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13 novembre 2018

La loi Egalim est publiée. Seules trois mesures impactent les praticiens sur les aliments et les biocides

par Eric Vandaële

Temps de lecture  8 min

La loi Egalim pourrait avoir un impact plutôt positif sur les ventes des aliments pour animaux de compagnie par les vétérinaires. Car leurs concurrents les plus agressifs seront muselés sur les promos « toute l'année » de produits hard-discount.
La loi Egalim pourrait avoir un impact plutôt positif sur les ventes des aliments pour animaux de compagnie par les vétérinaires. Car leurs concurrents les plus agressifs seront muselés sur les promos « toute l'année » de produits hard-discount.
 

Le Journal officiel de 1er novembre 2018 a publié la loi Egalim « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » promulguée le 30 octobre 2018 par le président de la république.

Auparavant, le Conseil constitutionnel a censuré 23 des 98 articles de cette loi adoptée définitivement le 2 octobre par les députés. La publicité pour les vaccins à destination des éleveurs pour les vaccins fait partie des mesures retoquées par le Conseil constitutionnel (voir LeFil du 29 octobre 2018).

Qu'est-ce qui change ou changera pour les praticiens ?

Deux ou trois dispositions majeures de cette loi impactent directement le commerce de produits vendus, entre autres, par les vétérinaires.

  • La première porte sur les biocides avec l'interdiction au 1er janvier 2019 de toutes formes de remises ou d'avantages commerciaux sur certaines catégories de biocides à préciser par décret.
  • Deux autres mesures encadrent les promotions à la revente au consommateur des aliments, y compris ceux pour animaux de compagnie, même les aliments complémentaires en comprimés, pâtes ou gélules qui flirtent avec les allégations thérapeutiques.

La loi s'applique à compter du 2 novembre 2018, soit dès le lendemain de sa publication au Journal officiel, sauf disposition contraire prévue par la loi. Toutefois, pour deux de ces trois mesures, la publication d'une ordonnance ou d'un décret est nécessaire pour pouvoir concrètement les appliquer.

Les mesures de la loi Egalim qui impactent les cliniques vétérinaires

 

L'interdiction immédiate du mot « gratuit »

Une seule mesure est donc d'application immédiate : « l'interdiction du terme “gratuit” comme outil marketing et promotionnel » pour un aliment, qu'il s'agisse d'une denrée alimentaire destinée à la consommation humaine ou d'un aliment destiné aux animaux de compagnie (art. 16).

Cette interdiction est inscrite de manière pérenne à l'article L. 441-2 du code du commerce. Selon les députés, un aliment ne devrait jamais être promu comme « gratuit » car cela dévalorise le travail des agriculteurs et le coût des matières premières agricoles.

Les promotions de type « 20 % gratuit » ou « un aliment gratuit pour trois achetés » sont donc interdites depuis le 2 novembre.

Les remises en unités gratuites ne sont pas interdites

Toutefois, cette interdiction ne s'applique qu'aux seules reventes au consommateur. Elle ne s'applique donc pas :

  • Ni aux ventes d'aliments par les vétérinaires aux éleveurs qui ne sont pas considérés comme des consommateurs mais comme des professionnels,
  • Ni aux ventes par les fabricants d'aliments ou de petfoods ou par les grossistes aux vétérinaires.

Cette disposition n'interdit pas de remettre un aliment gratuit aux propriétaires de chiens ou de chats. Mais elle interdit seulement « d'utiliser le terme « gratuit » pour comme outil marketing et promotionnel ».

Quels sont les aliments concernés ?

La loi vise en premier lieu la revente au détail aux consommateurs des denrées alimentaires destinées à la consommation humaine. Mais les députés ont souhaité aussi mettre dans le même dispositif légal les aliments pour animaux de compagnie. Car les fabricants de petfood sont aussi de « gros acheteurs » de produits agricoles dont les promotions sont donc susceptibles de dévaloriser le travail des agriculteurs et des éleveurs.

