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6 août 2020

Elanco finalise le rachat de Bayer pour élargir ses marchés en canine mais cède Osurnia°, Drontal° etc.

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Le 3 août 2020, Elanco éclipse Bayer
Avec le rachat de Bayer, un grand nom de la santé animale disparaît au profit de celui d'Elanco, « une start-up âgée de 66 ans ».
Le 3 août 2020, Elanco éclipse Bayer
Avec le rachat de Bayer, un grand nom de la santé animale disparaît au profit de celui d'Elanco, « une start-up âgée de 66 ans ».
 

Depuis le 3 août, Bayer, un grand nom de la santé animale — le numéro 5 mondial —, disparaît. Dès le 29 novembre 2018, le groupe allemand, confronté aux difficultés liées à son acquisition de Monsanto, souhaitait se séparer d'un de ses bijoux : sa santé animale. Cette vente est d'ailleurs la plus grosse cession de Bayer dans le cadre de son plan de restructuration qui prévoit aussi de nombreux licenciements en santé humaine.

Depuis le 3 août, Elanco est donc officiellement le nouvel acquéreur aux commandes de la santé animale de Bayer, moyennant toutefois quelques cessions imposées par les autorités de la concurrence. Ce rachat n'est évidemment pas une surprise. Le choix de Bayer de céder sa santé animale à Elanco avait été annoncé il y a un peu moins d'un an, le 20 août 2019 (voir les Fils du 11 juin 2020 et du 21 août 2019).

Pourquoi Elanco rachète-t-il donc Bayer ?

Si les motivations de Bayer pour vendre sa santé animale sont directement liées à l'acquisition de Monsanto, celles d'Elanco pour ce rachat sont moins connues. Elanco est en effet « une start-up âgée de 66 ans ». Jusqu'en 2018, Elanco a été la filiale vétérinaire du laboratoire américain Eli Lilly. Le nom d'Elanco est d'ailleurs un acronyme de « Eli Lilly and co ». Mais Elanco est aussi une toute jeune entreprise, une start-up âgée de moins de deux ans, cotée en Bourse et totalement indépendante de Eli Lilly. Point commun avec les start-up : depuis une dizaine d'années, Elanco mise son développement sur des innovations et non sur le lancement de génériques.

Mais contrairement aux petites start-up innovantes qui finissent souvent par être rachetées par de plus gros groupes, Elanco est un habitué des rachats importants, comme celui de Janssen en 2011, de Novartis en 2015 et désormais celui de Bayer en 2020.

Des ventes à 50 % en animaux de compagnie

Elanco était historiquement orienté vers les productions animales, voire quasi-exclusivement jusqu'en 2007. Mais, depuis une dizaine d'années, le laboratoire investit fortement dans les animaux de compagnie, ce qui motivait déjà les rachats de Janssen et de Novartis. Ce nouveau rachat permet d'atteindre la parité à 50/50 en termes de chiffres d'affaires entre les deux activités « animaux de compagnie » et « productions animales ». Avant ce rachat, la « canine » pesait déjà pour 36 % dans le chiffre d'affaires d'Elanco.

Une complémentarité des gammes APE de Bayer et d'Elanco

Bayer et Elanco sont deux laboratoires qui ont beaucoup investi dans les antiparasitaires qu'ils soient internes ou externes. Les autorités ont d'ailleurs exigé quelques cessions sur ce marché avant d'autoriser ce rachat. Néanmoins, sur les antiparasitaires externes (APE), les autorités ont estimé que les gammes des deux laboratoires étaient plus complémentaires que concurrentes. Car elles s'adressent à des marchés différents.

Bayer est l'inventeur du spot-on. Il a aussi développé d'autres formes topiques notamment son collier Seresto° qui est devenu une de ses marques phares. Pour la plupart, ces APE sont en vente à la fois chez les vétérinaires et dans de nombreux autres circuits de distribution, d'où l'expertise de Bayer dans ces différents canaux.

À l'inverse, Elanco est un des pionniers des comprimés antiparasitaires externes « sur prescription » avec des ventes qui se font donc principalement, voire presque exclusivement, par les vétérinaires. Ce rachat permettra donc à Elanco d'élargir ses offres d'APE.

La crise covid-19 conforte la vision Elanco à travers ce rachat

Elanco souligne que les tensions générées par la crise covid-19 confortent à la fois sa vision et la stratégie qui en découle avec ce rachat. Dans les productions animales, la sécurité alimentaire devient un enjeu encore plus crucial depuis la pandémie. Ces enjeux ont toujours été le cœur de la stratégie d'Elanco depuis des décennies.

Dans le secteur des animaux de compagnie, le confinement a beaucoup rapproché leurs propriétaires de leurs compagnons à 4 pattes. Le temps passé au contact de ces animaux est accru. La télémédecine s'est développée. Les besoins accrus des propriétaires d'animaux de compagnie « ouvrent de nouvelles perspectives de croissance sur tous les canaux ».

25 lancements attendus d'ici 2024

Bayer fait partie des laboratoires avec une grosse recherche de principes actifs innovants. Elanco rachète donc aussi les projets de R&D de Bayer au nombre de cinq en santé animale. Cela porte donc à 25 le nombre de lancement attendus d'ici à 2024 dont cinq en 2021. Elanco disposera aussi d'un accès au pipeline de la R&D de Bayer pour des développements futurs en santé animale.

Un rachat à moins de 7 milliards de dollars

Le montant du rachat de Bayer par Elanco est de 6,89 milliards de dollars (5,87 milliards d'euros). C'est moins que le montant initialement prévu, il y a presque un an, le 20 août 2019, lorsque Bayer avait annoncé la vente de sa santé animale à Elanco pour un montant de 7,6 milliards $ (6,85 milliards €). Cela reste néanmoins l'une des plus grosses opérations en santé animale après le rachat de Merial par Boehringer Ingelheim en 2017 pour 11,4 milliards $. Par comparaison, Elanco avait racheté la santé animale de Novartis pour 5,4 milliards $.

