titre_lefil
logo_elanco

15 septembre 2021

2020, bien qu'atypique du fait des confinements, n'a pas enrayé la baisse structurelle de consommation de viandes en France

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Consommation individuelle française des viandes : comparaison de la structure entre 2000, 2010 et 2020 (FranceAgriMer, 2021).
Consommation individuelle française des viandes : comparaison de la structure entre 2000, 2010 et 2020 (FranceAgriMer, 2021).
 

La consommation de produits carnés en France a atteint un maximum en 1998 (à 94 kg équivalent carcasse – kgec – par habitant) ; elle est depuis « sur une tendance décroissante. La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 en 2020 n'a pas infléchi ni accentué cette tendance », prévient le volumineux rapport sur la consommation  française de produits carnés en 2020, publié début septembre par FranceAgriMer. De fait, les Français ont consommé en moyenne 84,4 kgec l'an passé, en recul de 1,1 % par rapport à 2019.

Situation atypique

Le report de la restauration hors domicile (RHD) vers la consommation à domicile n'a donc pas été total. Car, côté consommation à domicile, l'effet Covid-19 a joué à plein : « environ 2,2 millions de tonnes de produits carnés » ont été achetés en 2020, « en augmentation de 6,5 % par rapport à 2019 », alors qu'elle reculait de 2 % par an depuis 2018. Pour 2020, « le prix moyen d'achat est estimé à 10,6 €/kg (+ 2,9 % par rapport à 2019) » et 11,5 €/kg pour. les viandes fraîches, ce qui représentent une forte hausse du budget alloué aux viandes par les ménages, « après plusieurs années de tassement ». Ce phénomène est net pour la viande bovine, en recul depuis plusieurs années, et dont les achats par les ménages ont augmenté de 7,5 % sur l'année. Cette « situation atypique » résulte sans surprise de l'arrêt prolongé de la RHD et celui – plus limité dans le temps, de la restauration collective.

Premier confinement

Plus précisément, les analystes de FranceAgriMer soulignent que janvier 2020 était parti sur les mêmes tendances de consommation que 2019. « Le premier confinement (de mi-mars à mi-mai) [a été] marqué par de fortes croissances des volumes achetés (+ 10 % en mars, + 22 % en avril), cette évolution s'observant sur toutes les catégories : viandes, volailles, charcuteries, et spécialement sur les surgelés (+ 50 %), traduisant probablement la constitution de réserves de précaution ». Pour les analystes, le premier tournant est donc le mois de mars, qui « a marqué une rupture dans les habitudes de consommation des Français, occasionnant des taux de croissance inédits de la consommation de produits carnés à domicile », de +20 à +37 %. Les produits gagnants de cette période ont été « la viande hachée de bœuf [voir le graphique ci-dessous], des découpes de poulet, des élaborés de volaille, produits simples à préparer et relativement peu onéreux, dont la présence des enfants au foyer (fermeture des écoles) a sans doute renforcé la consommation ».

Steak haché frais : saisonnalité de la consommation (FranceAgriMer, d'après Kantar Worldpanel).

 

Déconfinement…

Le retour en cuisine sur cette période s'est soldé par une « forte croissance des volumes de lardons », et la météo du printemps « a également favorisé les grillades [saucisses fraîches : + 13 %, brochettes : +24,2 %]. « Même après le premier confinement (mai, juin, juillet 2020), les achats des ménages [étaient] encore en hausse de l'ordre de 8 %, alors que sur la même période 2019, la consommation ne s'accroissait que de 1 %. La réouverture de la restauration à la mi-juin n'a donc pas induit de report immédiat et important vers la consommation hors domicile ». D'autres segments ont connu en revanche des hausses plus limitées, voire des baisses de consommation (pintade entière : -5,4 %, lapin : -5,1 %, jambon : +2,2 %) ».

Nouvelles habitudes

Le retour vers la restauration hors domicile s'est fait en août, « avec une consommation à domicile en baisse de 4 % en 2020 (- 8 % sur la viande fraîche) ». Mais « la rentrée s'est traduite par une nouvelle croissance de la consommation à domicile (+ 11 % en octobre 2020, contre - 0,2 % en 2019), avec peut-être la poursuite d'habitudes d'achat acquises lors du premier confinement (développement de nouvelles pratiques comme le drive) ». Lors du second confinement, en novembre, bien que la restauration soit à nouveau fermée, il n'y a pas eu de rebond des volumes consommés à domicile : « + 1 %, contre - 2 % en 2019 ; la catégorie encore une fois la plus en croissance étant celle des surgelés [voir le graphique ci-dessous]. Cette situation s'est renforcée en décembre (fin du confinement le 15, avec des restaurants toujours fermés, et une hausse en volume de 11 % par rapport à 2019) ».

Viandes de boucherie surgelées : saisonnalité de la consommation (FranceAgriMer, d'après Kantar Worldpanel).

 

Le bœuf recule

Toutes les viandes n'ont pas connu la même désaffection : c'est la viande bovine qui a le plus reculé en 2020 (-2,2 %), malgré la progression du haché (+ 14,6 %). La viande de volaille avait déjà doublé la viande bovine, devenant la seconde viande la plus consommée en France (+ 73 % en 40 ans). « Cette évolution positive de la consommation de volaille s'explique, d'une part, par un prix relativement bas par rapport aux autres viandes, d'autre part par une innovation constante qui accompagne les nouvelles attentes des consommateurs (praticité, forte diversité de produits, goût consensuel, etc.) ». Au sein même des volailles, la dinde perd du terrain face au poulet. La analystes notent que les confinements n'expliquent pas tout : « escalopes de poulet et élaborés de volaille [avaient connu] des hausses de consommation dès janvier-février, soit avant le premier confinement (+ 10 % à + 12 %) et sont restées très accentuées lors de la période de réouverture partielle des restaurants (+ 15 % à + 19 % entre juin et octobre), tandis que la hausse de consommation de saucisses est restée cantonnée aux périodes de confinement ». Les autres perdants sont « les viandes d'agneau et de cheval (baisses de volumes), [et] la viande de veau, [qui] bénéficie peu du report de la consommation depuis la RHD vers le domicile (+ 0,6 % entre 2019 et 2020) ».

Achats en ligne

Car la pandémie n'a pas modifié que les habitudes d'achat et de cuisine. Ella a aussi « œuvré en faveur de la croissance des circuits de distribution alternatifs aux hyper et supermarchés. Le circuit qui a connu le développement le plus marqué est le online (drive et livraisons), avec des croissances mensuelles allant de 60 % à 120 % lors des mois de confinement, mais des progressions également non négligeables lors des périodes d'allègement des restrictions ». Les magasins traditionnels (bouchers-volaillers) sortent également gagnants de la crise sanitaire : la consommation y a « présenté les mêmes types d'évolutions par “vague” que le online, mais de manière encore plus accentuée ».

Ainsi, les analystes soulignent l'aspect « tout à fait atypique [de 2020] pour la consommation à domicile », bien qu'elle n'ait pas réussi à enrayer le recul de la viande bovine (-3 kgeg/hab/an en 10 ans). Ils concluent donc avec « la question de savoir si les pratiques qui se sont développées lors des confinements (achats en ligne, produits faciles à consommer) vont perdurer significativement ».