Chez les vétérinaires, les produits concernés par la loi Egalim sont donc :

  • D'abord, Les aliments complets (petfoods) revendus aux particuliers, qu'ils s'agissent des aliments physiologiques ou diététiques, mais pas seulement,
  • Et aussi, les produits « sans AMM » que leurs fabricants ont choisi de rattacher au statut d'aliments complémentaires pour animaux de compagnies, tels que des pansements gastro-intestinaux ou de multiples produits présentés avec des allégations « borderline » qui suggèrent une allégation préventive (type « réduction des risques » de telle ou telle affection) ou thérapeutique (type « contribue à lutter contre les diarrhées, la constipation, la nervosité… »).

Pour tous ces produits, les vétérinaires — comme tous les autres revendeurs (animaleries, site web, GMS…) — doivent désormais veiller à ne plus employer le mot « gratuit » auprès de leurs clients pour en promouvoir l'usage.

Sans impact vétérinaire, le seuil de revente à perte sera relevé de 10 %

Dans le même objectif de revaloriser les produits alimentaires, le gouvernement encadrera pendant deux ans, par la voie d'une ordonnance législative, les prix planchers et les promotions sur la revente au détail aux consommateurs des denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et des mêmes aliments pour animaux de compagnie (art 15). Le gouvernement a quatre mois, soit jusqu'au 2 mars 2019 au plus tard, pour prendre ces mesures dans une ordonnance législative. Les mesures provisoires n'auront qu'une durée limitée à deux ans soit, sans doute, de mars 2019 à mars 2021.

Le seuil de revente à perte sera ainsi relevé de 10 % pour les seules ventes des détaillants aux consommateurs. En d'autres termes, pendant deux ans, le détaillant sera dans l'obligation d'appliquer une marge minimale de 10 % par rapport à son prix d'achat net, toutes remises déduites. Si le prix d'achat est, toutes remises déduites (y compris les remises de fin d'année), de 100, le nouveau seuil de revente de perte ne sera pas de 100 mais de 110. Dans la mesure où les vétérinaires prennent souvent une marge supérieure à 10 % sur la revente des aliments, cette mesure ne devrait avoir aucun impact sur leurs pratiques commerciales. Cette mesure pourrait avoir un impact plutôt positif pour les vétérinaires en obligeant leurs concurrents discounters à relever leur prix si leurs marges étaient inférieures à 10 %.

En outre, le seuil de revente à perte n'est pas relevé de 10 % pour les ventes des fabricants aux grossistes ou aux vétérinaires. Le prix d'achat par les vétérinaires des aliments ne devrait donc pas être affecté par cette mesure.

Promotions plafonnées à -34 % en mars 2019

L'ordonnance devra aussi limiter les promotions sur ces aliments à la fois en valeur — pour éviter la répétition de l'affaire Nutella avec des rabais à « moins 70 % » — et en volume pour éviter qu'un aliment soit, en permanence, vendu en promotion, ce qui conduit à le dévaloriser.

Les états généraux de l'alimentation de 2017 ont recommandé des promotions plafonnées en valeur à 34 % du prix de vente public (soit au maximum l'équivalent d'un produit offert pour deux achetés). Ainsi si le prix public affiché d'un produit est de 100, une promotion ne devrait pas conduire à le vendre à un particulier en dessous de 66. Là encore, cette mesure ne devrait pas avoir un impact important sur les pratiques commerciales des vétérinaires dont les promotions ne sont pas supérieures à 34 %.

Un impact plutôt positif…

En volumes, les promotions mêmes faibles — une petite remise de fidélité de 5 % — ne devraient pas concerner la totalité des aliments revendus aux particuliers. Au moins un quart des aliments devraient être facturés au prix public TTC affiché. Cette mesure est peut-être celle qui impacte le plus les cliniques vétérinaires, si elles avaient pris l'habitude d'accorder des privilèges à leurs clients fidèles. Car, il conviendra, sans doute, de vérifier qu'au moins un quart des aliments revendus l'est au prix public TTC affiché.

