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23 mai 2022

Antibiothérapie chez un chiot ou chaton nouveau-né : quelle molécule et quelle posologie

par Pascale Pibot

Temps de lecture  7 min

Les caractéristiques physiologiques des chatons et des chiots peuvent nuire à l'efficacité et à la sécurité d'un traitement antibiotique (cliché Pixabay).
Les caractéristiques physiologiques des chatons et des chiots peuvent nuire à l'efficacité et à la sécurité d'un traitement antibiotique (cliché Pixabay).
 

Peu de données sont disponibles à propos de l'optimisation des traitements antimicrobiens en période néonatale. Une grande prudence doit donc être observée au moment de la prescription et de l'adaptation de la posologie des antibiotiques. Une publication fait le point sur les paramètres à considérer.

Pharmacocinétique différente chez le nouveau-né

Le métabolisme et les fonctions d'élimination évoluent beaucoup au cours du premier mois de vie. Le vétérinaire doit donc tenir compte qu'en fonction des médicaments administrés, il faut parfois augmenter la dose (si le volume de distribution est plus important), la diminuer ou espacer les administrations.

Dans les 24 premières heures de vie, l'absorption des principes actifs est parfois très élevée, ce qui entraîne une biodisponibilité inattendue et parfois indésirable. Les médicaments potentiellement toxiques qui ne sont pas censés être fortement absorbés (comme la néomycine) doivent donc être évités chez un très jeune sujet.

Un nouveau-né possède moins de tissu adipeux et de muscles qu'un adulte, et la fraction de liquide extracellulaire peut être deux fois plus importante ; la diffusion des médicaments hydrosolubles (pénicillines, céphalosporines, aminosides, par exemple) est donc accrue et les concentrations tissulaires sont plus faibles.

La faible teneur en protéines sériques chez le nouveau-né peut aussi augmenter la concentration sérique en principes actifs libres des médicaments fortement liés aux protéines, tels que la céfovécine, et cela accélère leur élimination.

La pharmacocinétique peut également être modifiée par de faibles niveaux d'enzymes impliqués dans le métabolisme hépatique des médicaments.

Le taux de filtration glomérulaire et le fonctionnement hépatique ne se rapprochent de ceux de l'adulte que vers 4 à 6 semaines. Avant cet âge, les médicaments dont la marge de sécurité est étroite peuvent présenter un risque accru de toxicité.

Démarche lors d'affection respiratoire

Lors de signes respiratoires, lorsqu'une composante bactérienne semble être présente ou si l'on craint l'évolution vers une pneumonie bactérienne, l'administration d'un antibiotique à large spectre, actif contre les bactéries pathogènes Gram + et -, ainsi que contre des agents bactériens atypiques, peut être indiquée.

En cas de forme modérée, la doxycycline est plus efficace que l'association amoxicilline/acide clavulanique qui peut aussi être envisagée. La doxycycline agit notamment mieux contre les bactéries Gram - productrices de bêtalactamases et elle pénètre plus facilement dans le fluide de la muqueuse épithéliale. En outre, l'amoxicilline/acide clavulanique sera inefficace si la présence de Mycoplasma spp. suspectée est confirmée.

Contrairement à la tétracycline, le risque de coloration des dents chez les animaux en croissance est absent avec la doxycycline. Celle-ci est généralement considérée comme sûre et la posologie pour un chaton ou un chiot sera donc calquée sur celle de l'adulte.

En cas de maladie plus grave ou à évolution rapide, un traitement parentéral est généralement indiqué avec l'un des antibiotiques suivants : cefotaxime, ceftiofur, ampicilline + amikacine, clindamycine + amikacine. Parmi ces médicaments, seule la clindamycine est active contre Mycoplasma, et de manière limitée.

Que faire lors de septicémie

Une septicémie néonatale nécessite un antibiotique rapide et efficace. Idéalement, celui-ci sera dicté par l'antibiogramme réalisé à partir de la mise en culture d'un échantillon de sang ou d'un autre prélèvement.

Dans l'attente des résultats, et sauf en cas de forte suspicion envers un agent pathogène particulier, un médicament empirique à large spectre est nécessaire, efficace contre les entérobactéries, les staphylocoques et les streptocoques.

Chez les animaux très affaiblis, en raison du risque de néphrotoxicité et d'ototoxicité en cas de déshydratation, une céphalosporine de 3e génération (céfotaxime ou ceftiofur) est probablement l'option de départ la plus sûre. Les associations clindamycine + amikacine ou ampicilline + amikacine peuvent aussi être envisagées. En revanche, la céfovecine n'est pas indiquée, en raison de son inactivité contre E. coli dans les tissus et de sa pharmacocinétique incertaine chez le nouveau-né.