Pour cette acquisition, Elanco a versé à Bayer 5,17 milliards $ en financier — soit 75 % du montant de la cession — et lui a cédé 72,9 millions d'actions Elanco pour un montant valorisé à 1,72 milliard $. Ces actions représentent 15,5 % des actions en circulation. Bayer a toutefois l'intention de revendre ces actions Elanco d'ici à la mi 2021. Toutefois, aucune de ces actions ne pourra en effet être revendu par Bayer avant novembre 2020. Puis Bayer ne pourra céder que progressivement ses actions jusqu'à mi 2021.

Des cessions à Dechra, Vetoquinol et MSD

Pour obtenir les approbations des autorités de la concurrence sur ce rachat, Elanco a aussi procédé aux cessions de plusieurs gammes représentant un chiffre d'affaires compris entre 120 et 140 millions $ (100 à 120 millions €). Les montants des cessions, environ 425 millions $, « seront utilisés pour rembourser en partie la dette liée au rachat de Bayer ».

Osurnia° passe chez Dechra

Osurnia°, un gel auriculaire contre les otites infectieuses des chiens (florfénicol, bêtaméthasone et terbinafine), est repris par Dechra. Commercialisé par Elanco depuis quelques années, Osurnia° avait été développé par Novartis. Le traitement complet avec ce topique auriculaire ne nécessite que deux applications à une semaine d'intervalle. Son chiffre d'affaires mondial est de 31,2 millions $ (27,6 millions €). Mais il est, depuis peu, concurrencé par un topique auriculaire de Bayer, Neptra° à base de florfénicol, mométasone et terbinafine. Avantage : Neptra° ne nécessite qu'une seule application pour un traitement complet des otites infectieuses des chiens. Sur ce marché, Elanco a donc préféré reprendre Neptra° et cède Osurnia° à Dechra.

Profender°, Drontal°, Dronstop° et Procox° repris par Vetoquinol

Elanco et Bayer possèdent des gammes princeps phares de vermifuges pour chiens et chats :

  • Chez Elanco, les comprimés Milbemax° (milbémycine, praziquantel) et, dans une moindre mesure, la gamme Flubenol° (flubendazole) ;
  • Chez Bayer, les gammes Drontal° à base de pyrantel, praziquantel (+ fébantel chez les chiens), Profender° (émodepside et praziquantel), Dronstop° (pyrantel, fébantel) et Procox° (toltrazuril, émodepside).

Pour répondre aux demandes de la Commission européenne, Elanco a choisi de se séparer, en Europe seulement, des gammes de Bayer (Drontal°, Dronstop°, Procox° et Profender°) pour conserver sa gamme Milbemax°. Vetoquinol reprend immédiatement la commercialisation de ces gammes dans tout l'Espace économique européen (Union Européenne incluse) ainsi qu'au Royaume-Uni qui n'en fait plus partie. « Les tarifs et les barèmes de remises commerciales de Vetoquinol s'appliqueront donc à toutes commandes traitées et livrées après le 3 août 2020 » précise un communiqué de Vetoquinol.

L'anticoccidien Vecoxan° de diclazuril chez MSD

Elanco et Bayer possèdent aussi les deux gammes princeps de deux médicaments anticoccidiens de la famille des triazinones fortement concurrentes.

  • Avec le toltrazuril et la gamme Baycox°, Bayer a développé depuis 1989 cet anticoccidien dans de nombreuses espèces : chez les volailles, les porcelets, les veaux, les agneaux.
  • Développé initialement par Janssen, le diclazuril Vecoxan° bénéficie d'indications pour les veaux et les agneaux avec un temps d'attente nul. Son profil cinétique est très différent de celui du toltrazuril.

Elanco se sépare donc au niveau mondial du diclazuril Vecoxan°. MSD a racheté cet anticoccidien pour un montant de 55 millions $ (50 millions €).

Nouveau numéro deux mondial…

Avec le rachat de Bayer par Elanco, les deux Français du top ten mondial, Ceva et Virbac gagnent une place pour devenir respectivement les numéros 5 et 6, mais loin derrière les quatre premiers. Infographie LeFil d'après les chiffres d'affaires 2019 publiés pour la plupart sur les sites Web des laboratoires.

Avant la fusion, Elanco et Bayer étaient respectivement les numéros 4 et 5 mondiaux de la santé animale derrière Zoetis, BI-Merial, Merck-MSD. Avec l'intégration de Bayer, Elanco devrait devenir le nouveau numéro deux mondial de la santé animale juste devant ou à égalité avec BI-Merial (4,5 milliards $) et MSD (4,4 milliards $) sur la base des chiffres d'affaires 2019. Zoetis (6,3 milliards $) reste loin devant ses trois poursuivants. Ces quatre premiers mondiaux ont des chiffres d'affaires quatre fois plus élevés que les deux Français aux cinquième et sixième rangs, respectivement Ceva et Virbac dont les ventes 2019 dépassent néanmoins un milliard $.

Elanco au sixième rang en France

En France, le rachat de Bayer permettrait à Elanco de se hisser au sixième rang avec près de 9 % de part de marché sur le périmètre dit « AIEMV » qui inclut aussi les ventes de petfoods dits « vétérinaires ».

Sur le périmètre de l'association AIEMV qui collecte les statistiques de vente des entreprises adhérentes, Elanco et Bayer sont de taille similaire en France de l'ordre de 4 à 4,5 % du marché vétérinaire. Source infographie : LeFil.