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15 novembre 2018

Face à un avis négatif sur Internet, la réponse sera rapide, empathique et à-propos

par Agnès Faessel

Temps de lecture  7 min

Le guide pratique de l'Ordre National des Médecins s'adresse plus largement à tous les professionnels de santé, dont la réputation numérique est facilement affectée par des commentaires négatifs et qui doivent apprendre à en contenir l'impact.
Le guide pratique de l'Ordre National des Médecins s'adresse plus largement à tous les professionnels de santé, dont la réputation numérique est facilement affectée par des commentaires négatifs et qui doivent apprendre à en contenir l'impact.
 

« Si les systèmes de notations et d'avis sur les professionnels peuvent choquer certains et laisser entrevoir un glissement des patients vers le « consumérisme médical », ils ne sont pas en soi illégaux […] Cependant, la liberté d'expression ne peut permettre à tout patient ou tout internaute de diffuser sans restriction des propos visant les professionnels de santé ».

Le Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM) a édité le 10 octobre un guide pratique pour accompagner les médecins, « ou plus généralement les professionnels de santé » dans la gestion de leur réputation numérique. Et il résume la problématique dès son avant-propos : la liberté d'expression et d'opinion est un droit fondamental, mais cela n'implique pas pour autant de tolérer les abus. Il convient donc de surveiller son e-réputation d'une part, et de savoir quels moyens activer en cas de contenu inapproprié d'autre part, ce dernier point formant l'objet principal du document.

Ce petit guide (31 pages), téléchargeable en libre accès sur le site du CNOM, mérite d'être lu dans son intégralité car il se transpose facilement à la médecine vétérinaire. À l'exception de quelques points pour lesquels la déontologie vétérinaire est différente (les médecins ne sont notamment pas autorisés à promouvoir leur activité, par exemple en incitant leurs patients à publier des avis en ligne). Le guide est assorti d'un tutoriel en ligne.

En amont, effectuer une veille de son image sur Internet

Selon la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), « l'e-réputation est l'image numérique d'une personne sur Internet. Cette e-réputation est entretenue par tout ce qui concerne cette personne et qui est mis en ligne sur les réseaux sociaux, les blogs ou les plateformes de partage de vidéos ».

Dans le guide du CNOM, la maîtrise de cette réputation en ligne est très rapidement résumée (en 1 page : p.7), rappelant qu'elle repose sur la prévention. Il est ainsi recommandé d'effectuer une veille de son image sur Internet. En pratique, il s'agit d'effectuer une recherche par mots-clés (son nom, sa clinique…) sur les principaux moteurs de recherche (Google et autres), sites spécialisés et réseaux sociaux. Il s'agit aussi de pouvoir intervenir : créer un compte personnel sur ces sites pour maîtriser les informations disponibles et répondre directement en ligne à certains avis, « si c'est la stratégie adoptée ». Les garanties "e-réputation" proposées par les assureurs dans le cadre des contrats de responsabilité civile professionnelle sont également susceptibles d'être intéressantes à souscrire.

Pour en savoir plus sur la surveillance et la gestion de sa réputation numérique, les sources d'informations se développent progressivement, dont certaines sont spécifiques à la profession vétérinaire (ouvrages, conférences, formations, etc.).

Les informations professionnelles sont des données personnelles

Le guide présente également la conduite à tenir pour faire supprimer ou déréférencer une fiche professionnelle, c'est-à-dire une page ou un espace renseignant nom et prénom du praticien, adresse et coordonnées téléphoniques, spécialité, horaires, etc., éventuellement commentaires et avis. L'usage réglementé des données personnelles de chacun, dont font partie ces informations professionnelles, permet en effet d'intervenir auprès de l'éditeur du site (voir p.8-9).

Réagir sans attendre aux avis des clients

La plus grande partie du guide (p.10-29) porte sur la démarche à adopter face à des avis ou des propos d'internautes dégradant l'image du praticien ou de la clinique : négatifs, inexacts, injurieux… Et la première règle, quelle qu'en soit la nature, est d'être réactif. En effet, « une réaction inappropriée ou trop tardive peut s'avérer plus préjudiciable qu'une absence de réaction ». D'où l'intérêt de la veille, d'ailleurs. Mais pour les vétérinaires (pas pour les médecins aujourd'hui), il peut s'agir de griefs exprimés sur leur propre site ou leur page Facebook.

Les publications étant parfois éphémères ou évolutives, il est également essentiel d'en compiler immédiatement des preuves, et les conserver (capture d'écran de la publication en cause, par exemple). La stratégie choisie pour riposter (voir tableau-ci-dessous) dépend ensuite de divers paramètres, notamment la nature des propos, l'auteur du commentaire, l'audience du site, le risque engendré (impact)…

Actions à mener selon la stratégie suivie et paragraphes du guide à consulter

Source : Préserver sa réputation numérique, Guide du CNOM page 11.

