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1er avril 2020

Covid-19. Le chat belge positif ne l'a peut-être pas été par sa propriétaire mais par ses poissons rouges

par Eric Vandaële

Temps de lecture  4 min

Les chats aiment jouer avec les poissons rouges
Pour la première fois, les experts belges ont isolé un coronavirus, celui du covid-19, chez des poissons, en l'occurrence un poisson rouge, le carassin doré originaire de Chine. Photo. Amazon.com.
Les chats aiment jouer avec les poissons rouges
Pour la première fois, les experts belges ont isolé un coronavirus, celui du covid-19, chez des poissons, en l'occurrence un poisson rouge, le carassin doré originaire de Chine. Photo. Amazon.com.
 

Les experts vétérinaires belges et le nouveau coronavirus à l'origine de la pandémie covid-19 nous réservent encore bien des surprises. L'agence belge en charge de la santé animale, l'Afsca, équivalent de l'Anses en France, vient d'apporter de nouvelles précisions sur l'histoire de ce chat confirmé infecté (voir LeFil du 27 mars). Le cas date toutefois d'une dizaine de jours ce qui permet désormais de disposer des résultats surprenants des autres analyses.

Un chat confiné malade une semaine après un retour d'Italie

La première hypothèse — la plus évidente initialement — est celle de la contamination par sa propriétaire confirmée infectée et confinée près de Bruxelles. Selon le rapport du comité scientifique de l'Afsca, « ce chat vivait confiné avec sa propriétaire de retour d'Italie » (page 12 du rapport de l'Afsca). Alors qu'il avait l'habitude de sortir à l'extérieur de l'immeuble, le chat enfermé dans un appartement « est tombé malade une semaine plus tard en présentant des signes d'anorexie, de diarrhée, de vomissements, de toux et de dyspnée compatibles avec une infection par un coronavirus (signes digestifs et respiratoires) ». Le chat s'est révélé positif pour ce nouveau coronavirus en PCR sur des prélèvements de fèces et de sécrétions gastriques (le « vomi »).

Le chat guérit en neuf jours

« Neuf jours après le début des symptômes, l'état général du chat était, comme celui de sa propriétaire en quarantaine, en nette amélioration ».

« La découverte de ce virus dans le contenu de l'estomac et les matières fécales du chat doit être interprétée avec une extrême prudence » répétaient alors les experts belges. « Les chats sont constamment caressés, se lèchent fréquemment les pattes, le pelage… Le matériel génétique de sa propriétaire et de l'environnement contaminé a pu facilement pénétrer dans le tractus gastro-intestinal ». Ces détections positives ne signifient pas que le chat ait développé sa propre infection par le coronavirus, souligne l'Afsca, même si les signes cliniques peuvent le laisser croire. Une séroconversion pourrait permettre de le vérifier a posteriori.

Un poisson rouge positif aussi en PCR

En examinant le « vomi » du chat contaminé, les experts belges ont découvert des morceaux d'un petit poisson rouge que le chat avait tenté d'ingérer. La propriétaire a en effet confirmé que, comme elle, le chat confiné s'ennuyait dans l'appartement exigu sans pouvoir en sortir. Pour se distraire, il avait pris pour cible les poissons rouges de l'aquarium et finit par en attraper un, puis par l'ingérer.

Un expert a eu alors la curieuse idée de rechercher par PCR le virus dans l'eau de l'aquarium et sur un des poissons rouges « survivants » aux jeux et à l'appétit de ce chat. Les résultats de ces analyses viennent d'être révélés. L'eau s'est avérée négative en PCR. Mais, surprise, le virus est retrouvé sur le poisson rouge de l'espèce classique : le carassin doré ou Carassius auratus.

En Chine, les poissons rouges sont élevés pour leur chair

Comme pour le chat, ce résultat positif ne signe pas avec certitude une infection, mais une contamination. Néanmoins, contrairement aux chats, les poissons rouges n'ont pas l'habitude d'être caressés par leurs propriétaires, ni de se lécher les écailles. L'infection est donc ici l'hypothèse la plus probable.

Le scénario pourrait dont être le suivant. La propriétaire confinée, qui ne portait pas de masque au début de la maladie, aurait, en toussant, contaminé l'eau de l'aquarium par le virus. Il aurait ensuite infecté ces poissons. Dans l'eau, le virus ne survivrait que quelques heures, d'où les analyses négatives de l'eau. Le chat aurait donc pu être contaminé soit par le poisson rouge qu'il a ingéré, soit par sa propriétaire. Personne ne le sera sans doute jamais. Aucun des poissons rouges de cet aquarium ne présentait de signe de maladie.

Le premier coronavirus détecté chez un poisson

Cette découverte fortuite est d'autant plus étonnante qu'aucun coronavirus n'avait été isolé sur des poissons. Jusqu'à présent, les coronavirus infectent seulement les oiseaux — le premier coronavirus isolé est celui de la bronchite infectieuse aviaire en 1930 — et les mammifères, notamment les porcs, les chats avec la PIF et bien sûr l'espèce humaine. Ce virus du covid-19 est d'ailleurs le septième coronavirus pathogène pour l'homme.

Cette découverte des experts interroge aussi jusqu'à l'origine de ce virus en Chine. En effet, les poissons rouges sont des carassins dorés (Carassius auratus) sélectionnés en Chine à partir des carassins communs qui y sont élevés, aussi pour leur chair dans la région de Wuban.

Jusqu'à présent, la voie alimentaire a toujours été exclue dans les contaminations interhumaines. Néanmoins, le premier passage de l'animal à l'homme reste mystérieux. Et si poisson rouge succédait au pangolin. Voir la conclusion sur ce lien.