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20 février 2019

Il y a au moins deux Morbillivirus félins, dont un à inclure au diagnostic différentiel des troubles respiratoires ou nerveux inexpliqués

par Vincent Dedet

Temps de lecture  2 min

Particules virales évocatrices de Paramyxovirus (virus enveloppés, 200 nm de diamètre) en microscopie électronique à partir du culot de centrifugation du surnageant de culture cellulaire du Morbillivirus félin de génotype 2 (Sieg et coll., 2019).
Particules virales évocatrices de Paramyxovirus (virus enveloppés, 200 nm de diamètre) en microscopie électronique à partir du culot de centrifugation du surnageant de culture cellulaire du Morbillivirus félin de génotype 2 (Sieg et coll., 2019).
 

Il a fallu trois ans et demi de travail aux virologistes de la faculté vétérinaire de Leipzig (Allemagne) pour mieux cerner le nouveau Morbillivirus identifié dans les urines de chats malades en 2015. A l'époque, ces auteurs rapportaient l'identification de deux Morbillivirus distincts : l'un identique à celui, décrit à partir de 2012 en Asie sur de l'urine de chats à maladie rénale et l'autre légèrement différent au plan génétique.

Deux génotypes

Mais comme à l'époque le séquençage n'avait concerné que la partie amplifiée par la RT-PCR – et non la totalité du génome viral – il n'était pas possible d'affirmer s'il s'agissait de deux espèces de virus différentes ou d'un variant au sein de la même espèce, le morbillivirus félin (FeMV), anciennement nommé FMoPV (pour Feline Morbillivirus Paramyxoviridae). Le séquençage intégral du génome leur permet à présent de placer ces deux virus comme variants de la même espèce : la souche identique à celle identifiée en Asie est la souche de référence (génotype 1) tandis que la seconde souche appartient au génotype 2 (FeMV-GT2). Le génome de FeMV-GT2 est à 78,2 % homologue de celui de FeMV-GT1.

Infection persistente

Ils reviennent donc sur leurs travaux, indiquant que sur 723 échantillons d'urines d'autant de chats, ils en ont détecté 6 positifs pour le FeMV-GT2 (0,83 %) et rappellent que tous ces chats présentaient une affection rénale (de la maladie rénale en stade 2 à la polycystose rénale). Aucun des chats ne présentait de virémie détectable. En revanche, deux des chats (Gordon et TV25) ont été suivis plusieurs mois et le génome du virus restait présent dans leur urine sur plus de 6 mois pour l'un et plus de 2 ans pour l'autre. Les travaux réalisés sur des prélèvements d'urine fraîche ont confirmé que le virus était bien excrété entier (microscopie électronique), au point qu'il a pu être isolé. Ce qui a aussi permis aux auteurs de mettre au point un test de séroneutralisation, qui a confirmé que Gordon comme TV25 étaient excréteurs urinaires alors qu'ils avaient des titres élevés d'anticorps séroneutralisants anti- FeMV-GT2 dans le sang.

Cellules respiratoires, immunitaires…

Les auteurs ont ensuite exploré la capacité de ce virus à infecter différentes lignées cellulaires, d'espèces variables. Ainsi, FeMV-GT2 n'infecte pas des cellules de sérotines, roussettes, campagnols, souris, vache ni même de l'Homme. En revanche, il infecte :

  • très efficacement les macrophages fœtaux et les cellules épithéliales pulmonaires de chat, les cellules épithéliales rénales de macaque ;
  • efficacement les cellules épithéliales rénales de chat, mais aussi que les lymphocytes T CD4+, les lymphocytes B et les monocytes (précurseurs des macrophages), ainsi que – dans une moindre mesure, les cellules NK, provenant du sang de chats bien portants et indemnes des deux génotypes du FeMV ;
  • et faiblement (< 25 % des cellules) les cellules épithéliales rénales de trois autres espèces de singes, mais aussi les cellules épithéliales de la vessie de chat

Enfin, les auteurs ont maintenu en culture « pendant plus de 4 semaines des tranches d'encéphale et de cervelet de chats adultes », qu'ils ont infecté expérimentalement avec un net succès. L'originalité du virus est qu'il ne provoque pas d'effet cytopathogène dans les lignées cellulaires qui lui sont sensibles – sauf dans le cervelet (apparition de « petits syncytia »). Les auteurs reconnaissent que, « pour élucider si le FeMV-GT2 est la cause ou l'effet de la maladie rénale chronique, des inoculations expérimentales [sur des chats] devront être réalisées ». En attendant, ils recommandent aux praticiens de « penser à ce virus lorsque les signes cliniques liés à une atteinte des organes [trouvés sensibles à son infection : poumons, système immunitaire, SNC] sont présents en l'absence d'autre explication ».