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20 janvier 2020

Conduite à tenir vis-à-vis du FeLV et du FIV : il faut dépister et dépister encore

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

Selon l'AAFP, le diagnostic s'arrête à l'étape 1 si le résultat est cohérent avec le cas (contexte de vie et signes cliniques).
Selon l'AAFP, le diagnostic s'arrête à l'étape 1 si le résultat est cohérent avec le cas (contexte de vie et signes cliniques).
 

Leur dernière version datait de 2008. Les recommandations américaines sur les rétroviroses félines (FeLV et FIV) ont été mises-à-jour. Elles sont publiées en libre accès dans le numéro de janvier 2020 du Journal of Feline Medicine and Surgery. Élaborées par l'Association américaine des vétérinaires félins (AAFP), elles synthétisent les connaissances actuelles sur la pathogénie, le diagnostic, le traitement et la prévention de ces maladies.

Selon une large étude mondiale (68 pays), sur les résultats de tests sérologiques effectuées de 2008 à 2016, les prévalences du FeLV (antigènes) et du FIV (anticorps) sont similaires en Europe, variant de 7 % en Europe du nord à 12 % en Europe du sud. Elles sont plus faibles aux USA (4 % et 5 %, respectivement). Mais suffisamment élevées, globalement, pour que les auteurs considèrent qu'il est encore nécessaire d'améliorer la mise en œuvre des mesures de dépistage et de vaccination recommandées.

Dépister les infectés pour les isoler

Suite à l'infection par le virus FeLV, trois évolutions sont possibles : l'élimination du virus ou sa persistance, sous forme latente (suite ou non à une virémie transitoire) ou évolutive (le chat reste virémique). Selon les études les plus récentes, l'élimination du virus serait plus fréquente que précédemment supposé (20-30 % des cas), mais dépendante, entre autres, de la pression d'infection. L'infection latente peut se réactiver dans des délais très variables, éventuellement plusieurs années (même si le risque de réactivation diminue avec le temps). Le virus circule alors à nouveau dans le sang. Et « seuls les chats virémiques excrètent le virus […] et sont contaminants pour leurs congénères ».

L'infection par le virus FIV entraîne une phase dite aiguë, associée à des signes cliniques pouvant être discrets, suivie d'une phase asymptomatique, précédant éventuellement la phase clinique en lien avec l'immunodéficience induite. La plupart des chats se stabilisent toutefois en phase asymptomatique, qui peut ainsi durer de longues années mais pendant laquelle les individus sont contaminants car excréteurs.

Vis-à-vis des 2 virus, « la mesure de contrôle la plus importante est l'identification et l'isolement des chats infectés », estime l'AAFP. En termes de dépistages, le statut de chaque chat « à risque » mérite donc d'être connu. Et en pratique, il est conseillé d'effectuer des tests dans 4 contextes :

  • À l'acquisition de l'animal, « aussi vite que possible » ;
  • Suite à un contact avec un congénère infecté ou de statut FeLV-FIV inconnu ;
  • Avant la vaccination ;
  • En cas de manifestation de signes cliniques.

Prudence sur les faux-positifs plutôt que les faux-négatifs

Ce dépistage est généralement effectué par des tests rapides de type Elisa sur prélèvement de sang, recherchant les antigènes du FeLV ou les anticorps anti-FIV, bons indicateurs d'une infection.

Pour le FeLV, le test ne dépiste pas toujours les infectés latents. Les anticorps maternels ou la vaccination n'interfèrent pas avec le résultat. En revanche, « les tests sur prélèvement de salive ou de larmes sont déconseillés au regard de leur faible sensibilité ». Un test PCR sur prélèvement de salive peut toutefois être intéressant pour identifier les chats excréteurs (notamment en pool d'échantillons dans les collectivités).

Pour le FIV, l'analyse PCR ne détecte pas toujours la présence du virus (car la séquence virale peut être variable ou la charge virale trop faible). La présence d'anticorps maternels (jusqu'à l'âge de 6 mois) interfère avec le résultat du test rapide. La vaccination (non pratiquée en France) est susceptible d'interférer également. Et en phase terminale de l'infection par le FIV, les anticorps peuvent devenir indétectables (séquestrés dans les complexes antigène-anticorps).

