24 avril 2024
4 min
Bienvenue sur LeFil.vet
L'accès au site web nécessite d'être identifié.
Merci de saisir vos identifiants de connexion.
Indiquez votre email dans le champ ci-dessous.
Vous recevrez un email avec vos identifiants de connexion.
16 millions d'euros. C'est une somme. Le montant total des sanctions que l'Autorité de la concurrence a décidé d'infliger, le 26 juillet dernier, à une dizaine de grossistes vétérinaires (voir LeFil du 27 juillet 2018).
Les trois centrales les plus importantes, détenues par leurs clients vétérinaires libéraux, sont aussi les plus lourdement sanctionnées :
Pour les grossistes, qui ont tous accepté la procédure de transaction proposée par l'Autorité de la concurrence, ces sanctions ne sont pas une surprise. Même si leur montant apparaît plus élevé que les provisions que certaines d'entre elles avaient déjà passées dans les comptes de l'exercice précédent.
Alcyon, Coveto et Centravet ont chacune diffusé un communiqué auprès de leurs clients pour s'expliquer sur les griefs de l'autorité de la concurrence à leurs égards.
Les faits litigieux sont anciens. Ils découlent de deux perquisitions organisées par les Fraudes à la demande d'un juge dans les locaux d'Alcyon, de Coveto et de Centravet, le 29 juin 2010 et le 15 novembre 2012. À elles trois, ces trois centrales détiennent 70 % du marché. Le rapport ne mentionne aucune perquisition chez les autres grossistes.
Les documents saisis lors de cette enquête conduisent les Fraudes à informer, le 4 décembre 2013, l'Autorité de la concurrence de trois pratiques anticoncurrentielles en infraction avec l'article L. 420-1 du code de commerce :
Pour les Fraudes, ces contrats tripartis constituent des ententes sur les prix entre les laboratoires, les grossistes et les vétérinaires. La pratique serait considérée comme anticoncurrentielle. Car ils « visent à maintenir des prix artificiellement élevés grâce aux marges arrières accordées en l'absence de tout acte d'achat entre laboratoires et vétérinaires ».
Heureusement, l'Autorité de la concurrence ne poursuivra pas l'enquête des Fraudes sur ce grief, qui aurait sans doute nécessité davantage de perquisitions aussi bien chez les laboratoires (seuls les locaux de Merial ont été visités en juin 2010 par les Fraudes) que chez les vétérinaires. L'Autorité de la concurrence, qui s'est autosaisie du rapport des Fraudes en janvier 2014 n'a, semble-t-il, pas ordonner de perquisitions supplémentaires à celles réalisées en juin 2010 et novembre 2012.
Le rapporteur de l'Autorité de la concurrence a déjà eu beaucoup à faire avec les documents saisis dans les trois centrales. Il décortique les cahiers saisis de notes manuscrites prises en réunion et surtout les multiples courriels échangés entre les dirigeants des centrales. Car ces derniers ne pouvaient évidemment pas imaginer une seule seconde que leur « clavardage », ce bavardage écrit sans précaution par clavier interposé, pourrait être saisi, conservé, et finalement se retourner contre eux comme preuve d'une entente illicite.
Du coup, la lecture des pratiques constatées dans le rapport de l'Autorité de la concurrence s'apparente plus à un article satirique du Canard enchaîné — la déontologie journalistique en moins — qu'à celle d'une décision d'une haute autorité de justice. Cela pourrait même être drôle, si ce n'était pas grave. Car ce rapport est exclusivement rédigé à charge, sans jamais donner les arguments favorables aux centrales.
Ainsi, sur les vaccins FCO, l'Autorité de la concurrence oublie, intentionnellement ?, de préciser, que, dans le contexte de l'urgence sanitaire, les distributeurs en gros se sont tous mobilisés pour acheminer les premiers vaccins auprès des vétérinaires dès février 2008. Et, rappelez-vous que ce n'était pas une logistique simple dans un contexte de pénurie et de contingentement des doses de vaccins disponibles. Les centrales l'ont d'abord fait immédiatement, de manière désintéressée, parce que c'était leurs devoirs et leurs responsabilités de répondre à cette urgence. Ce n'est d'ailleurs que cinq mois plus tard, seulement fin juillet 2008, que les distributeurs demandent à l'État de les indemniser pour le service logistique. Les négociations n'aboutissent qu'en novembre 2008, à un coût de 4 centimes la dose livrée.
