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19 août 2022

Hyperbilirubinémie chez le chien : la mortalité est encore plus élevée lors d'ictère pré-hépatique ou d'hyperbilirubinémie marquée

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

L'ictère est qualifié de pré-hépatique, post-hépatique, ou hépatique lors d'affection du foie, comme ici chez ce cas de leptospirose (source photo toutsurleschiens.com).
L'ictère est qualifié de pré-hépatique, post-hépatique, ou hépatique lors d'affection du foie, comme ici chez ce cas de leptospirose (source photo toutsurleschiens.com).
 

Une accumulation de bilirubine dans le sang résulte d'un trouble du catabolisme de ce pigment insoluble dans l'eau, normalement éliminé sous forme conjuguée à l'acide glucuronique. Cette hyperbilirubinémie a diverses causes, suivant lesquelles l'ictère associé est qualifié de pré-hépatique (lors d'anémie hémolytique ou d'hémolyse par exemple), hépatique (en cas d'hépatite, de cholangiohépatite…) ou post-hépatique (lors d'obstruction des voies biliaires).

Chez le chien, dans plusieurs affections, notamment les hépatites aiguës ou chroniques, la présence d'une hyperbilirubinémie altère le pronostic. Mais l'impact de sa gravité sur le risque de mortalité restait méconnu. Une étude rétrospective australienne sur 115 chiens présentant une hyperbilirubinémie d'importance variable s'est donc attachée à le déterminer. Ses résultats, publiés en libre accès dans VetRecord Open, montrent que le pronostic est particulièrement défavorable à partir du seuil de 60 µmol/l (le seuil de normalité étant de 4 µmol/l).

Anorexie et vomissements dans deux tiers des cas

Les cas ont été recrutés entre 2015 et 2020. Ils présentaient donc tous une bilirubinémie supérieure à 4 µmol/l (sans autre critère d'inclusion particulier). Si le suivi du chien n'était pas renseigné dans le dossier médical, il était demandé au vétérinaire référant ou au propriétaire.

Les chiens étaient de diverses races, dont en particulier le labrador (12 cas), le border collie (7 cas), le kelpie (chien de berger répandu dans le pays, 4 cas). Ils étaient âgés de 9 ans en médiane.

Les principaux signes cliniques rapportés ou observés sont :

  • une anorexie (63,5 % des cas),
  • des vomissements (62,6 %),
  • une léthargie (55,7 %),
  • de la fièvre (température rectale dépassant 39,2°C, 18,3 %).

Une douleur abdominale ou une diarrhée est moins fréquente (14 % et 7 %).

Léthargie dans les cas d'ictère pré-hépatique

Les données médicales ont également pu caractériser l'ictère (à l'exception de 4 cas) :

  • Pré-hépatique dans 18 cas soit 15,7 % (avec alors une prépondérance de la léthargie, présentée à 83 %) ;
  • Hépatique dans 51 cas soit 44,3 % (pour laquelle les vomissements et l'anorexie sont plus fréquents, chez 60 % et 66 % des chiens) ;
  • Post-hépatique dans 42 cas soit 36,5 % (vomissements et anorexie rapportés chez 85 % et 66 % des chiens).

Bilirubinémie médiane à 50 µmol/l

Les valeurs de bilirubinémie s'étendaient de 6 à 320 µmol/l, avec une médiane à 50 µmol/l.

Selon la littérature, l'ictère est généralement visible (muqueuses jaunes) à partir d'une bilirubinémie dépassant 35 µmol/l.

Sur-risque de mortalité lors d'ictère pré-hépatique

La mortalité atteint 50 % (57 chiens, dont le décès est lié à la cause de l'ictère). Sur la période d'étude, 5 autres chiens (4,4 %) sont également morts mais pour d'autres raisons.

Et cette mortalité est rapide : 41 chiens (35 %) n'ont pas survécu à l'hospitalisation. Le taux de mortalité durant les soins atteint 50 % pour les cas d'ictères pré-hépatiques. Il est plus faible pour les autres catégories : 31 % pour les ictères hépatiques et 38 % pour les post-hépatiques.

L'analyse montre ainsi que le type d'ictère est significativement associé au pronostic (basé sur la durée de survie et la mortalité) : le risque de décès est plus élevé lors d'ictère pré-hépatique par comparaison aux deux autres catégories.

Le risque de mortalité diminue avec le temps. En considérant tous les cas, la durée de survie médiane reste toutefois limitée à 40 jours.

Risque de décès x2 à partir de 60 µmol/l

Le seul autre paramètre identifié comme significativement associé au pronostic dans l'analyse multivariée est l'importance de la bilirubinémie. Ainsi, le risque de décès (mort ou euthanasie) est augmenté – il est presque doublé – lorsque la bilirubinémie au moment du diagnostic dépasse le seuil de 60 µmol/l, indépendamment de la cause sous-jacente. La durée de survie médiane est alors de 9 jours (contre 65 jours pour les chiens sous ce seuil).

Ce seuil demande désormais à être confirmé. Pour les auteurs, il est intéressant à considérer pour évaluer le pronostic et ainsi discuter de la prise en charge du cas avec le propriétaire.

Parmi les signes cliniques présentés, la température rectale est le seul paramètre associé de manière (juste) significative au pronostic. Le risque de décès est effectivement réduit en cas d'hyperthermie, laquelle évoque des affections curables (une cholangiohépatite ascendante ou une obstruction des voies biliaires extra-hépatiques secondaire à une pancréatite, par exemple). Les auteurs signalent aussi que dans leur périmètre d'étude (région de Melbourne au sud-est de l'Australie), certaines maladies infectieuses à répercussion hépatique, notamment la leptospirose et la babésiose dont le traitement est plus spécifique, sont quasi absentes.