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25 mai 2020

Mirataz°, la pommade transdermique de mirtazapine pour les chats en perte d'appétit autorisée en Europe

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

Résultats sur le gain de poids en %
Dans le principal essai clinique, la centaine de chats traités Mirataz° pendant 14 jours récupèrent davantage de poids, + 3,9 % en moyenne par rapport au placebo à + 0,4 % (p < 0,0001). Même si les écarts-types sont élevés, dans le groupe traité, pour presque un chat sur deux (45 %), le gain de poids est supérieur à 5 % contre un chat sur quinze dans ce cas dans le groupe placebo. Source : Poole et coll (référence 3).
Résultats sur le gain de poids en %
Dans le principal essai clinique, la centaine de chats traités Mirataz° pendant 14 jours récupèrent davantage de poids, + 3,9 % en moyenne par rapport au placebo à + 0,4 % (p < 0,0001). Même si les écarts-types sont élevés, dans le groupe traité, pour presque un chat sur deux (45 %), le gain de poids est supérieur à 5 % contre un chat sur quinze dans ce cas dans le groupe placebo. Source : Poole et coll (référence 3).
 

Comment nourrir un chat malade qui refuse de s'alimenter ? La réponse n'est pas simple. Il n'est pas possible de lui faire avaler de force des aliments, même s'ils sont très appétents. Quant à imaginer une prise orale d'un médicament orexigène… Un chat qui refuse de s'alimenter refuse tout autant ces prises orales. Il recrache plus ou moins vite ces comprimés une fois que nous avons le dos tourné. « Les chats sont fourbes » ont dit les experts de médecine féline lors d'une réunion de consensus. « Ils nous trompent souvent ».

C'est pour répondre à ces situations que le petit laboratoire américain Kindred Biosciences (voir ce lien) commercialise aux USA depuis 2018, Mirataz°, une pommade transdermique de mirtazapine qui s'applique sur la face interne de l'oreille. Depuis quelques semaines, ce médicament orexigène bénéficie d'une AMM européenne centralisée valable en France comme dans les autres pays de l'UE. C'est le premier médicament orexigène autorisé en Europe chez les chats et avec une telle forme galénique transdermique inédite pour faciliter l'observance sur ces chats « fourbes » qui ne s'alimentent pas ou peu.

Le lancement de Mirataz° racheté par Dechra n'est pas encore planifié

Le 16 mars dernier, KindredBio a annoncé céder à Dechra pour 43 millions de dollars (40 millions €) tous les droits de commercialisation de Mirataz° dans le monde : USA, Europe et autres pays (voir ce lien). L'an dernier, aux USA, les ventes de Mirataz° se sont élevées à 4,15 millions de dollars (3,8 millions €). Ce rachat ne devrait être effectif qu'en juin pour les USA. Pour la France et l'Europe, où la pommade est autorisée mais pas encore disponible, son lancement commercial n'est pas encore planifié. Néanmoins, à moyen terme, cette pommade orexigène pour chats devrait être accessible aux vétérinaires de France.

La mirtazapine est déjà utilisée comme orexigène pour les chats par les vétérinaires en France en ayant recours, dans le cadre de la cascade, à un quart ou un huitième d'un comprimé par chat dosé à 15 mg pour la médecine humaine (soit des doses quotidiennes comprises aux alentours de 2 à 4 mg par chat).

Une dose de pommade de 2 mg/j de mirtapazine dans l'oreille

Mirataz° se présente sous la forme d'un petit tube de 5 g de pommade dosée à 20 mg/g de mirtapazine (soit 100 mg au total). La dose journalière est de 2 mg de mirtazapine par chat soit 0,1 g ou 3,8 cm de pommade. Une petite réglette associée au conditionnement permet de mesurer cette longueur de pommade sur son doigt ganté.

Un tube peut donc de traiter un chat pendant environ 50 jours, mais ne se conserve que 30 jours après ouverture. La durée du traitement recommandée dans le RCP (résumé officiel des caractéristiques du produit) est de 14 jours en Europe. Un tube devrait donc largement suffire pour un chat. La pommade s'applique en portant des gants sur la face interne d'une oreille (sur une peau saine). Les gants permettent évidemment de prévenir un éventuel effet orexigène sur l'utilisateur de la pommade.

