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9 septembre 2019

Émergence d'une diarrhée hémorragique canine d'origine inconnue, en Norvège

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Une diarrhée hémorragique sévère (à fatale) a émergé en Norvège il y a trois semaines. Les provinces où des cas de symptomatologie comparable sont enregistrés par l'institut vétérinaire norvégiens sont figurées en rouge (à gauche). Clostridium perfringens et Providencia alcalifaciens (cliché de droite) ont été identifiées en quantités anormalement élevées dans le contenu intestinal des cas (carte : LeFil, d'après vetinst.no, cliché de P. alcalifaciens : CDC/ Pete Wardell).
Une diarrhée hémorragique sévère (à fatale) a émergé en Norvège il y a trois semaines. Les provinces où des cas de symptomatologie comparable sont enregistrés par l'institut vétérinaire norvégiens sont figurées en rouge (à gauche). Clostridium perfringens et Providencia alcalifaciens (cliché de droite) ont été identifiées en quantités anormalement élevées dans le contenu intestinal des cas (carte : LeFil, d'après vetinst.no, cliché de P. alcalifaciens : CDC/ Pete Wardell).
 

L'affaire est suffisamment sérieuse pour que l'Autorité norvégienne de sécurité sanitaire des aliments (équivalent de l'Anses) ait publié un communiqué de presse en anglais sur son site le 6 septembre : une diarrhée hémorragique sévère est signalée par les praticiens canins du pays depuis « plusieurs semaines ». Dans ce communiqué, l'autorité norvégienne « recommande aux propriétaires de limiter les contacts entre chiens et de les garder en laisse pour en avoir le contrôle ». Car la cause de cette affection « n'est pas encore connue », mais « l'état des chiens se détériore rapidement » une fois les premiers signes cliniques apparus. « Certains vomissent » et « certains meurent ». Si le communiqué de l'institut vétérinaire norvégien mis à jour le 8 septembre à 17 h (en norvégien) ne mentionne pas de chiffres, il indique que les cas sont « nombreux ».

Maladie sévère

L'institut vétérinaire norvégien a réalisé le 6 septembre « l'autopsie des trois premiers cas » décédés de l'infection et qui lui sont parvenus. La cause du décès « n'a pas été identifiée », mais les trois chiens « présentaient tous des signes évidents de maladie intestinale sévère ». Les causes toxiques aiguës ont été écartées assez vite. Toutefois, depuis le 8 septembre, il est demandé « aux propriétaires de chiens malades ou décédés de conserver si c'est possible des échantillons de ce que leur chien a mangé sur les 14 jours précédents ». Aucune cause infectieuse n'est écartée : « les explorations sont aussi larges que possible, virus, bactéries, parasites, algues ou champignons ». Les deux institutions (Autorité de sécurité sanitaire des aliments et Institut vétérinaire) recommandent d'ailleurs « d'éviter que des chiens qui se rencontreraient lors de promenade n'entrent en contact direct » — d'où la laisse… Les « causes les plus fréquentes de diarrhée hémorragique, comme la salmonellose [et la campylobactériose], ont déjà été éliminées ».

Cas disséminés

Les deux structures « réalisent une cartographie en continu des cas », à partir des données fournies par les propriétaires. Les premiers cas ont été signalés à l'Anses norvégienne par des praticiens de la région d'Oslo « mais d'autres cas ont rapidement été signalés dans d'autres parties de [ce] pays [tout en longueur] ». « Rien n'indique que ces cas soient liés ». Mais la liste des provinces s'allonge et en fin de journée dimanche, la quasi-totalité des provinces de la moitié Sud de la Norvège avaient au moins un cas présentant des symptômes comparables (voir l'illustration principale). La couverture médiatique est importante en Scandinavie (la Suède est limitrophe), au point que l'institut vétérinaire suédois a publié ce dimanche 8 septembre au soir un communiqué indiquant que ses « contacts avec les vétérinaires suédois et avec les autorités norvégiennes ne montrent pas que [l'épisode] pose de problèmes pour les chiens suédois ». La situation reste suffisamment grave pour que le site Facebook° de l'institut vétérinaire norvégien fasse deux mises à jour quotidiennes, y compris ce dimanche 8 septembre. Ce même jour, cet institut «  a adressé des formulaires aux praticiens canins du pays ». Il précise avoir d'ailleurs « reçu des échantillons de diarrhée hémorragique de tout le pays, mais il est encore trop tôt pour établir s'il s'agit ou non du même épisode ».

Clostridium et Providencia

Trois nouvelles autopsies ont été réalisées ce dimanche, dont les investigations « fournissent des résultats cohérents avec les précédents ». En particulier, deux espèces bactériennes sont identifiées de manière répétée dans le tractus digestif de ces cas : Clostridium perfringens et Providencia alcalifaciens. Cette dernière espèce, appartenant à la famille des Enterobacteriaceae, a déjà été identifiée dans des cas de diarrhée de l'enfant et de turista. Le premier cas de diarrhée canine sévère à P. alcalifaciens a été décrit en Afrique du Sud en 2002, sur la portée d'une chienne de 2 ans. Les chiots sont morts en peu de temps à partir de 12 jours d'âge, et la bactériologie sur anses intestinales avait alors fourni P. alcalifaciens quasiment en culture pure. En Pologne, un autre cas avéré en bactériologie mais manquant d'autres examens complémentaires a été publié en 2007, sur un Labrador retriever de 4 mois. Mais aucun épisode de cas groupés n'est décrit en canine dans la littérature. Dans le cas présent, les deux bactéries ont été identifiés « en quantités anormalement élevées » sur deux prélèvements ce dimanche, l'un provenant d'un chien malade (mais vivant) et l'autre d'un chien autopsié. Elles avaient déjà été identifiées sur trois autres chiens autopsiés. Trois des cas positifs proviennent d'Oslo et les deux autres d'une commune à environ 70 km à l'Est de la capitale norvégienne (Akershus).

Autoévaluer le risque

Les institutions norvégiennes renvoient les maître « à réaliser leur propre évaluation quant à la pertinence de participer à des expositions, cours de dressage, chasse… ». Toute visite au vétérinaire avec des signes cliniques suspects « devrait être annoncée à l'avance par téléphone de manière à ce que des mesures de limitation des risques de transmission soient prévues à l'arrivée » de l'animal. La maladie a été considérée par les autorités « comme une maladie à déclaration obligatoire : les propriétaires n'auront pas de frais en soumettant les échantillons », ni pour les autopsies. Dimanche soir, le seul chiffre avancé par l'institut vétérinaire norvégien était celui d'un total de 10 chiens autopsiés depuis l'identification du phénomène, qui remonte au 20 août dernier. L'Anses norvégienne signale qu'il n'y a aucun élément indiquant que d'autres espèces animales (ni l'Homme) soient affectées.