Dix ans après les faits, l'Autorité de la concurrence ne mentionne dans son rapport que les éléments à charge. D'abord, il y a cette entente illicite pour présenter un coût identique pour tous les grossistes. Mais, c'est bien, semble-t-il, « à la demande expresse du ministère de l'agriculture », qu'il a finalement été convenu de présenter un coût unique à la dose de vaccin livré, identique pour tous les grossistes. L'histoire aurait sans doute été différente si l'État avait accepté des écarts de tarifs entre les différentes centrales. Depuis, la distribution des vaccins FCO a été confiée à un dépositaire, Serviphar, du groupe Neftys-Pharma.
Autre reproche de l'Autorité de la concurrence : cette entente entre les grossistes a conduit à une surfacturation manifeste du service logistique à 4 centimes la dose. Car, selon les documents saisis par les Fraudes, ce coût varierait « entre 1 et 2,5 centimes par dose ». La marge est donc substantielle. Dans leurs rapports financiers, les centrales mentionnent d'ailleurs, malgré la crise de 2008, une amélioration de leurs chiffres d'affaires ou de leurs marges qui s'explique, en partie, « par la vaccination FCO ».
L'Autorité de la concurrence ne reconnaît donc pas le service rendu par les centrales dans le succès des trois premières campagnes de vaccination obligatoire contre la FCO. Elle dénonce « des distributeurs en gros [qui] ont profité de l'urgence sanitaire pour induire sciemment en erreur [le ministère de l'agriculture] sur les véritables coûts logistiques de livraison des vaccins ».
Les deux autres griefs de l'Autorité de la concurrence portent sur des pactes de non-agression entre les trois centrales perquisitionnées : d'abord Alcyon et Coveto entre 2007 et 2009, puis, sur quelques semaines de fin 2009, entre Centravet et Coveto. Dans les deux cas, il s'agissait de mettre en place des projets communs importants qui, aux yeux de leurs dirigeants, justifiaient évidemment d'éviter de s'agresser et de « se piquer les clients » pendant les périodes de pourparlers. Le principe de courtoisie est simple : « on ne se tape dessus pendant qu'on discute ». C'est une évidence mais qui s'avère illégale au regard du droit de la concurrence. Car ces pactes qui consistent à s'abstenir de démarcher leurs clients respectifs pour monter un projet commun, sont, selon l'Autorité de la concurrence, des « accords de répartition de clientèle. Ils constituent donc, par leur nature même, des infractions graves au droit de la concurrence ».
Selon le communiqué de Coveto, les deux pactes de non-agression « n'étaient que les conséquences de notre candeur partagée dans la conduite des discussions. Ils n'ont pas perduré après leur abandon et n'ont permis aucun gain économique sur l'activité des centrales ». D'ailleurs, c'est la vive concurrence entre centrales sur le terrain qui a conduit Coveto à mettre en place une nouvelle politique commerciale fin 2009. Cela « a limité de facto le montant de l'amende ».
En 2007, Alcyon et Coveto ont projeté de créer une plate-forme logistique commune à Bordeaux, « dans l'unique but d'améliorer le service rendu des vétérinaires clients respectifs en mutualisant ainsi les coûts d'investissement ». « L'étude du projet s'est déroulée de 2007 à 2009 » explique Alcyon, période pendant laquelle les deux centrales étaient donc en discussion.
Centravet et Coveto se voient aussi reprocher une simple « intention de non-agression » sur une courte période de six semaines, du 21 octobre au 2 décembre 2009. L'Autorité de la concurrence elle-même reconnaît que cette intention n'a pas été suivie d'effet. Pour Coveto, le projet de rapprochement consistait, dans un premier temps, d'investir dans un logiciel commun qui aurait été baptisé « Webcoop ». Pour Centravet, il s'agissait « de monter avec Coveto une structure commune avec la volonté de faire un pôle coopératif fort ». Mais « c'est justement la concurrence vive entre les deux coopératives qui a fait échouer ce projet ». Centravet et Coveto sont donc sanctionnées par l'Autorité de la concurrence sur cette intention : un procès d'intention en quelque sorte. « C'est l'intention qui compte » dit l'adage. Car, selon l'article L. 420-2 du code du commerce, l'intention de non-agression, même sans effet, est déjà coupable.
Pour clore l'affaire et limiter (un peu) les sanctions, tous les distributeurs en gros, ont accepté la procédure de transaction en échange de la non-contestation des griefs et du montant des amendes.
24 avril 2024
4 min
23 avril 2024
4 min
22 avril 2024
4 min
19 avril 2024
4 min
18 avril 2024
3 min
17 avril 2024
4 min