Un résultat positif ayant des conséquences cliniques importantes, l'AAFP recommande de refaire les tests sur les chats à faible risque d'infection (chat d'intérieur, en apparente bonne santé), chez qui le risque de résultats faussement positifs est plus élevé que chez les chats plus exposés.

Le risque de faux-négatifs est plus faible (en lien avec la bonne sensibilité des outils diagnostiques). Exception faite des phases très précoces de l'infection : avant la virémie pour le FeLV (30 jours) ou la synthèse d'anticorps pour le FIV (60 jours).

En pratique, et en lien avec la pathogénie de l'infection, les tests sont intéressants à réitérer ou à compléter par d'autres tests dans une seconde étape diagnostique. Car l'interprétation du résultat tient compte du risque d'infection latente (FeLV) ou récente (non dépistée).

La démarche conseillée par l'AAFP est résumée dans la figure présentée en illustration principale. En cas de discordance dans les résultats, « le chat doit être considéré comme source potentielle d'infection jusqu'à ce que son statut soit clarifié ».

Vacciner tous les chatons contre le FeLV

Plusieurs facteurs augmentent le risque d'infection. Ils sont résumés dans le tableau ci-dessous.

 

La vaccination est un outil majeur de prévention contre le FeLV. Dans ses recommandations sur la vaccination (2013), l'AAFP la recommande chez tous les chatons (jusqu'à un an) et chez les adultes à risque. Les protocoles sont les suivants :

  • Primovaccination (dès l'âge de 8 semaines) : 2 injections à 3-4 semaines d'intervalle, suivies d'un rappel après un an ;
  • Rappels chez les adultes à risque : tous les ans en cas de risque élevé et tous les 2 ans si le risque est modéré.

De nombreux types de vaccins sont commercialisés. Toutefois, même s'ils « semblent apporter une protection contre la forme évolutive de l'infection […], il reste difficile d'évaluer [pleinement] leur efficacité ». La vaccination ne réduit pas l'importance du dépistage des individus infectés (d'autant plus qu'elle n'interfère pas avec les résultats des tests rapides). Elle ne présente pas d'intérêt thérapeutique ; elle est donc déconseillée chez les chats infectés.

Un vaccin inactivé contre le FIV est disponible dans certains pays mais pas en Europe.

Éviter les surinfections des chats infectés

Les chats infectés sont idéalement confinés dans leur habitation, afin d'éviter le risque de transmission à leurs congénères, mais aussi celui de contracter d'autres maladies infectieuses contre lesquelles leur système immunitaire affaibli pourrait manquer d'efficacité.

Les chats vivant avec un congénère infecté seront vaccinés. Et leurs interactions seront limitées au maximum, en réduisant par exemple les sources de conflit, en les stérilisant, etc.

La plupart des chats infectés par le FIV se stabilisent en phase asymptomatique. Leur longévité n'est finalement pas (ou peu) affectée. En revanche, l'espérance de vie des chats FeLV+ n'est que de quelques années.

La prise en charge des individus infectés commence par des mesures préventives, notamment un suivi médical régulier (tous les 6 mois au minimum). Une attention particulière sera apportée à l'examen de la bouche, des yeux de la peau et du système lymphatique, et à l'évolution du poids. Un bilan hématologique (tous les ans pour les chats FIV+ et deux fois par an pour les FeLV+) sera complété d'un bilan biochimique et urinaire annuel. Les chats seront traités contre les parasites externes et internes. Leur vaccination (contre les autres maladies) est décidée au cas par cas.

L'efficacité des traitements spécifiques reste à évaluer

Le traitement médical de ces maladies manque encore aujourd'hui de données fiables pour proposer des recommandations précises. L'efficacité des quelques options envisageables (antiviraux, immunomodulateurs), lors de manifestation clinique, reste insuffisamment évaluée. La stratégie repose donc surtout sur la prévention de l'évolution clinique de l'infection, et la réduction de la contamination des autres chats.

Lorsque des signes cliniques apparaissent, l'AAFP fait une distinction entre ceux directement liés à l'infection (lymphome, neuropathie…), ceux qui lui sont secondaires (maladies infectieuses, néoplasies, stomatite chronique) et ceux qui sont seulement concomitants (diabète, maladie rénale, etc.).

L'association propose également des recommandations spécifiques pour les chats vivant en collectivité (refuges, élevages, pages 17 à 20).