple rappel à la réglementation par l'Anses suffit pour que les industriels se mettent en conformité en supprimant les allégations litigieuses de leurs produits. Néanmoins, neuf mises en demeure ont été envoyées, d'une part sur des médicaments sans AMM pour les abeilles, d'autre part, pour des produits à base de cannabidiol.

La pharmacovigilance stagne sauf pour les manques d'efficacité

Le nombre de déclarations de pharmacovigilance est resté stagnant à 4605 en 2019 (en baisse de 3 % par rapport à 2018). La diminution est pour moitié liée à un arrêt de la transmission des cas humains par les centres antipoison humains et pour moitié associée à une baisse des déclarations par les vétérinaires. En revanche, les déclarations pour manque d'efficacité sont en forte augmentation depuis plusieurs années avec près de 700 cas en 2019, versus environ 500 en 2018 et une centaine en 2011.

Les médicaments ne sont évidemment pas moins efficaces en 2019 qu'en 2011. Mais, depuis plusieurs années, l'Anses incite les vétérinaires à déclarer aussi en pharmacovigilance les suspicions de manques d'efficacité. Ces déclarations pour manque d'efficacité concernent des médicaments préventifs dans 90 % des cas : les vaccins (68 % des cas) et les antiparasitaires (23 %). Car il apparaît sans doute anormal qu'un animal vacciné tombe ensuite malade ou qu'un animal traité par un antiparasitaire soit piqué par une tique ou infesté par une puce.

77 notices modifiées en 2019 par la pharmacovigilance

Répartition par espèce et par classe thérapeutique des déclarations de pharmacovigilance

Dans presque toutes les espèces animales, les vaccins représentent 40 % à 90 % des déclarations de pharmacovigilance. Seul le chat fait exception !

Source : Anses-ANMV.

La répartition des déclarations par espèce animale et par classe thérapeutique est peu modifiée par rapport aux années précédentes (voir le tableau ci-dessus).

  • Les chiens et les chats représentent 80 % des déclarations, suivis par les bovins (8 %), les chevaux (4 %), les porcs (< 3 %), les NAC (< 3 %)…
  • Les vaccins représentent la première classe en nombre de déclarations (37 %) dans toutes les espèces, à l'exception des chats où les APE prédominent.
  • Du fait de la prédominance des cas chez les chiens et les chats, les antiparasitaires représentent 30 % de la totalité des déclarations.
  • En troisième position, les effets indésirables des anesthésiques avec 8 % du total, visent surtout les chiens, les chats, les bovins et les équidés.
  • Au quatrième rang, les antibiotiques sont derrière avec 6 % des cas réparties dans presque toutes les espèces.

Les données de pharmacovigilances ont conduit à modifier les RCP de 77 médicaments en 2019 (versus 71 en 2018) notamment sur les rubriques « effets indésirables » ou « précautions d'emploi ».