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21 septembre 2018

« 20 % gratuit ». Les députés interdisent le mot « gratuit » pour vendre un petfood ou un autre aliment

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Pour les députés, un aliment, ce n'est jamais gratuit. Car cela dévalorise le travail des agriculteurs et, in fine, le coût des matières premières agricoles. Les "prix bas", cela ne serait plus pour les aliments !
Pour les députés, un aliment, ce n'est jamais gratuit. Car cela dévalorise le travail des agriculteurs et, in fine, le coût des matières premières agricoles. Les "prix bas", cela ne serait plus pour les aliments !
 

Le projet de loi « alimentation » ou Egalim a fait un grand pas en avant à l'Assemblée nationale avec son vote en seconde lecture le 14 septembre par les députés. Mais ce texte n'est toutefois pas encore définitivement adopté. Car, dès le mardi 25 septembre, le Sénat s'opposera, une nouvelle fois, aux mesures phares de ce texte. Députés et sénateurs divergent notamment sur l'interdiction des remises sur les biocides et le plafonnement des promotions sur les aliments pour animaux de compagnie.

Les députés auront toutefois le dernier mot, dans une ultime lecture en octobre qui leur permettra, sur chacun des articles, soit d'accepter la rédaction du Sénat, soit de revenir à cette version votée le 14 septembre sans pouvoir déposer de nouveaux amendements. Sauf surprise, cette version adoptée par les députés s'approche donc beaucoup du texte final. D'autant que les sénateurs ne semblent pas vraiment décidés à négocier. Ils ont déjà décidé en commission de s'opposer à l'ensemble du projet de loi sans même chercher à l'améliorer point par point par des amendements de compromis.

Pour les vétérinaires, deux nouveaux points importants ont été adoptés par les députés en seconde lecture le 14 septembre sur les biocides et sur les aliments pour animaux de compagnie.

Remises interdites sur les biocides… les plus dangereux dès janvier 2019

Les députés ont confirmé l'interdiction des remises, rabais, ristournes et de toute pratique commerciale équivalente sur une vente de biocides (art 14 bis). Mais ils ont restreint la portée de cette interdiction à certaines catégories de biocides qui seront fixées par décret, sans doute avant le 1er janvier 2019. Car l'interdiction des remises sur ces catégories de biocides s'appliquera à compter du 1er janvier prochain. Sur les biocides visés, sans doute les plus dangereux pour la santé humaine et pour l'environnement, les remises seront interdites sur toute la chaîne de distribution, aussi bien pour les ventes des fabricants aux grossistes, que celles des grossistes vers les détaillants (les cliniques vétérinaires par exemple), ou celles des détaillants vers les utilisateurs, ici les détenteurs des animaux. Dans le cadre du plan EcoPhyto2, il s'agit de s'inspirer des mesures sur les antibiotiques du plan EcoAntibio1 pour les appliquer à la phytopharmacie et aux biocides les plus dangereux.

Insecticides biocides et en phytopharmacie…

Sans préjuger du contenu du futur décret, les désinfectants vétérinaires, nécessaires à la mise en place des mesures de biosécurité promues dans le plan EcoAntibio, pourraient alors être exclus des catégories de biocides visées par cette interdiction. En pratique, les gammes de topiques de désinfectants cutanées, la chlorhexidine ou les solutions iodées notamment, pourraient ainsi continuer à être promues avec des remises.

À l'inverse, les insecticides dits d'environnement, rattachés au statut de biocides lorsqu'il s'agit de traiter l'habitation familiale ou les locaux d'élevage, seront davantage discutés. Car ce sont souvent les mêmes molécules qui sont utilisées aussi en phytopharmacie. Et l'interdiction des remises devrait alors s'appliquer aux mêmes substances actives utilisées à la fois en phytopharmacie et dans des produits biocides, les fameux néonicotinoïdes par exemple.

L'Assemblée nationale a aussi rétabli l'interdiction de publicité grand public et de vente en libre-service « de certaines catégories de biocides dont la liste sera [aussi] fixée par décret », probablement la même liste que pour l'interdiction des remises.

Enrayer la spirale des prix (trop) bas sur les aliments

Un des objectifs princeps de ce projet de loi est de mieux payer les aliments produits par les agriculteurs, qu'il s'agisse des éleveurs ou des producteurs végétaux. Pour cela, le projet de loi commence par enrayer la spirale des prix publics à la baisse pour le consommateur, comme cela a été proposé aux états généraux de l'alimentation.

La loi habilite le gouvernement à encadrer pendant deux ans, par la voie d'une ordonnance législative, les prix planchers et les promotions sur la revente au détail aux consommateurs des denrées alimentaires (pour la consommation humaine) et… des aliments pour animaux de compagnie. Les ventes entre professionnels ou entre fabricants, grossistes et détaillants ne sont pas concernées par cet encadrement. Seules les ventes aux consommateurs finaux le seront.

Une ordonnance législative, prise dans les quatre mois suivant la publication de la loi, devrait donc encadrer pendant deux ans les marges minimales et les promotions faites sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux de compagnie lors de la vente au consommateur final (art. 9).

