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4 août 2020

Des pollutions industrielles prédisposent au lymphome canin… chez le boxer au moins

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Le résultat du test des comètes, qui mesure les dommages causés sur l'ADN des leucocytes par un agent génotoxique, ne montre pas de différence significative entre le groupe des boxers et le groupe témoin (chiens d'autres races). Il ne révèle donc pas d'influence de la présence de variants moins fonctionnels des glutathion-S-transférases (source Craun et al., JVIM, 2020).
Le résultat du test des comètes, qui mesure les dommages causés sur l'ADN des leucocytes par un agent génotoxique, ne montre pas de différence significative entre le groupe des boxers et le groupe témoin (chiens d'autres races). Il ne révèle donc pas d'influence de la présence de variants moins fonctionnels des glutathion-S-transférases (source Craun et al., JVIM, 2020).
 

Le boxer fait partie des races canines prédisposées au lymphome. C'est pourquoi une équipe de scientifiques américains l'a retenue pour une étude sur les facteurs de risque de la maladie chez le chien. Ils rappellent que chez l'Homme, le lymphome (non hodgkinien) est associé à une exposition récurrente à des produits chimiques présents dans l'environnement (benzène présent dans certains solvants pétrochimiques, fumée de cigarette ou gaz de pots d'échappement, pesticides, herbicides…), ainsi qu'à une variation génétique touchant des transférases : les glutathion-S-transférases (GST). Ils ont donc recherché s'il en était de même chez le boxer. Ce qui semble être le cas pour les facteurs environnementaux, mais pas ceux d'ordre génétique.

Plus de 50 paires de chiens

Au plan génétique, les GST sont effectivement impliquées dans la biotransformation de certains composés cancérigènes de l'environnement. Leur manquement, lorsque des variants moins actifs sont produits, aboutit à la persistance de toxiques pouvant endommager l'ADN. Pour leur étude, les chercheurs ont donc mesuré la prévalence d'allèles codant pour une série de variants de GST (en effectuant le génotypage des enzymes à partir d'un prélèvement d'ADN par écouvillonnage buccal) et la présence de lésions de l'ADN par le test des comètes (technique d'électrophorèse utilisée notamment pour mesurer les cassures induites directement par un agent génotoxique, et la réparation des dommages dans les cellules eucaryotes, ici les leucocytes à partir d'un prélèvement de sang).

Et ils ont comparé les résultats de deux groupes de chiens :

  • 54 boxers de divers âges, en bon état de santé (groupe des boxers) ;
  • 56 chiens d'autres races non prédisposées au lymphome (comme le berger allemand ou le golden retriever), et appariés par âge afin d'éviter les biais liés au vieillissement (groupe contrôle).

Moins de variants enzymatiques

L'analyse des génotypes des GST montre une moindre hétérogénéité dans le groupe des boxers, ce qui est habituel au sein d'une race en particulier par comparaison à un groupe de races différentes. Mais la prévalence de variants moins fonctionnels (de plus faible activité) était sans différence significative entre les deux groupes, voire plus élevée dans le groupe contrôle (et non celui des boxers).

La queue des comètes est équivalente

Par ailleurs, contrairement à l'hypothèse initiale des auteurs, l'endommagement de l'ADN (test des comètes) ne montre pas de différence significative chez les boxers (en bonne santé) et les chiens d'autres races (voir figure en illustration principale). Les dommages ne sont pas non plus corrélés à l'âge des chiens, ni associés à la prévalence des variants génétiques des enzymes GST.

Selon les auteurs, ces résultats ne renforcent donc pas l'hypothèse que le risque de lymphome chez le boxer serait lié, comme il pourrait être supposé, à l'accumulation de dommages sur l'ADN des cellules.

Que des boxers en seconde partie

Pour la seconde partie de leur étude, les scientifiques ont à nouveau recruté deux groupes de chiens, mais tous des boxers cette fois :

  • 63 cas de lymphome, quels qu'en soient la gravité (stade) et l'étape du traitement (8 ans d'âge médian) ;
  • 89 boxers âgés de plus de 10 ans et indemnes de la maladie (âge médian : 10,5 ans).

Un génotypage des GST a à nouveau été effectué, ainsi que l'évaluation de l'environnement de vie durant l'année précédant le diagnostic du lymphome (ou précédant le recrutement dans l'étude pour les chiens non atteints) : zone urbaine ou rurale, trafic automobile, source de l'eau d'abreuvement, usage d'insecticides ou d'herbicides dans la propriété, présence de fumeurs dans l'entourage du chien, proximité de sites potentiellement polluants (incinérateur, décharge, dépôt de bus, ferme, usine chimique, mine de charbon, etc.).

Pollution industrielle

Les résultats du génotypage des GST ne détectent pas d'association entre la présence d'un lymphome et celle d'aucun des variants recherchés. L'étude ne confirme donc pas l'existence de facteur de risque de type génétique pour la maladie.

Sur les risques environnementaux, en revanche, elle identifie une corrélation significative entre le lymphome et la vie à proximité de trois types de sites potentiellement polluants (situés dans un rayon de 2 à 10 km de l'habitation) :

  • Une centrale nucléaire,
  • Une usine chimique,
  • Un crématorium.

Mais la proximité de ces sites n'est pas associée à la présence de variants enzymatiques chez les chiens. Et les autres paramètres étudiés, comme un environnement urbain ou caractérisé par un trafic routier intense, ou la proximité d'autres sites industriels que chimiques (industrie textile par exemple), ne présentent pas de corrélation avec les cas de lymphome.

Pour les auteurs, ces observations, qui restent à confirmer, suggèrent que comme chez l'Homme, une exposition répétée à certains déchets industriels et chimiques rejetés dans l'environnement constituerait un facteur de risque de lymphome chez le boxer, et plus globalement chez le chien.