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23 mai 2019

Peut-on traiter avec un AINS une douleur chronique chez le chat insuffisant rénal ? La réponse est oui, avec quelques réserves

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Une maladie douloureuse comme l'arthrose serait concomitante à une maladie rénale chronique chez 70 % des chats, selon les auteurs de ces recommandations sur la prescription des AINS au long cours dans ce contexte (cliché Pixabay).
Une maladie douloureuse comme l'arthrose serait concomitante à une maladie rénale chronique chez 70 % des chats, selon les auteurs de ces recommandations sur la prescription des AINS au long cours dans ce contexte (cliché Pixabay).
 

Les connaissances actuelles permettent de valider l'usage au long cours du méloxicam et du robenacoxib comme analgésiques chez le chat présentant une maladie rénale chronique. C'est la conclusion d'un groupe de travail de la WSAVA  (association mondiale des vétérinaires pour animaux de compagnie) qui en a étudié la question.

Ce groupe entame une série de revues de la littérature sur des problématiques ponctuelles et pratiques relatives au management de la douleur. L'administration d'AINS sur le long terme en traitement d'une douleur chronique chez le chat atteint par ailleurs d'une maladie rénale chronique est ainsi le premier sujet étudié, dont la synthèse fait l'objet d'une publication en libre accès dans le JSAP (article publié en ligne le 12 mai). L'un des objectifs de la démarche est de résumer pour les praticiens les données scientifiques disponibles et les conclusions à en tirer en termes de conduite à tenir dans un court article : à peine 4 pages ici (en anglais).

Une problématique des soins du vieux chat

Dans sa synthèse, le groupe de 8 auteurs signataires rappelle ainsi la problématique : les AINS sont très efficaces dans le traitement de la douleur chronique (d'origine inflammatoire, au moins en partie, comme l'arthrose), mais ils sont associés à de nombreux effets indésirables, gastro-intestinaux, hépatiques, rénaux et hématologiques (troubles de la coagulation), qui imposent un usage prudent chez le chat atteint de maladie rénale chronique (MRC). La crainte lors de MRC est que l'inhibition des prostaglandines (qui interviennent dans le fonctionnement rénal) obtenue par l'administration des AINS entraîne des effets rénaux particulièrement délétères, avec un risque d'atteinte aiguë.

La prévalence de la MRC augmente avec l'âge. Mais celle de plusieurs maladies douloureuses également : arthrose, cancer, maladie parondontale… Leur association est fréquente en pratique. Alors comment utiliser les AINS au long cours en traitement de la douleur chronique chez ces chats insuffisants rénaux ? Car la gestion de la douleur apparaît essentielle pour le bien-être et la qualité de vie de l'animal.

Pas d'effet délétère rapporté

3 études cliniques récentes (2011, 2012, 2016) ont évalué la sécurité d'emploi des AINS – méloxicam ou robenacoxib – chez le chat atteint de maladie rénale chronique, en se basant notamment sur l'évolution de paramètres comme la créatininémie, l'urémie, la concentration urinaire, et la mortalité. Et elles montrent que leur utilisation est bien tolérée lorsque la MRC est « stable ». Des effets positifs (moindre augmentation de la créatininémie dans le temps) sont même observés. Une étude expérimentale confirme cette bonne sécurité d'emploi du méloxicam lors d'atteinte rénale chronique. Et chez l'homme, les traitements AINS per os à long terme ne sont pas associés à une augmentation du risque de néphropathie chronique. La manifestation clinique de la toxicité rénale de ces médicaments apparaît peu fréquente chez l'homme (1 % des patients) et dose-dépendante.

Il n'y a donc pas de contre-indication à la prescription d'AINS au long cours chez le chat présentant une douleur chronique et une MRC concomitantes. Les auteurs demeurent toutefois prudents dans leurs conclusions : ils limitent leur approbation à l'usage de méloxicam ou de robenacoxib, les seules molécules évaluées, à la plus faible dose efficace et dans le cadre d'une gestion multimodale de la douleur, c'est-à-dire en association à des soins non médicamenteux. « Les autres molécules ne devraient pas être prescrites dans cette population de chats, tant que des données sur leur sécurité d'emploi dans ce contexte ne seront pas disponibles ».

Pas toutes les molécules, et pas chez tous les chats

Outre le choix limité de la molécule, les auteurs insistent aussi sur le fait que « tous les chats insuffisants rénaux chroniques ne sont pas de bons candidats au traitement AINS au long cours ». Et ils s'appuient sur les recommandations actuelles de l'ISFM (International Society of Feline Medicine) pour préciser les conditions pratiques auxquelles la prescription est soumise.

  1. Une maladie rénale chronique « stable ». Cette stabilité se caractérise par exemple par de faibles variations du poids et de la créatininémie observées sur une période de 2 mois, et le contrôle des éventuelles maladies concomitantes, l'hypertension notamment.
  2. Une MRC de faible gravité. Les études ont porté essentiellement sur des chats atteints de MRC de stades 1 et 2 selon la classification IRIS, plus rarement de stade 3. La sécurité d'emploi des AINS lors de stade avancé reste donc insuffisamment connue.
  3. Le maintien de l'hydratation, en favorisant notamment l'abreuvement du chat (eau fraîche à disposition, alimentation adaptée).
  4. Une dose la plus faible possible : dose minimale efficace, établie par l'évaluation de la réponse clinique au traitement.
  5. Le respect des recommandations pour le traitement de la MRC, en particulier le suivi de la phosphatémie.
  6. Le consentement éclairé du propriétaire, en discutant des bénéfices et des risques du traitement et dans l'objectif d'améliorer la qualité de vie du chat.
  7. L'implication du propriétaire, en charge de l'administration du traitement, de l'évaluation de son efficacité et de la détection des effets indésirables (amaigrissement, baisse d'appétit, vomissement, polyuro-polydipsie, etc.).
  8. Un suivi régulier de l'animal : poids, pression artérielle, bilan sanguin (hématologie et biochimie) et urinaire a minima. Aucune recommandation n'est toutefois établie à ce jour sur le rythme de ces consultations de suivi.
  9. Un enrichissement de l'environnement de vie et l'éventuelle association de mesures thérapeutiques non médicamenteuses, selon la nature de la maladie à l'origine de la douleur chronique (et bien que le niveau de preuve de leur efficacité soient limité) : physiothérapie, acupuncture, compléments alimentaires, etc.