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6 avril 2020

SARS-CoV-2 : la sérologie confirme que les chats exposés à leur maître infecté peuvent contracter l'infection – et se comporter en culs-de-sac épidémiologique

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Résumé des résultats de sérologie présentés dans le manuscrit sur la réponse sérologique de chats prélevés pendant l'épidémie humaine de Covid-19 à Wuhan. En vironeutralisation (VN), plus la dilution est élevée et plus le titre en anticorps neutralisants l'est aussi (LeFil, d'après Zhang et coll., 2020).
Résumé des résultats de sérologie présentés dans le manuscrit sur la réponse sérologique de chats prélevés pendant l'épidémie humaine de Covid-19 à Wuhan. En vironeutralisation (VN), plus la dilution est élevée et plus le titre en anticorps neutralisants l'est aussi (LeFil, d'après Zhang et coll., 2020).
 

Les chats présentant les titres sérologiques les plus élevés vis-à-vis du SARS-CoV-2 sont ceux qui ont été en présence d'un maître infecté par le Covid-19. Telle est en substance la seule conclusion ferme qui peut être tirée d'un manuscrit publié en ligne le 3 avril par des enseignants-chercheurs au collège de médecine vétérinaire de Wuhan (Chine) et du « laboratoire des pathogènes spéciaux de l'académie chinoise des sciences » localisé dans la même ville.

Équipements individuels de protection

Le manuscrit décrit l'analyse – par trois techniques différentes – du sérum de 102 chats prélevés pendant l'épidémie (de janvier à mars 2020), et dont 11 sont trouvés positifs par une vironeutralisation, méthode peu discutable. Avec cette méthode, le titre en anticorps neutralisants est donné par la dernière dilution du sérum du sujet fournissant la neutralisation du virus : plus la dilution est élevée et plus le titre est élevé. Sur les 102 sérums de chats analysés par un Elisa développé par cette équipe (voir ci-dessous), 15 ont été trouvés positifs. L'origine des chats n'est précisée par les auteurs que pour ces 15 chats : ils provenaient soit de refuges (n=6) et étaient errants auparavant, soit d'hôpitaux vétérinaires (n=9), dont trois avaient un maître infecté par le Covid-19. Dans tous les cas, ces animaux ont été prélevés par des opérateurs « revêtus d'un équipement individuel de protection comprenant charlotte, lunettes, masque FFP2, gants et cottes à usage unique ».

Aucun positif en RT-PCR

Chacun des 39 chats a aussi fait l'objet d'un écouvillonnage nasal et d'un écouvillonnage rectal, qui ont été analysés en RT-PCR, à la recherche de deux des gènes du virus. « Aucun des prélèvements n'a fourni de résultat positif pour les deux gènes », indiquant que, si du génome viral était présent, il était endommagé (une seule des deux RT-PCR positives). Ainsi, l'hypothèse la plus vraisemblable est que soit la charge génomique présente dans les écouvillons était trop faible, soit que les chats n'étaient pas excréteurs du virus. Bien que les auteurs ne précisent pas depuis combien de temps les chats de maîtres infectés étaient hospitalisés, ce résultat va dans le sens d'une excrétion a priori limitée par les chats qui ont été infectés.

Chats infectés

Car la vironeutralisation (VN) comme le Western Blot, deux tests de référence en sérologie (non automatisables) confirment que les trois chats dont les maîtres avaient été infectés ont un taux élevé d'anticorps neutralisants : ils ont bien été infectés eux-mêmes. Pour les autres animaux, seuls les résultats cohérents entre Elisa et VN sont interprétables dans le sens d'une infection (8 autres chats, voir l'illustration principale). Mais là encore aucune information clinique n'est disponible quant à ces animaux, dont la moitié provenaient de refuges et l'autre de structure vétérinaire. Le fait que des chats en refuge soient trouvés positifs pourrait être lié soit à l'abandon par des maîtres malades (exposition précédant leur recueil), soit à une contamination environnementale importante – ou, suggèrent encore les auteurs « par la personne les nourrissant » lorsqu'ils étaient errants. Pris ensemble, ces éléments renforcent « la suspicion que la contamination des chats est d'origine humaine ».

Trois méthodes

Pour la sérologie, les auteurs ont mis au point :

  • un Elisa antigène qui détecte les IgG spécifiques de la partie de la spicule du SARS-CoV-2 reconnaissant le récepteur cellulaire ACE2 (cette partie de la protéine S est nommée RBD). L'intérêt de ce test est que l'antigène utilisé pour la détection est fabriqué à partir de bactéries recombinantes (pas de manipulation d'agent infectieux). Les auteurs ont utilisé 39 sérums de chats prélevés « avant l'épisode du Covid-19 » (entre mars et mai 2019, sérothèque), n'ayant a priori pu être en contact avec le virus. Ces sérums ont été utilisés pour fixer la valeur seuil de l'Elisa (absorbance de 0,091 à 0.261, valeur seuil à 0,32).
  • Un test de vironeutralisation, utilisant le virus lui-même (et qui impose de pouvoir le cultiver en milieu sécurisé) : si le sérum testé contient des anticorps anti-SARS-CoV-2 (en titre suffisant), le virus est inactivé. La dernière dilution à laquelle l'inactivation est observée donne le titre : plus la dilution est élevée, plus le sérum de départ contenait d'anticorps neutralisants.
  • Un test western blot (la référence) à partir de deux protéines (S et N) du virus, avec comme révélateur des IgG de chèvre anti-IgG de chat (et de souris anti-IgG humaine, voir plus bas). Pour ce tes, ils ont utilisé un sérum de patient humain convalescent (titre de vironeurtalisation à 1/1280), qui fournit un résultat positif ; les trois sérums de chats de titre le plus élevé en VN, qui fournissent chacun un résultat positif ; un des sérums de chat négatifs par les deux autres techniques, qui fournit un résultat négatif et un sérum humain négatif pour le virus, qui fournit là aussi un résultat négatif.

Deux sérums « hyperimmuns au regard du virus de la péritonite infectieuse féline » (l'un au regard du type I, l'autre au regard du type II) ont également été utilisés pour l'Elisa. Les auteurs indiquent qu'aucun de ces deux sérums « n'a présenté de réaction croisée » avec l'Elisa, mais ils ne fournissent pas de valeur d'absorbance (ni dans le texte, ni dans le graphique)… Ce qui est encore trop peu pour valider la spécificité de leur Elisa. Logiquement, ces deux sérums sont négatifs en vironeutralisation, confirmant que les deux virus (PIF et SARS-CoV-2) sont nettement différents.