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9 août 2018

Chien en vacances. Comment délivrer (ou pas) les médicaments au client de passage…

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Que faire face à un chien en vacances qui n'a pas pris une provision suffisante de médicaments pour son cœur ? Photo Tootcamp.fr
Que faire face à un chien en vacances qui n'a pas pris une provision suffisante de médicaments pour son cœur ? Photo Tootcamp.fr
 

C'est un cas habituel pour les praticiens des zones touristiques. Le client est en vacances avec son chien traité « au long cours » par un médicament de cardiologie, un extrait thyroïdien ou une autre affection chronique… Il a l'habitude d'acheter les médicaments pour son chien dans une clinique vétérinaire proche de son domicile. Mais, malheureusement,  il a oublié de faire le plein de médicaments pour son chien avant son départ en vacances .

En tenue de vacancier, le client déboule dans la clinique vétérinaire et demande qu'on lui fournisse les médicaments pour son chien. Comme il le ferait d'ailleurs pour lui-même dans une pharmacie.

Que faire ? Renvoyer le client chez son vétérinaire traitant habituel à 1000 km de là ? Exiger une consultation, voire les examens complémentaires, pour soutenir le diagnostic et le traitement ? Ou, choisir, sans même voir le chien, de délivrer aux clients ce médicament ? La situation peut vite devenir conflictuelle ou délictueuse.

Examen clinique obligatoire même pour un médicament sans ordonnance

Le code de la santé publique est clair. Le vétérinaire « ne tient pas officine ouverte » (art. L. 5143-2). Cela le différencie évidemment du pharmacien d'officine qui peut vendre des médicaments (vétérinaires ou humains) pour des clients en vacances qu'il n'a jamais vus. Cette « interdiction de tenir officine ouverte » interdit au vétérinaire de « délivrer au détail un médicament vétérinaire, même non soumis à prescription » sans lien avec un examen clinique préalable de l'animal de compagnie (art. R. 5141-112-1). En d'autres termes, toute vente de médicament à un client devrait pouvoir être associé à un examen clinique de l'animal, même s'il s'agit d'un médicament vétérinaire qui ne nécessite pas d'ordonnance. Les inspections sur la pharmacie s'attachent à vérifier le strict respect des règles de prescription-délivrance des médicaments par les vétérinaires. Il serait donc dommage de risquer le faux-pas pour un client de passage qui vous aura vite oublié et… réciproquement.

Néanmoins, sur le moment, vous ne pouvez pas rester insensible à la nécessité impérieuse pour l'animal, que vous n'avez même pas vu, de poursuivre le traitement prescrit par votre confrère d'Ile-de-France. Et, ce client menace même de déposer une plainte contre vous, voire, pire (!), de vous « pourrir votre facebook » si vous lui refusez obstinément de lui fournir le médicament « vital » pour son chien. C'est du vécu !

Plusieurs solutions sont envisageables pour « dépanner » le client de votre confrère tout en évitant l'infraction et la chute de votre e-réputation.

Renvoyer vers une pharmacie si c'est possible

Si le médicament ne nécessite pas d'ordonnance (ce qui est très improbable) ou si le client dispose de l'ordonnance renouvelable du confrère, la solution la plus conforme au droit est d'orienter ce client vers une pharmacie d'officine proche de votre clinique. L'ordonnance, si elle est renouvelable, permet au pharmacien de délivrer en toute légalité les médicaments dont le chien a besoin. Il est prudent de vérifier au préalable par téléphone que la pharmacie dispose du médicament vétérinaire dont le client a besoin ou que son grossiste pourra lui en livrer rapidement. Pour le pharmacien, la vérification de la disponibilité auprès du grossiste ne prend que quelques minutes. Je l'ai testé !

Examiner le chien avec « tact et mesure »

S'il n'est pas possible de renvoyer le client vers une pharmacie, par exemple si l'ordonnance n'est pas renouvelable ou si le client a oublié l'ordonnance à son domicile, la seule solution pour rester dans la légalité est d'exiger au minimum de « voir » l'animal et d'en faire un bref examen clinique même très succinct. La question risque alors vite de porter sur le coût de cet examen clinique rapide.

Le code de déontologie interdit au vétérinaire, à l'article R. 242-49 du code rural, « toutes pratiques tendant à abaisser le montant des rémunérations dans un but de concurrence dès lors qu'elles compromettent la qualité des soins ». Mais le même article précise aussi que « les honoraires du vétérinaire sont déterminés avec tact et mesure en tenant compte de la nature des soins donnés et des circonstances particulières. »

Le renouvellement d'un traitement au long cours d'un chien en vacances pour quelques jours constitue bien « une circonstance particulière » pour fixer « avec tact et mesure des honoraires » adaptés « sans objectif de concurrence » vis-à-vis de la clientèle des confrères voisins. Bref, il pourra difficilement vous être reproché si, à titre exceptionnel, vous dépannez le client d'un confrère qui a oublié son ordonnance. Il n'est évidemment pas interdit, bien au contraire, de prendre contact avec ce confrère si le chien souffre d'une affection complexe pour confirmer à la fois le diagnostic et le traitement prescrit initialement. Surtout si vous doutez de la crédibilité des dires de ce client de passage qui ne présente aucun écrit, même pas une ordonnance.

Prescrire et délivrer avec tact et mesure

À partir de cet examen clinique succinct et de l'ensemble des autres informations recueillis, il devient vite possible de justifier la prescription des médicaments nécessaires à la poursuite du traitement. L'examen clinique ayant probablement été allégé, mais enregistré, il n'est évidemment pas recommandé de profiter de la situation pour vendre pour trois mois de traitement à ce client en vacances pour une semaine. À l'inverse, pour éviter toute accusation de « concurrence déloyale » de vos confrères, les quantités prescrites et délivrées sont limitées à la poursuite du traitement jusqu'à la fin de ses vacances, sans oublier de recommander à ce client de retourner voir son vétérinaire habituel pour poursuivre le traitement.

Prévenir les clients avant les vacances

En procédant ainsi, avec « tact et mesure » comme dit le code de déontologie, vous pourrez d'abord permettre que le chien en vacances ne soit pas affecté par l'arrêt d'un traitement. Vous aurez aussi prévenu ainsi un litige potentiel avec ce client, tout en évitant d'être accusé d'avoir tenu officine ouverte ou de profiter de cette situation.

L'Ordre des vétérinaires recommande aussi aux confrères d'anticiper le départ en vacances de leurs clients habituels afin qu'ils puissent disposer de la quantité suffisante de médicaments nécessaires à leur chien pendant toute la durée de leurs congés.