Si la présence d'entérocoques est suspectée, ce qui est souvent le cas dans les infections nosocomiales, l'ampicilline sera intégrée au traitement (par exemple, ampicilline + céfotaxime, ampicilline + amikacine).

Traitement des diarrhées néonatales

La diarrhée en elle-même ne nécessite pas de traitement antibiotique, lequel peut même être contre-indiqué à cause de son effet délétère sur le microbiote. Il ne devient nécessaire qu'en présence de signes systémiques graves et/ou d'un risque de septicémie. Le choix s'orientera alors vers les mêmes médicaments que lors de septicémie (céfotaxime ou ceftiofur par exemple).

Spécificités des aminosides

Bien que de nombreuses publications conseillent d'éviter les aminosides chez le chiot et le chaton, il n'existe aucune donnée scientifique soutenant cette affirmation et la gentamicine serait même le deuxième antibiotique le plus utilisé dans les unités de soins intensifs en néonatalogie humaine, après l'ampicilline.

Les aminosides sont très efficaces contre les bactéries Gram - (y compris la plupart des bactéries multirésistantes et Pseudomonas spp.). Ils sont actifs contre les staphylocoques mais leur efficacité est limitée contre les autres germes Gram + et nulle contre les anaérobies.

Ils peuvent entraîner une néphrotoxicité et une ototoxicité, bien que le risque soit plus faible avec l'amikacine qu'avec la gentamicine. Le maintien d'une perfusion et d'une hydratation correctes limitera le risque de toxicité.

Spécificités des céphalosporines

  • Administrable par voie orale et offrant une large marge de sécurité, la céfalexine constitue une bonne solution dans les situations où les bactéries Gram + sont principalement visées (Staphylococcus et Streptococcus spp. par exemple).
  • Les céphalosporines de 3e génération, telles que le céfotaxime et le ceftiofur, peuvent être indiquées (hors AMM) dans les situations où un médicament à large spectre est nécessaire. Cette classe de médicaments présente une excellente activité contre les bactéries Gram -, tout en conservant une bonne activité contre les Gram + ; leur activité est cependant nulle contre les entérocoques et la plupart sont inefficaces contre Pseudomonas spp. (sauf les céphalosporines anti-pseudomonas telles que la ceftazidime). Le céfotaxime est également indiqué lors d'infection du système nerveux central car il traverse relativement bien la barrière hémato-encéphalique et il est possible d'administrer de fortes doses sans risque.
  • La céfovécine se lie fortement aux protéines et ses propriétés pharmacocinétiques peuvent être très différentes chez les nouveau-nés. Ce médicament est également peu efficace contre E. coli, en dehors des infections des voies urinaires inférieures.

La clindamycine

La clindamycine peut être administrée par voie orale et elle est très active contre les bactéries Gram + et anaérobies.

Quid des fluoroquinolones

Les fluoroquinolones sont plus actives contre les bactéries Gram - que les Gram +, et pas du tout contre les anaérobies (à l'exception de la pradofloxacine). Il existe peu d'indications pour utiliser les fluoroquinolones chez un chiot ou un chaton car d'autres médicaments plus sûrs et offrant un spectre antimicrobien similaire (par exemple, les céphalosporines de 3e génération) sont disponibles. Leur utilisation ne peut être envisagée que les cas où les autres molécules sont contre-indiquées (en raison de facteurs liés à la bactérie ou à l'animal).

Les risques majeurs concernent les troubles du développement du cartilage : les effets toxiques de l'enrofloxacine sur les chondrocytes et les cellules tendineuses canines ont en effet été mis en évidence in vitro. Cette classe de médicaments est également impliquée dans des cas de rétinopathie, et le problème serait dose-dépendant chez les chats.

Pour limiter les risques, il est préférable de prescrire un traitement court plutôt que de réduire la posologie car l'activité bactéricide dépend ici de la concentration.

Enfin, les pénicillines

Les pénicillines sont largement utilisées chez les nouveau-nés, notamment l'amoxicilline et l'acide clavulanique par voie orale, et l'ampicilline par voie parentérale. Lorsqu'un accès veineux n'est pas disponible, l'ampicilline peut être administrée aux chiots et aux chatons par voie intra-osseuse, à la même dose que par voie IV.

Comme la distribution peut être plus importante chez les chiots nouveau-nés, des doses plus élevées que chez l'adulte peuvent être envisagées chez un nouveau-né.

L'amoxicilline-acide clavulanique est très couramment utilisée chez les nouveau-nés et ce médicament est proposé sous forme de suspension orale facile à administrer.

 

Le tableau ci-dessous résume les recommandations proposées par famille de molécules.

Après l'âge de 6 semaines, les chiots et les chatons peuvent probablement être traités sans problème avec la plupart des antibiotiques selon la posologie recommandée pour les adultes.