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17 septembre 2020

Quels médicaments placer devant ou derrière le comptoir, à la vue ou pas des clients. Gare aux contrôles

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Sur les médicaments, gare aux contrôles. À l'exception des APE, aucun médicament ne devrait être accessible à un client. Et, ceux sur ordonnance ne devraient même pas être visibles… Photo veto-espaces.fr
Sur les médicaments, gare aux contrôles. À l'exception des APE, aucun médicament ne devrait être accessible à un client. Et, ceux sur ordonnance ne devraient même pas être visibles… Photo veto-espaces.fr
 

Avec le déconfinement, les contrôles « pharmacies » par les vétérinaires inspecteurs semblent se multiplier dans les cliniques vétérinaires. Tout du moins si l'on en croit le nombre et l'intensité des réactions critiques que ces contrôles suscitent chez les confrères qui les subissent avec une douleur… qui ne répond pas vraiment bien aux AINS !

Un des nombreux points litigieux porte sur les lieux de stockage des médicaments dans les cliniques vétérinaires. Les praticiens ont parfois tendance à mettre, en accès libre, ou dans des présentoirs bien à la vue du public, certains médicaments préventifs, des antiparasitaires surtout. À l'inverse, des inspecteurs traquent les médicaments qui pourraient être à la vue du public derrière le comptoir ou, pire, accessibles au public dans une salle de consultations ou le couloir qui permet d'y accéder.

Tableau récapitulatif des lieux de stockage des médicaments dans la clinique

Dans les contrôles « pharmacies », les inspecteurs estiment parfois que les médicaments ne devraient pas être stockés dans les salles de consultation ou les couloirs d'accès à ces salles puisque les clients y circulent avec leurs animaux.

Tableau LeFil.

 

La règle d'or : c'est le monopole pharmaceutique

Quelles sont les règles ? Le code de la santé publique est assez peu explicite sur le stockage des médicaments dans une pharmacie ou une clinique vétérinaire. La règle d'or reste celle du monopole pharmaceutique qui figure ainsi dans la définition de l'ayant droit à l'article L. 5143-2 du code de la santé publique.

« Seuls peuvent détenir les médicaments vétérinaires en vue de leur délivrance au détail,

1°) Les pharmaciens titulaires d'une officine,

2°) Les vétérinaires sans toutefois qu'ils aient le droit de tenir officine ouverte et lorsqu'il s'agit des animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins. »

Pour le code de santé publique, le plus important est donc que les médicaments ne soient pas détenus en vue de leur cession par d'autres personnes que ces fameux ayants droit du circuit pharmaceutique. C'est pour cela que les médicaments ne sont pas des produits ordinaires en vente libre dans tous les circuits, qu'ils soient ou non soumis à ordonnance.

Un médicament n'est pas pris dans un rayon mais remis en mains propres

Ce monopole de la délivrance au détail par un ayant droit interdit donc l'accès des clients au médicament dans un rayon. Car seuls des ayants droit peuvent délivrer au détail des médicaments. Cela sous-tend que le client ne peut prendre « possession » d'un médicament que des mains du vétérinaire (ou, éventuellement, par colisage). L'article 1604 du Code civil définit d'ailleurs la délivrance d'un bien « comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Ainsi, le client ne peut pas prendre « possession par lui-même » d'un médicament, même non soumis à ordonnance.

Par conséquent, il est assez logique d'exiger des cliniques vétérinaires que les médicaments — même sans ordonnance — ne soient pas stockés dans des rayonnages ou des présentoirs dont l'objet est d'inciter le client à en prendre possession par lui-même.

Il reste plus litigieux d'apprécier si le couloir d'accès à une salle de consultation, la salle de consultation elle-même, l'arrière d'un comptoir qui pourrait être facilement contourné… constituent (ou pas) des lieux en « libre accès » pour les clients. Dans les pharmacies d'officine, tous les espaces et les rayonnages situés derrière le comptoir sont considérés comme n'étant pas accessibles au public.

Le vétérinaire ne délivre qu'après un examen de l'animal

En outre, « les médicaments [soumis ou non à prescription] ne peuvent être délivrés par un vétérinaire qu'après un examen clinique » précise le vade-mecum d'inspection qu'appliquent les vétérinaires officiels lorsqu'ils contrôlent leurs confrères praticiens. Le code de la santé publique précise même que cet examen clinique devrait « avoir un lien » avec le médicament délivré, qu'il soit sur ordonnance ou pas (article R. 5141-112-1 du code de la santé publique). La délivrance d'un vermifuge sans ordonnance nécessite donc de voir au moins une fois l'animal et de juger qu'il est bien souhaitable de le vermifuger régulièrement.

Toutefois, une fois cet examen clinique réalisé, et « le diagnostic établi » dans le cas où une ordonnance serait exigée, ni le code de la santé » publique, ni le code rural, n'exigent un nouvel examen clinique pour chaque délivrance, que le médicament soit sur prescription ou non. Il serait excessif d'exiger de confirmer par un examen clinique, le diagnostic d'arthrose ou d'insuffisance cardiaque pour justifier des délivrances mensuelles d'un AINS ou d'un IECA. D'autant que le code de santé publique ne permet théoriquement pas de délivrer pour des quantités supérieures à plus d'un mois de traitement pour ces médicaments sur ordonnance (article R. 5132-12). Néanmoins, le suivi de l'état de l'animal nécessite de le revoir régulièrement au long cours et à chaque fois que son état s'aggrave. D'ailleurs, la durée d'un traitement sur prescription est d'au maximum un an (art. R. 5132-21).

Exception : les topiques APE dérogatoires en vente libre

Il y a toutefois deux dérogations à ces règles de stockage identiques aux médicaments humains et vétérinaires.

  1. Pour les médicaments vétérinaires, les topiques APE dérogatoires — dits en vente libre — dérogent aux règles de la distribution au détail. Ils peuvent donc être mis devant le comptoir, dans la salle d'attente ou sur des présentoirs en libre accès.
  2. Pour les médicaments humains, les médicaments dits de prescription familiale peuvent être directement accessibles au public dans une officine, mais seulement à proximité d'un comptoir. Et, dans ce cas, c'est bien le client qui en prend lui « possession » devant le comptoir. Ce statut n'existe pas pour des médicaments vétérinaires.

Médicaments sur prescription « hors de la vue du public »

Pour les médicaments sur prescription, il est habituellement considéré que ces médicaments doivent être détenus hors de la vue du public. Ils ne peuvent donc pas être détenus derrière le comptoir. Car la publicité pour ces médicaments est interdite. Et les services d'inspection estiment, à tort ou à raison, que la simple exposition de ces médicaments à la vue du public constitue une publicité. Il n'est toutefois pas obligatoire de les enfermer sous clef (art. R. 5132-26).

En application de cette règle qui découle de l'interdiction de publicité, les antiparasitaires sur prescription, notamment les vermifuges pour les bovins ou les équins ne devraient donc pas être stockés à la vue des éleveurs qui rentrent dans la clinique vétérinaire, parfois juste pour en « réclamer » !

A l'inverse, les médicaments non soumis à ordonnance peuvent être stockés à la vue du public, mais derrière le comptoir, donc inaccessibles au public.

Sous clé pour les stupéfiants, les euthanasiques, les anesthésiques

Le stockage sous clé ne concerne que les stupéfiants, notamment la kétamine (art. R. 5132-80). Néanmoins, certains médicaments particulièrement à risque, comme les euthanasiques ou les anesthésiques peuvent être mis sous clé (même si cela n'est pas obligatoire).