Indirectement, le vétérinaire peut sans doute davantage profiter de ces mesures sur le prix des aliments pour animaux de compagnie qu'en pâtir. Car les concurrents les plus agressifs au niveau des tarifs seront doute davantage muselés et dans l'obligation de modérer leurs promotions.

Gare au pouvoir d'achat inflammable des ménages

L'objectif de ces mesures est de revaloriser les prix d'achat des matières premières agricoles en augmentant le prix de revente au consommateur final. Mais les détracteurs de cette mesure soulignent, à l'inverse, que seuls les distributeurs seront dans l'obligation d'augmenter leurs marges. Car il n'y a pas, dans la loi, l'obligation de revaloriser les prix d'achat agricoles ce qui est pourtant l'objectif final recherché. Ils doutent donc que les distributeurs et les industriels cessent de faire une pression à la baisse sur les prix d'achat des matières premières agricoles auprès des agriculteurs.

La mesure serait donc inflationniste sur des produits alimentaires de première nécessité. Elle amputerait le pouvoir d'achat des ménages — un sujet devenu inflammable avec la hausse des carburants —, sans garantie que l'inflation des prix des aliments aille jusqu'à une hausse des prix d'achat des produits aux agriculteurs. Le gouvernement sera donc très attentif à l'impact de cette mesure et sanctionnera probablement les comportements abusifs.

Remises interdites sur certains biocides dès janvier 2019

La nouvelle loi s'inspire aussi des mesures prises sur les antibiotiques du plan EcoAntibio1 pour les appliquer au plan Ecophyto. Ce plan se donne pour objectif de réduire les usages des produits de phytopharmacie et aussi… des biocides. Car ces deux catégories sont classées dans les pesticides et ont parfois les mêmes substances actives notamment pour les insecticides.

L'article 76 de la loi Egalim interdit donc, à compter du 1er janvier 2019, toute remise, rabais, ristourne et tout avantage commercial lors de revente en gros ou au détail des produits de phytopharmacies et de certaines catégories de biocides fixées par décret. Pour les biocides, cette interdiction est inscrite dans le code de l'environnement (articles L. 522-18 et 19). Le non-respect de cette interdiction sera puni d'une amende de 15000 à 75000 €.

Le code de l'environnement interdit aussi, à compter du 1er janvier 2019, la publicité grand public (art. L. 522-5-2) et la vente en libre-service (art. L. 522-5-3) de certaines catégories de biocides dont la liste sera aussi fixée par décret.

Quels seront les biocides visés par toutes ces interdictions ?

Il est probable, mais pas certain, que les catégories de biocides visées par l'interdiction de publicité soient les mêmes que celles pour lesquelles les remises seront interdites au 1er janvier.

Les catégories de biocides concernées seront précisées par un décret, qui devrait paraître avant le 1er janvier 2019, date d'entrée en vigueur de ces interdictions (art. 96, point VI).

Pour motiver ces mesures, l'amendement parlementaire à l'origine de cette mesure cible :

  • Les biocides avec les mêmes substances actives que les produits phytopharmaceutiques concernés par la même interdiction,
  • Les insecticides notamment les néonicotinoïdes et les pyréthrinoïdes,
  • Les rodenticides.

Le décret pourrait (?) donc exclure de ces mesures les désinfectants « vétérinaires » nécessaires à la mise en place des mesures de biosécurité dont l'usage est promu dans le plan EcoAntibio.

Des remises pour les désinfectants mais par pour les insecticides de l'habitat

Dans cette hypothèse, les vétérinaires pourraient continuer à bénéficier de remises ou de conditions commerciales pour l'achat des désinfectants des instruments ou du matériel de la clinique, des topiques désinfectants de la peau de l'homme ou des animaux, ou même des produits de trempage mammaire classés comme biocides.

En revanche, cela leur sera sans doute interdit pour les insecticides de l'habitat ou de l'environnement ou mêmes biocides répulsifs, notamment pour les chevaux.