titre_lefil
logo_elanco

31 mars 2020

Pas de protéinurie transitoire liée au stress chez le chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Niveau de stress chez les chiens selon leur situation, d'après leur propriétaire (notation sur une échelle de 0 à 10). Les scores vont croissants depuis le prélèvement d'urine à la maison jusqu'à la consultation au centre hospitalier vétérinaire (source : Citron et al., JVIM, 2020).
Niveau de stress chez les chiens selon leur situation, d'après leur propriétaire (notation sur une échelle de 0 à 10). Les scores vont croissants depuis le prélèvement d'urine à la maison jusqu'à la consultation au centre hospitalier vétérinaire (source : Citron et al., JVIM, 2020).
 

Le stress du trajet pour aller chez le vétérinaire puis l'effet « blouse blanche » sur place lors du prélèvement d'urines pourraient causer artificiellement une protéinurie transitoire chez le chien, et ainsi biaiser le diagnostic de maladie rénale. Pour évaluer ce potentiel artefact, une étude prospective a été menée chez des chiens en bonne santé. Chacun s'est vu prélever des urines à domicile puis chez le vétérinaire, afin de comparer les résultats de leurs analyses. Ceux-ci ne confirment pas l'existence présumée d'une telle protéinurie liée au stress. Alors qu'elle est documentée chez l'Homme. Cette protéinurie transitoire résulterait, entre autres, d'une altération de la perméabilité des glomérules rénaux, sous l'effet des prostaglandines et de neurohormones comme l'endothéline-1 libérées lors de stress émotionnel.

Deux prélèvements dans la même journée

Pour rechercher un potentiel phénomène similaire dans l'espèce canine, des cliniciens de deux hôpitaux vétérinaires américains, un privé (Washington) et un universitaire (Philadelphie) ont recruté 36 chiens. Ils ont mesuré le rapport cortisol/créatinine urinaires – marqueur de stress – ainsi que le rapport protéines/créatinine urinaires (RPCU) sur les échantillons d'urines récoltés. Et ils publient leurs observations en libre accès dans le dernier numéro du JVIM (mars 2020).

Les animaux étaient en bon état de santé apparent, sans maladie rénale connue ni autre trouble ou traitement pouvant affecter la concentration urinaire en cortisol.

Un prélèvement d'urines était effectué par le propriétaire, gardé au froid puis apporté au centre hospitalier où un nouveau prélèvement était effectué par l'équipe vétérinaire cette fois, à l'issue d'une consultation normale (bilan de santé, suivi), le même jour (dans les 12h suivantes). Le temps de trajet depuis le domicile était renseigné, de même que le « niveau de stress du chien », évalué par son maître, aux différentes étapes.

Les mesures des concentrations urinaires en cortisol, en créatinine et en protéines étaient effectuées dans les 24h. Une analyse « classique » était également effectuée (aspect des urines, densité, bandelette, examen microscopique du culot, etc.).

Le propriétaire perçoit le stress qui monte

Les résultats confirment d'abord que le chien manifeste un stress croissant, faible à domicile lors du premier prélèvement, en augmentation pendant le trajet (d'une durée de 30 minutes en médiane), puis encore en hausse lors de sa prise en charge au centre hospitalier. Les différences sont significatives entre chaque étape (voir graphique en illustration principale).

Cette perception des propriétaires est confirmée par les dosages de cortisol dans les urines. En effet, le rapport cortisol/créatinine est significativement plus élevé dans les échantillons prélevés par les vétérinaires. Individuellement, 30 des 36 chiens (83 %) présentent une telle augmentation du cortisol urinaire.

Mais pas de protéinurie transitoire

La comparaison entre les rapports protéines/créatinine urinaires des deux séries de prélèvements ne montre, en revanche, aucune différence significative. Il n'est pas observé d'augmentation de la seconde mesure par rapport à la première (qui aurait traduit une protéinurie transitoire de stress).

La grande majorité des chiens ont présenté des valeurs normales (RPCU < 0,2). Des valeurs limites (entre 0,2 et 0,5) ou correspondant à une protéinurie avérée (RPCU > 0,5) ont été relevées chez 8 individus (22 %), à l'une ou l'autre des mesures. Mais pour ces chiens aussi, pris séparément, la différence demeure non significative entre les résultats des analyses effectuées sur les 2 échantillons.

Pas de corrélation avec le cortisol ou le temps de transport

En outre, le RPCU n'apparaît pas corrélé avec le rapport cortisol/créatinine urinaires, ni pour les résultats des analyses des prélèvements effectués à la maison, ni pour ceux effectués au centre hospitalier, ni pour toutes groupées ensemble.

Le temps de trajet (pas plus que le temps passé dans l'établissement vétérinaire) n'influence pas non plus les résultats des mesures.

Les auteurs de ces travaux rappellent qu'ils ont recruté des chiens en apparente bonne santé. Il reste possible (au regard des observations d'autres études) que lors d'atteinte rénale, l'altération des glomérules prédispose à une protéinurie de stress. Il serait donc intéressant de mener une étude similaire chez des chiens protéinuriques afin de rechercher une éventuelle aggravation liée au stress.