titre_lefil
logo_elanco

4 octobre 2019

Le virus du syndrome de thrombocytopénie, zoonose connue du bétail, vient de passer au chat, et du chat au… vétérinaire

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Frottis de moelle osseuse (cas humain de syndrome de thrombocytopénie à fièvre sévère, SFTS), où les macrophages phagocytent les plaquettes (coloration de May-Giemsa, ×400 -Kitao et coll., 2016).
Frottis de moelle osseuse (cas humain de syndrome de thrombocytopénie à fièvre sévère, SFTS), où les macrophages phagocytent les plaquettes (coloration de May-Giemsa, ×400 -Kitao et coll., 2016).
 

Un vétérinaire japonais d'une vingtaine d'années, qui a présenté une hyperthermie légère (38° C le premier jour) et des céphalées, a été hospitalisé dès le lendemain de l'apparition de ces symptômes, avec des signes d'infection aiguë (hyperthermie plus sévère), accompagnés de leucopénie et thrombocytopénie.

Piste féline

Un traitement « de soutien des fonctions vitales » a été mis en place et il est sorti de l'hôpital après 11 jours. Comme il avait soigné trois chats atteints de syndrome de thrombocytopénie à fièvre sévère (SFTS), une infection virale émergente en Asie du Sud-Est, et autopsié les deux sujets décédés, la suspicion diagnostique a été établie rapidement. Son dernier contact remontait, selon les sujets, entre 11 et 0 jours avant le début des manifestations clinique. Comme le virus SFTS est zoonotique, les outils de diagnostic moléculaire sont disponibles en Asie. La RT-PCR réalisée sur le sérum de ce patient prélevé le jour de l'admission était négative. Comme la suspicion était forte, l'analyse a été renouvelée sur du sérum prélevé les jours suivants – et cette fois-ci trouvée positive.

Équipement de protection

Les chats ayant eux aussi succombé de manière certaine à ce virus (voir plus bas), le mode de transmission à l'Homme a été investigué par les hygiénistes et épidémiologistes qui se sont penchés sur le patient. Ils ont pu déterminer que celui-ci portait des équipements de protection (gants, masque chirurgical et blouse à usage unique) pendant les autopsies, mais aussi pendant les soins, et qu'il ne s'était pas blessé au cours de ces actes. La preuve définitive de sa contamination via les chats vient du séquençage des amplicons de la RT-PCR réalisée sur les prélèvements issus des trois chats et du patients : ils sont parfaitement homologues. Enfin, les auteurs signalent que « une charge virale élevée était présente dans le sang, la salive et les excreta » des chats. Comme le vétérinaire ne portait pas de protection oculaire, et n'avait pas eu de morsures de tiques, les auteurs estiment qu'il s'agit « du premier cas confirmé de transmission directe du SFTSV du chat à l'Homme ».

Il était une fois en 2009, en Chine…

Le syndrome de thrombocytopénie à fièvre sévère (SFTS en anglais) est une infection virale émergente, d'abord décrite en Chine en 2011, à partir d'un épisode survenu en 2009 dans trois provinces. La maladie était alors limitée au milieu rural dont la première enquête cas-témoins, réalisée à partir des 422 cas confirmés sur 2011 dans ces provinces a montré un sur-risque significatif (p<0,01) :

  • x 4,5 pour les personnes qui avaient eu une morsure de tique sur les 2 semaines précédant les signes cliniques ;
  • x 2,6 pour les personnes possédant des bovins ;
  • x 2,3 pour les personnes travaillant dans les champs ;
  •  et x 2,1 pour les personnes possédant un/des chat(s).

Il est progressivement apparu que le virus peut être transmis à l'Homme par les tiques, mais aussi par voie aérienne (poussières, etc.) en lien avec les poussières.

Plus de 15 espèces

En 2017, des virologistes vétérinaires coréens décrivent la présence du virus SFTS chez des chiens (0,2 %) et des chats (0,5 %) de refuges en bonne santé. Là encore, ce résultat n'a pas attiré une attention particulière : les recherches ont surtout porté sur le spectre d'hôtes du virus, conduisant à la détection de ce virus l'année suivante chez le porc, puis chez la chèvre. Une synthèse bibliographique publiée début 2019 signalait même que 15 espèces animales avaient été trouvées réceptives au virus, dont les bovins, ovins et même les oies, poulets musaraignes, mais pas les chats…

Taux de létalité : 62,5 %

Les cas humains sont au cœur de l'histoire naturelle de ce virus depuis son identification en Chine, puis dans le reste de l'Asie du Sud-Est où il est considéré à la fois comme endémique et comme émergent. Le premier cas humain de SFTS (lié à des piqûres de tique) a été identifié au Japon fin 2012. Des cas de transmission directe – interhumaine – du virus ont déjà été décrits en milieu hospitalier. Mais c'est fin juillet qu'un nouveau chapitre s'est ouvert, avec la description de 24 cas félins de SFTS compilés à partir des consultations de référés à l'université de Kagoshima, depuis 2017. Tous ces chats ont présenté une dégradation brutale de leur état général, avec hyperthermie dans deux tiers des cas et vomissements dans un peu moins de la moitié des cas. Et, surtout, une létalité élevée (62,5 %). Cet article rapporte que l'origine de l'attention portée à l'infection chez les animaux de compagnie a démarré en « avril 2017, [quand] le ministère [japonais] de la Santé avait déjà publié une notification sur un chien et un chat présentant fièvre et asthénie et trouvés infectés par le virus SFTS, et dont par la suite les maîtres [respectifs] ont aussi été diagnostiqués infectés par ce virus ». Depuis, les praticiens suspectent aisément ce virus, au point que les 24 cas ont été obtenus à partir de 123 envois de prélèvements sur suspicions cliniques. Les investigations sont réalisées en sérologie ou en RT-PCR, et confrontées aux résultats des paramètres biochimiques et hématologiques (élévation de la bilirubine totale, de la créatine phosphokinase de la sérum amyloïde alpha).