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25 mars 2019

Discrètes, les infections urinaires sont pourtant fréquentes lors de maladie rénale chronique chez le chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Résultat de l'analyse multivariée montrant les facteurs de risque de culture bactérienne positive chez 201 chiens atteints de maladie rénale chronique
Seuil de significativité : 0,05. Source : Lamoureux et al., JVIM 2019.
Résultat de l'analyse multivariée montrant les facteurs de risque de culture bactérienne positive chez 201 chiens atteints de maladie rénale chronique
Seuil de significativité : 0,05. Source : Lamoureux et al., JVIM 2019.
 

C'est observé chez le chat : la fréquence des cas d'infection urinaire lors de maladie rénale chronique est élevée. Chez le chien insuffisant rénal en revanche, leur prévalence était inconnue. Une nouvelle étude vient de montrer qu'elle est également élevée, et même plus élevée, touchant près d'un tiers des cas.

Cette étude rétrospective française, menée par une équipe associant des chercheurs et cliniciens des écoles vétérinaires de Lyon et d'Alfort et de l'INRA, fait l'objet d'un article publié dans le dernier numéro du JVIM (numéro de mars/avril, en libre accès).

200 cas sur 6 ans et demi

Pour ces travaux, tous les cas de chiens reçus en consultation au CHUV de Lyon ou d'Alfort, chez qui une culture bactérienne a été effectuée à partir d'un échantillon d'urine prélevé par cystocentèse, et atteint de maladie rénale chronique (MRC), ont été recensés. Il y en avait 201 sur la période retenue (janvier 2010 à juin 2016).

Les chiens présentant une maladie concomitante endocrinienne (diabète, syndrome de Cushing) ou urinaire (tumeur, calculs, anomalie congénitale), et/ou sous traitement de type corticoïde, diurétique, immunosuppresseur, antiépileptique ou antibiotique, et/ou chez qui la pose d'une sonde urinaire ou une chirurgie urinaire avait été effectuée le mois précédent, avaient été exclus.

L'objectif était triple :

  • évaluer la fréquence des cultures positives (au moins 1000 cfu/mL) chez ces chiens, en précisant la proportion des cas de bactériurie asymptomatique ;
  • déterminer les facteurs de risque de bactériurie ;
  • identifier les anomalies associées dans les résultats des autres examens cliniques et complémentaires menés (analyses sanguines et urinaires, échographie abdominale).

32 % de bactériurie dont 8 % d'infection clinique

Les résultats montrent d'abord que la prévalence de la bactériurie chez les chiens présentant une MRC atteint 32 % : 65 cas sur les 201 au total. Chez le chat, cette prévalence est estimée à 22 et 29 % selon deux études.

Mais le plus souvent, ces cas sont asymptomatiques. Seulement 5 chiens, soit 8 % des positifs, montraient des signes cliniques d'infection (hématurie, strangurie, pollakiurie). Et celle-ci se confirme à la culture bactérienne, avec des résultats dépassant le seuil significatif de 103 cfu/mL.

Autre observation intéressante : la prévalence n'apparaît pas liée à la gravité de la MRC. Elle est en effet de 28 % chez les chiens de stade IRIS 1, de 44 % parmi les IRIS 2, mais de 30 % puis 9 % aux stades ultérieurs (IRIS 3 et 4).

En très large majorité, un seul germe est identifié (61 cas sur 65), plus rarement 2 (3 cas) voire 3 (1 seul cas). Il s'agit d'Escherichia coli pour les deux tiers des isolats. Et ces bactéries présentent à près de 90 % une résistance à au moins 1 antibiotique (parmi ceux testés par antibiogramme) ; plus de la moitié sont multi-résistantes.

Prédisposition des femelles

Chez les chiennes, la prévalence est beaucoup plus élevée que chez les chiens mâles : 46 % contre 21 %. Ce n'est pas une surprise compte tenu de la prédisposition des femelles aux infections urinaires en général, dans de nombreuses espèces. Cette prévalence est particulièrement élevée chez les chiennes non stérilisées (56 % contre 40 % pour les stérilisées). Chez les mâles en revanche, elle augmente chez les individus castrés (32 % vs 18 % pour les mâles entiers).

L'analyse multivariée confirme que le sexe représente un facteur de risque, celui-ci étant significativement augmenté chez les femelles, multiplié par 3,2 (voir tableau en illustration principale). Le stade IRIS, en revanche, ne l'est pas, à l'exception du stade 4, associé à un moindre risque. Mais le faible effectif des chiens à chaque stade de la maladie limite la robustesse de cette observation.

Peu d'autres facteurs de risque significatifs

Un autre critère identifié comme un facteur de risque significatif est la densité urinaire.  Une isosthénurie (même osmolarité que le plasma) augmente ainsi le risque de bactériurie de 2,5 fois.

Les autres paramètres inclus comme potentiels facteurs de risque (âge du chien, stérilisation) ne sont pas confirmés comme tels dans l'étude.

Enfin, en terme d'anomalies des autres examens pratiqués, seule la présence de leucocytes dans les urines ou de micro-organismes dans le sédiment sont des paramètres significatifs associés au risque de bactériurie. 11 % des chiens positifs, toutefois, présentaient des résultats normaux. Ce qui conforte que le diagnostic de bactériurie ne peut reposer seulement sur une analyse urinaire.

Identifier pour ne pas traiter ?

Les résultats de cette étude confirment que, comme chez le chat, la maladie rénale chronique semble prédisposer le chien à la bactériurie, sans que le mécanisme en cause ne soit néanmoins élucidé.

Ils amènent ses auteurs à envisager de systématiser la culture bactérienne urinaire lors du diagnostic de MRC chez le chien. Toutefois, dans une très large majorité des cas, la bactériurie est asymptomatique. Or, l'intérêt de traiter les infections urinaires asymptomatiques est aujourd'hui controversé. Chez le chien en bonne santé par ailleurs, le traitement est déconseillé pour ne pas favoriser la résistance aux antibiotiques. Mais lors de maladie rénale chronique, « le risque d'infection ascendante pouvant aggraver les lésions rénales doit être pris en considération », préviennent les auteurs.