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18 février 2019

Un premier générique de flunixine, Antalzen°, retrouve son AMM en supprimant l'excipient cancérogène

par Eric Vandaële

Temps de lecture  4 min

Huit solutions injectables de flunixine retirées du marché à l'été 2018
Ces huit solutions injectables de flunixine ont été retirées du marché le 27 juillet 2018. Car elles contenaient toutes le même excipient, la diéthanolamine, suspecté de cancérogénicité. Une seule, Antalzen°, distribuée par Virbac en 2018, a pu récupérer ses AMM le 28 janvier 2019 en adaptant a minima sa formulation.
Huit solutions injectables de flunixine retirées du marché à l'été 2018
Ces huit solutions injectables de flunixine ont été retirées du marché le 27 juillet 2018. Car elles contenaient toutes le même excipient, la diéthanolamine, suspecté de cancérogénicité. Une seule, Antalzen°, distribuée par Virbac en 2018, a pu récupérer ses AMM le 28 janvier 2019 en adaptant a minima sa formulation.
 

Six mois et un jour. Du 27 juillet 2018 au 28 janvier 2019, il n'aura fallu que six mois et un jour pour qu'un premier générique de flunixine injectable, Antalzen° du laboratoire espagnol Calier, retrouve son AMM. La bonne nouvelle est assez inattendue.

  • Le 27 juillet 2018, l'agence française du médicament a décidé de suspendre toutes les AMM des solutions injectables à 50 mg/ml de flunixine, le princeps Finadyne° et ses huit génériques (voir LeFil du 2 août 2018). Car toutes les formulations à 50 mg/ml de flunixine contenaient un vieil excipient, la diéthanolamine, classé comme cancérogène depuis… 2013 (voir LeFil du 30 août 2018)..
  • Le 28 janvier 2019, la même agence lève la suspension d'AMM d'un seul générique : Antalzen° du laboratoire espagnol Calier. Car ce laboratoire a supprimé la diéthanolamine de sa formulation.

Ce générique de Finadyne° Injectable (MSD) était commercialisé en France par Virbac avant la suspension des AMM de toutes ces solutions injectables de flunixine le 28 juillet dernier. Il devrait probablement revenir sur le marché français dans les prochains mois.

Suppression de la diéthanolamine

La nouvelle formulation de Antalzen° est très proche de la précédente. La diéthanolamine, l'excipient suspecté cancérigène, a évidemment été supprimée. Cette substance est couramment utilisée par l'industrie chimique comme tensioactif. On la croyait inoffensive jusqu'en 2013, date à laquelle elle a été inscrite dans la liste des « cancérogènes possibles ».

Aucun tensioactif n'est ajouté à la formule d'Antalzen°. Mais, synthétisée à partir d'ammoniaque, la diéthanolamine est aussi une amine, donc une substance basique. Pour l'ajustement d'un pH qui serait devenu trop acide en l'absence de diéthanolamine, le fabricant d'Antalzen° peut, dans la nouvelle formule, ajouter de l'hydroxyde de sodium. Il peut toujours aussi ajouter de l'acide chlorhydrique si le pH était à l'inverse trop basique.

Les indications du générique de flunixine sont inchangées

En dehors des excipients, les caractéristiques (RCP) de Antalzen° sont inchangées pour les chevaux, les bovins et les porcins. Elles sont donc identiques ou proches de celles de l'ancien princeps Finadyne° et des autres génériques suspendus. Elles figurent dans le tableau ci-dessous avec les autres AINS injectables approuvées dans ces trois espèces cibles.

Indications de la flunixine injectable et des autres AINS injectables pour bovins, équins et porcins

Les résumés officiels des caractéristiques de ces produits (RCP) diffèrent parfois entre les princeps et les génériques, notamment sur le libellé exact des indications, ainsi que, plus rarement, sur les temps d'attente. Toutes ces nuances ne sont pas reproduites dans ce tableau. Tableau LeFil

 

Un arbitrage européen défavorable à la diéthanolamine

Les AMM des solutions injectables à 50 mg/ml de flunixine ont été suspendues à la suite d'un arbitrage européen défavorable sur la cancérogénicité de la diéthanolamine (voir LeFil du 30 août 2018). L'Agence européenne du médicament a rendu cet arbitrage négatif le 20 juillet 2018 après six mois de tergiversations entre les experts et les États membres. Pour la première fois, la toxicité potentielle des résidus d'un excipient, la diéthanolamine, a donc conduit au retrait de médicaments vétérinaires.

La diéthanolamine est classée depuis 2013 comme cancérogène possible chez l'homme (groupe 2B) par l'IARC, l'agence internationale de recherche sur le cancer. Ce classement repose sur des études de cancérogénicité sur deux ans où la diéthanolamine est appliquée sur la peau des souris à des doses très élevées : de 40, 80 et 160 mg/kg. À toutes les doses, des tumeurs hépatiques et rénales sont apparues.

Le mécanisme de cancérogénicité n'est pas bien connu. Mais il est « très improbable » que la diéthanolamine soit une substance génotoxique qui altère l'ADN. Il est suggéré un mode d'action épigénétique (c'est-à-dire sans altération de l'ADN) par carence en choline.

Des dérivés nitroso qui se formeraient dans l'estomac acide

Néanmoins, la diéthanolamine pourrait en milieu acide être à l'origine de la formation d'un dérivé nitroso (N-nitroso-diéthanolamine), un composé fortement cancérigène, génotoxique et très réactif avec l'ADN. Le rapport d'arbitrage laisse entendre que les dérivés nitroso pourraient être formés dans l'estomac des consommateurs (en milieu acide) ou par la cuisson (ou d'autres modes de préparation alimentaire). Le risque pour le consommateur des dérivés nitroso est généralement jugé comme inacceptable pour le consommateur. Ce sont d'ailleurs les dérivés nitroso du chloramphénicol, des nitrofuranes ou des nitro-imidazolés qui ont conduit à classer ces substances parmi celles interdites d'emploi en productions animales. Car il apparaît impossible de soutenir une limite maximale de résidus (LMR) même à un niveau très faible pour les dérivés nitroso génotoxiques.