Une biodisponibilité de 34 % en moyenne avec un effet flip-flop

La biodisponibilité de cette forme transdermique est évaluée à 34 % (de 6,5 % à 89 %) versus 65 % pour une forme orale (de 40 à 128 %). L'élimination est plus lente pour la forme transdermique (demi-vie de 25,6 heures ± 5,5 h) que pour la voie orale (8,6 heures ± 3,9 h). Cette plus lente élimination est sans doute le reflet d'une plus lente absorption transdermique de la mirtazapine. Le pic plasmatique (Cmax) est atteint en 16 heures. C'est l'effet « flip-flop » bien connu des pharmacocinéticiens. Lorsque la vitesse d'absorption est plus lente que l'élimination, la demi-vie d'élimination mesure en fait l'absorption et non l'élimination qui est une constante de la substance active indépendante de la forme galénique.

Une prise de poids de 140 à 150 g sur 14 jours

Mirataz° est officiellement indiqué chez les chats (âgés de plus de 7,5 mois et de plus de 2 kg) « pour favoriser la prise de poids lors d'un manque d'appétit et d'une perte de poids résultant d'une affection chronique ». Le RCP précise que, dans les essais terrains, les chats présentant une perte de poids ≥ 5 % (cliniquement significative) ont repris du poids en 14 jours de traitement : + 3,4 % de gain de poids soit en moyenne 130 grammes de plus que le placebo (à + 10 grammes, soit + 0,4 %). Cet écart est hautement significatif [p < 0,0001]. Le RCP souligne aussi la nécessite de traiter la maladie chronique à l'origine de la perte de poids et pas seulement la perte de poids associée à cette maladie.

Deux études cliniques terrain ont été réalisées aux USA contre placebo (la même pommade avec les seuls excipients). La première étude porte sur seulement 32 chats (2 x 16) amaigris par une affection chronique (insuffisance rénale chronique, hyperthyroïdie…) avec une perte de poids > 5 %. Dans cet essai, le traitement est appliqué pendant 28 jours. À J14, 90 % des chats traités ont un appétit augmenté (vs 30 % pour le placebo). Le gain de poids est de 3,25 % (en moyenne 140 g, 150 g en médiane), soit entre – 2 % et + 8 % selon les chats. Dans le groupe placebo, les chats ont continué à perdre du poids : -1,65 % en moyenne.

75 % des chats traités reprennent du poids versus 40 % avec le placebo

La seconde étude sur 14 jours porte sur un plus grand nombre de chats, 230 (soit 2 x 115) (voir ce lien). À l'inclusion, les pertes de poids (≥ 5 %) sont associées à des affections chroniques : insuffisance rénale dans 36,5 % des cas, vomissements 26 %, hyperthyroïdie 16 %, affections dentaires 13 % et buccodentaires 12 %, arthrose 11 %, urémie 11 % etc. L'âge moyen est de 14 ans pour un poids de 4,2 kg. Après exclusion des écarts au protocole, l'analyse porte sur 177 chats (83 Mirataz°, 94 placebo). Le gain de poids est de 150 g (+ 3,94 %) en moyenne dans le groupe traité (200 g en médiane) vs 10 g (+0,41 %) dans le groupe placebo (0 g en médiane). Les trois quarts des chats traités (75,9 %) ont pris du poids versus 40,4 % des chats placebo. Presque un chat traité sur deux (45 %) présente un gain de poids supérieur à 5 % (vs 6,4 % dans le lot placebo).

Les effets indésirables de l'application auriculaire dans 60 % des cas

Dans cet essai, l'application auriculaire conduit à observer de nombreux effets indésirables associés, davantage même avec le placebo (65 %) avec la mirtazapine (61 %). Il s'agit d'abord de réactions locales au site d'application — érythème, croûtes, résidus, desquamation, irritation, dermatite, prurit — et de réactions comportementales de défense : miaulements, hyperactivité, léthargie, ataxie, désorientation, agressivité. Il a été observé deux fois plus de réactions au point d'application avec les excipients seuls qu'avec la mirtazapine (31 % vs 15 %). En revanche, les réactions comportementales, notamment les miaulements, avec Mirataz° qu'avec le placebo.

Des chats ont aussi présenté des vomissements (13 % avec le placebo, 11 % avec la mirtapazine), de la polyurie, une urémie ou une déshydratation. Plus d'un tiers des chats de cet essai présentent déjà, dès l'inclusion, une insuffisance rénale chronique et un quart des vomissements.

L'ensemble des effets indésirables de Mirataz° et du placebo (les seuls excipients) rapportés dans la seconde étude terrain sur 230 chats sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Incidence des effets indésirables avec Mirataz et le placebo dans l'essai terrain

Ce tableau compile tous les effets indésrables rapportés dans le principal essai clinique (Poole et coll, référence 3).

Enfin, la mirtazapine étant toxique pour la reproduction chez le rat et le lapin, il est recommandé de ne pas l'utiliser chez les chats reproducteurs, les chattes gestantes ou allaitantes.