Des promotions encadrées en volumes et en valeur

Le seuil de revente à perte sera ainsi relevé de 10 % pour les ventes aux consommateurs (et non aux grossistes ou aux vétérinaires). En d'autres termes, pendant deux ans, le détaillant, l'ayant droit vétérinaire, sera dans l'obligation d'appliquer une marge minimale de 10 % par rapport à son prix d'achat net, toutes remises déduites. Si le prix d'achat est, toutes remises déduites (y compris les remises de fin d'année), de 100, le nouveau seuil de revente de perte n'est pas de 100 mais de 110. Dans la mesure où les vétérinaires prennent une marge supérieure à 10 % sur la revente des aliments, cette mesure ne devrait pas avoir d'impact sur leurs pratiques commerciales.

En outre, l'ordonnance devrait aussi limiter les promotions sur ces aliments à la fois en valeur — pour éviter la répétition de l'affaire Nutella — et en volume pour éviter qu'un aliment soit en permanence vendu en promotion. Ce point aura sans doute davantage d'impact pour les vétérinaires, mais l'ordonnance législative n'est pas encore connue.

Un aliment, ce n'est jamais gratuit

Les députés ont aussi ajouté en seconde lecture une interdiction d'utiliser le terme « gratuit » pour promouvoir la vente d'un aliment auprès d'un consommateur, qu'il s'agisse d'un aliment destiné à la consommation humaine ou à celle des animaux de compagnie (art. 9 bis). Pour les députés, un aliment ne devrait jamais être promu comme « gratuit » car cela dévalorise le travail des agriculteurs et le coût des matières premières agricoles.

Cette interdiction sera inscrite dans le code du commerce de manière pérenne (à l'article L441-2) et non sur une durée limitée de deux ans comme l'encadrement des marges et des promotions prévu par ordonnance.

Les promotions de type « 20 % gratuit » ou « un aliment gratuit pour deux achetés » devraient donc être interdites, dès la promulgation de la loi, probablement avant la fin de l'année.

Une publicité éleveurs pour des vaccins

Plusieurs mesures sont déjà définitivement adoptées dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs après la première lecture. Selon le principe dit de l'entonnoir, elles ne peuvent plus être discutées en seconde lecture. En santé animale, elles portent essentiellement sur deux points : la publicité éleveurs pour des vaccins et la plupart des mesures sur le bien-être animal.

La publicité pour des vaccins auprès des éleveurs dans la presse agricole sera possible (art. 14 undecies). Mais elle nécessitera, avant d'être mise en oeuvre, un décret d'application et surtout une modification de la réglementation européenne qui aujourd'hui l'interdit (art. 85 de la directive 2001/82). Le futur règlement européen sur le médicament vétérinaire devrait permettre aux États membres d'autoriser cette promotion auprès des éleveurs pour des médicaments immunologiques.

Députés et sénateurs s'accordent sur le bien-être animal

Dans ce projet de loi où les députés et les sénateurs se déchirent, le bien-être animal, habituellement objet de polémiques, fait curieusement consensus. Les mesures adoptées sont certes plutôt « a minima » par rapport aux demandes des associations de protection animale. Les deux chambres ont déjà adopté, souvent dans les mêmes termes, la plupart des mesures suivantes sur le bien-être animal (art. 13 et suivants).

  • Sanctions pénales doublées. Les mauvais traitements aux animaux commis par des professionnels (éleveurs, transporteurs, refuges, chenils, animaleries…) pourront être réprimés par, au maximum, un an de prison et/ou une amende 15 000 € (art. L. 215-11 du code rural). Dans de telles affaires, les associations de protection animale pourront aussi désormais se porter partie civile contre ces professionnels (art 13).
  • Interdiction des poules pondeuses en cages. Suite à l'abandon volontaire et progressif des poules pondeuses en cages par la filière, le projet de loi interdit ce mode d'élevage en France dans des bâtiments neufs ou, à la demande des députés, ceux qui seront réaménagés (art 13 bis A). Il n'interdit pas la vente d'œufs de poules pondeuses élevées en cage.
  • Abattoirs. Dans chaque abattoir, un responsable « bien être animal » sera désigné. Les signalements seront encouragés (art. 13 ter). Et, si l'abattoir est volontaire, il pourra mettre en place à titre expérimental, un dispositif de contrôle vidéo (art. 13 quater A). Des abattoirs mobiles pourront être développés à titre expérimental (art. 13 quinquies).
  • Formation (art. 13 quater). La « sensibilisation au bien être animal » fera partie de l'enseignement agricole.
  • Bien-être animal en 2020. En seconde lecture, les députés demandent que le rapport prévu pour la mi-2020 sur les « évolutions souhaitables et les réalisations concrètes sur le bien-être animal » (art. 13 bis) éclaire aussi le Parlement sur deux points qui font controverses :
  1. « le sexage des poussins in ovo par spectrométrie, comme alternative au broyage à vif » et,
  2. « Le transport international des animaux depuis la France vers d'autres États de l'UE ou vers des pays tiers » comme la Turquie.