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28 juillet 2020

L'hypertension est très fréquente lors d'insuffisance rénale aiguë du chien. Une rétinopathie secondaire l'est heureusement moins.

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Parmi les lésions observées à l'examen du fond d'œil, une hémorragie rétinienne était systématique, associée à diverses autres anomalies comme un décollement de la rétine (source Cole et al., JVIM, 2020).
Parmi les lésions observées à l'examen du fond d'œil, une hémorragie rétinienne était systématique, associée à diverses autres anomalies comme un décollement de la rétine (source Cole et al., JVIM, 2020).
 

Le premier objectif de l'étude était d'établir la prévalence de l'hypertension systémique lors d'insuffisance rénale aiguë (IRA) chez le chien. Il est atteint, et montre que cette complication est fréquente : une pression artérielle supérieure à 160 mmHg est mesurée dans 75 % des cas.

Un tel chiffre était attendu des auteurs de cette étude prospective, menée à la clinique de référés du Royal Veterinary College à Hatfield en Angleterre (Queen Mother Hospital for Animals).

Suivi quotidien

L'étude a inclus de manière prospective 52 cas, reçus donc en référé (entre juillet 2016 et novembre 2018) et présentant une IRA, diagnostiquée et classée suivant les recommandations de l'IRIS (International Renal Interest Society). Ses résultats sont publiés en libre accès dans le JVIM.

Les chiens ne devaient pas présenter de signe (notamment à l'échographie des reins) ni d'historique de maladie rénale chronique. Ils ne devaient pas non plus être affectés d'une maladie susceptible d'être associée à une hypertension systémique, ou recevoir un traitement agissant sur la pression artérielle.

Durant l'hospitalisation, la pression artérielle était mesurée au moins une fois par jour (suivant une technique standardisée). Le seuil retenu pour caractériser une hypertension était de 160 mmHg (elle est considérée comme « sévère » à partir de 180 mmHg).

Divers autres paramètres étaient mesurés ou suivis, en particulier la quantité d'urine émise et le rapport protéines/créatinine urinaires ; des signes de surcharge volémique étaient recherchés quotidiennement.

Une hypertension dès l'admission à 54 %

Les résultats montrent que dès l'admission, plus de la moitié des chiens (28/52 soit 54 %) présentent une hypertension. Et cette hypertension est sévère (>180 mmHg) pour 43 % d'entre eux (12/28).

Sur la durée de l'hospitalisation, la prévalence atteint 75 % (39 chiens sur 52), avec une hypertension sévère à 56 % (22/39). En pratique, ces chiffres justifient un suivi régulier de la pression artérielle chez les chiens en état d'insuffisance rénale aiguë.

À noter que les causes primaires de l'IRA étaient très variées. Les trois plus fréquentes (6 cas chacune) étaient une leptospirose, un traitement AINS et une hypercalcémie.

7 rétinopathies d'origine hypertensive

Chez 43 chiens, un fond d'œil a également réalisé dans les 48h suivant l'admission, afin de rechercher une anomalie oculaire signant la survenue d'une « lésion d'organe cible » (LOC) consécutive à l'hypertension. Une rétinopathie est ainsi observée dans 9 cas, dont 7 présentant une hypertension. La prévalence de l'affection est ainsi de 16 %, soit dans les proportions attendues par les auteurs de l'étude. Selon ces derniers, cette prévalence est tout de même potentiellement sous-estimée car tous les chiens n'ont pas été examinés, et l'examen ophtalmologique n'a pas été répété durant l'hospitalisation. Un tel examen demeure toutefois conseillé lors d'IRA. Chez les individus atteints, une hémorragie rétinienne était systématiquement observée (voir photo en illustration principale), associée à diverses autres lésions (hyphéma, décollement de la rétine…).

De même, une hypertrophie ventriculaire gauche, autre LOC connue, a été détectée post-mortem chez 4 chiens parmi les 12 autopsiés, dont 3 ayant présenté une hypertension.

Pas de lien avec la gravité de l'insuffisance rénale

Le second objectif de l'étude était de rechercher un éventuel lien entre l'hypertension et la gravité de l'insuffisance rénale, et d'identifier d'autres facteurs associés.

Ici encore, les hypothèses des auteurs se vérifient. C'est-à-dire que l'hypertension survient indépendamment du stade de l'IRA (selon la classification IRIS), s'agissant du stade à l'admission comme de son évolution durant l'hospitalisation. En d'autres termes, « une hypertension peut survenir à chacun des stades d'IRA ». Et elle n'augmente pas le risque de mortalité. Chez le chat, en effet, il a été établi précédemment que « la présence d'une hypertension lors d'IRA n'a pas d'effet sur la survie ».

Ici, 24 chiens sont morts ou ont été euthanasiés durant leur séjour à l'hôpital, ce qui chiffre la mortalité à 46 %. 3 chiens ont également été rendus à leur propriétaires, mais en vue d'une euthanasie à domicile (et 5 autres sortis vivant de l'hôpital mourront dans les 3 mois). Mais il n'existe pas d'association significative entre mortalité et hypertension. Cette absence de lien est toutefois à moduler, compte tenu des traitements antihypertenseurs instaurés chez les chiens atteints, « qui ont pu masquer l'impact de l'hypertension sur la survie ».

Parmi les survivants, 5 chiens sont morts dans les 3 mois ; mais à nouveau, l'hypertension n'est pas associée à la survie à 3 mois.

Un lien indirect avec la mortalité

En revanche, une corrélation entre hypertension et surcharge volémique à l'admission est mesurée. Une surcharge volémique est effectivement détectée chez 23 % des chiens (12 cas) dès leur prise en charge. Elle apparaîtra aussi dans les jours suivants chez 10 cas supplémentaires (19 % des chiens), mais sans corrélation significative cette fois avec l'hypertension.

Cette surcharge volémique, dans son ensemble, est significativement associée à la mortalité. Ce qui justifie de porter une attention particulière à la fluidothérapie lors d'IRA. Et ainsi, finalement, l'hypertension est corrélée à la surchage volémique, elle-même corrélée à la mortalité.

Aucun autre paramètre n'est trouvé associé à la pression artérielle : créatininémie à l'admission, hypoalbuminémie (présente chez 59 % des chiens lorsque mesurée), rapport protéines/créatinine urinaires (>0,5 à 77 %), oligurie (observée pour 42 % des cas), durée de l'hospitalisation pour les survivants…