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Apporter une réponse empathique et pertinente

La conduite à tenir est différente en effet selon que les propos sont licites ou illicites. Dans le premier cas (le plus fréquent), la remarque ou l'avis est simplement désagréable. Il est conseillé de contacter l'auteur afin d'en comprendre l'origine et, après explications, lui demander de le retirer (ou le modifier). Le ton doit rester empathique sans être perçu comme agressif ou menaçant.

L'autre solution est d'apporter une réponse (le droit de réponse en ligne est une obligation réglementaire). Empathique ici encore, cette réponse a pour objectif de limiter la portée de l'avis. Elle doit être pertinente, c'est-à-dire ne pas déborder du sujet évoqué, et ne pas renforcer ou créer d'éventuelle polémique.

Il est proposé de construire la réponse en 5 points :

  1. Remercier l'auteur pour son avis,
  2. Lui indiquer qu'il a été compris,
  3. Puis en expliquer la cause (si le désagrément est fondé) ainsi que les éventuelles mesures correctrices ou, au contraire, exprimer sa surprise,
  4. Préciser éventuellement qu'une réponse complète ne peut pas être apportée pour préserver le secret médical,
  5. Et enfin proposer de prendre contact afin de trouver une solution.

Quelques exemples sont donnés page 14.

Evidemment, même si ce n'est pas l'objet du guide, il est possible aussi d'apporter des réponses à des commentaires positifs ! Dans le but d'en remercier l'auteur, d'apporter des compléments d'information, etc.

Agir par paliers si les propos sont interdits par la loi

En revanche, si les propos dépassent la limite de la liberté d'expression – ce qui concerne une minorité d'entre eux selon le CNOM –, ils sont illicites et les moyens d'action sont « plus avancés », du ressort du civil ou du pénal selon le cas.

Ces propos peuvent être de divers types.

  • Injurieux (portant atteinte à la dignité) : « voleur », par exemple, mais sans imputation de faits particuliers ;
  • Diffamatoires (portant atteinte à l'honneur ou la considération) : visant une personne ou un groupe de personnes, relatifs à un événement ou un fait précis, et quelle qu'en soit la forme (une simple insinuation, par exemple, mais sans équivoque), comme d'attribuer des erreurs médicales au praticien ;
  • Incitants à la discrimination, la haine ou la violence : ils sont associés à une volonté de convaincre d'autre personnes (appel au boycott d'un praticien en raison de ses origines ethniques par exemple), alors que l'injure a pour but de blesser la personne ciblée ;
  • Dénigrants (jetant un discrédit sur les produits ou services) : une indemnisation peut être obtenue si un dommage causé est prouvé, une « incompétence », par exemple, qui aurait entraîné une perte de clientèle  ;
  • Ou portant atteinte à la vie privée : irrespect de l'intimité de la personne (révélation de sa vie sentimentale, par exemple), ou du droit à l'image (publication de photos prises à son insu).

Les moyens d'agir se décomposent en 5 paliers, suivant une voie d'abord à l'amiable puis judiciaire (avec l'appui d'un avocat) :

  1. Signalement à l'éditeur/l'hébergeur,
  2. Mise en demeure de l'auteur/l'éditeur et notification à l'hébergeur,
  3. Constitution d'une preuve (constat par huissier),
  4. Action judiciaire en vue de la suppression des propos,
  5. Action judiciaire en vue de la suppression des propos et d'une indemnisation.

Les étapes et procédures à suivre, la forme, les interlocuteurs et les délais sont présentés de manière claire et didactique, pages 21 à 29 du guide.

L'Ordre intervient si le préjudice est collectif

Quel est le rôle de l'Ordre ? Selon le CNOM, son intervention (action judiciaire) est justifiée et possible dans trois cas seulement :

  1. Pour des faits « portant préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession de médecin : l'Ordre peut agir contre des propos portant atteinte à l'ensemble de la profession, mais ne peut demander en justice la fermeture de sites de notation ou d'avis relatifs à des médecins ». Effectivement, ces sites sont légaux.
  2. Si des menaces ou violences sont « commises en raison de l'appartenance à la profession de médecin : les notions de menaces ou de violences sont larges mais ne permettent pas d'englober toutes les atteintes ou infractions commises envers un médecin en particulier ».
  3. En cas d'atteinte à sa propre e-réputation.

Le Conseil de l'Ordre des vétérinaires a la même interprétation que les médecins concernant ces possibilités d'action.