titre_lefil
logo_elanco

3 mai 2021

Pharmacovigilance. L'Anses met en ligne ses études rétrospectives sur les APE, les AINS, la néphrotoxicité…

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Les APE deux fois moins risqués pour l'animal que le vaccin AstraZeneca pour l'homme
Entre traiter un chien ou un chat avec un APE ou se faire vacciner AstraZeneca, il ne faut pas hésiter ! L'APE est moins risqué. Avec quatre cas graves d'effets indésirables avec un APE pour un million de traitements, cette incidence est environ deux fois plus faible que celle des cas graves de thrombose avec le vaccin AstraZeneca : 1 cas pour 160 000 doses selon l'Agence du médicament humain (ANSM). Photo France Inter/AFP
Les APE deux fois moins risqués pour l'animal que le vaccin AstraZeneca pour l'homme
Entre traiter un chien ou un chat avec un APE ou se faire vacciner AstraZeneca, il ne faut pas hésiter ! L'APE est moins risqué. Avec quatre cas graves d'effets indésirables avec un APE pour un million de traitements, cette incidence est environ deux fois plus faible que celle des cas graves de thrombose avec le vaccin AstraZeneca : 1 cas pour 160 000 doses selon l'Agence du médicament humain (ANSM). Photo France Inter/AFP
 

Manque de retours d'informations ? C'est un reproche qui est souvent fait aux agences du médicament sur la pharmacovigilance. Les vétérinaires déclarent les effets indésirables des médicaments mais ne perçoivent pas ou peu de retours d'informations sur les cas qu'ils ont déclarés.

Pourtant, depuis plusieurs années, l'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANVM) communique régulièrement auprès des praticiens sur la pharmacovigilance sans, évidemment, chercher à générer une crise comme celle du Mediator° pour la médecine humaine. Elle est notamment présente sur ce thème dans la plupart des grands congrès nationaux. Depuis 2015, elle publie aussi des articles de pharmacovigilance dans la presse vétérinaire, principalement dans le Point Vétérinaire sur des études rétrospectives ou dans la Dépêche vétérinaire sur des cas cliniques.

Publications en ligne et en libre accès sur deux sites institutionnels

Depuis le mois dernier, l'agence signale que ses articles de pharmacovigilance sont désormais mis en ligne et en libre accès sur deux sites :

  • Sur le site institutionnel « archives ouvertes » sur ce lien https://hal.archives-ouvertes.fr qui, reste assez difficile à explorer avec ses 2,5 millions d'articles scientifiques d'organismes institutionnels,
  • Et, beaucoup plus facile à consulter, sur le site de l'Anses-ANMV sur ce lien (dossier pharmacovigilance).

Ces articles de pharmacovigilance chez les chiens et les chats publiés en libre accès sur ce site de l'Anses-ANMV sont donc analysés dans ce Fil.

Néphrotoxicité : les AINS inhibiteurs des cox dans un tiers des cas

Une étude rétrospective porte sur 447 déclarations de pharmacovigilance d'insuffisance rénale entre 2012 et 2017 soit 296 cas chez des chiens et 174 cas chez des chats.

Sur les 281 déclarations chez les chiens (296 cas), l'étude rapporte un lien « probable » ou « possible » surtout avec des AINS inhibiteurs des cox dans 97 cas soit, par ordre d'incidence décroissante,

  • 14 déclarations avec le mavacoxib (Trocoxil°), soit une incidence de 29 cas déclarés pour 100 000 traitements (surtout sur des chiens âgés de plus de 12 ans),
  • 22 cas avec le cimicoxib (Cimalgex°), soit une incidence de 7 cas déclarés pour 100 000 traitements,
  • 16 cas avec le firocoxib (Previcox°), soit 2 cas déclarés pour 100 000 traitements, surtout sur des chiens âgés de plus de 8 ans,
  • 37 cas avec le méloxicam (Metacam° et génériques), soit une incidence de 1 cas déclaré pour 100 000 traitements,
  • 10 cas avec le carprofène (Rimadyl° et génériques), soit une incidence de 3 cas déclarés pour un million de traitements.

Dans sept cas, un lien probable ou possible a été noté avec un nouveau diurétique de l'anse commercialisé à partir de fin 2015, le torasémide (UpCard°, Isemid°) chez les chiens, soit une incidence de 2 cas pour 10 000 traitements.

Enfin, 24 cas ont été déclarés sur des chiens traités avec le fluralaner (Bravecto°), soit presque 1 cas pour 100 000 traitements. Mais, dans ces cas, le lien d'imputation entre le traitement APE et l'insuffisance rénale n'est pas considéré ni comme probable, ni même comme possible. Même s'il n'est pas exclu en l'absence d'autres causes, ce lien n'est donc pas établi.

Insuffisance rénale chez les chats : telmisartan et bénazépril

Sur les 166 déclarations chez les chats (174 cas), les liens ne peuvent pas être facilement établis pour les deux médicaments avec l'incidence la plus élevée, le telmisartan (24 cas pour 100 000 traitements) et le bénazépril (6 cas pour 100 000 traitements). Car ces deux médicaments sont indiqués pour les chats insuffisants rénaux chroniques. Les déclarations correspondent alors souvent à des augmentations de la créatinémie ou de l'urémie dans le cadre du suivi de la fonction rénale chez des chats traités par ces médicaments.

Dans 18 cas, un lien (probable ou possible) a été observé avec le méloxicam (Metacam° et génériques), soit 1 cas déclaré pour 10 millions de traitements, souvent lors d'anesthésie ou de sédation.

Enfin, un lien non établi ou difficile à établir est aussi noté avec le fluralaner (Bravecto°, 5 cas), la ciclosporine (Atopica° et génériques, 5 cas), le masitinib (Masivet° « hors AMM », 3 cas).

AINS inhibiteurs des cox. Un cas sur deux suvient dans les 5 jours

Une précédente étude rétrospective (2008-2012) de l'Agence ciblée sur les AINS (inhibiteurs des cycloxygénases ou cox) par voie orale chez les chiens confirme les profils de tolérance digestive et rénale, qu'il s'agisse des inhibiteurs préférentiels cox2 ou sélectifs cox2. Ces conclusions sont les suivantes.

  • La durée de traitement influence peu la survenue des effets secondaires des AINS, ni leur gravité. Dans 53 % des cas, l'effet indésirable apparaît avant le cinquième jour de traitement (dont 50 % des cas de mortalité). Ces cas survenus après plus de 60 jours de traitement ne représentent que 12 % du total (et 17 % des cas mortels).
  • Les déclarations sont plus nombreuses sur les chiens âgés du fait des indications contre la douleur arthrosique et des affections associées à l'âge.
  • Cette étude de 2015 ne met pas en évidence de bénéfices en termes de tolérance entre les AINS sélectifs cox2 et préférentiels cox2. Toutefois, un biais de (sur)déclaration avec les sélectifs cox2 plus récents ne peut pas être exclu. Les nouvelles molécules commercialisées après 2012 ne sont évidemment pas présentes dans cette étude.

APE. Quatre cas graves par million de traitements

La troisième étude porte sur les seuls cas graves, voire mortels, des antiparasitaires externes (APE) en y incluant les endectocides. Cette étude porte sur la période 2011-2015. Les lancements plus récents depuis n'y sont donc pas inclus. Les cas assez fréquents d'intoxication à la perméthrine chez le chat ont été écartés car relevant d'une utilisation accidentelle et étant finalement sans grand intérêt sur la connaissance fine des effets indésirables graves mais rares des APE découlant de leur utilisation normale.

Sur ces cinq ans, 360 cas graves chez les chiens (dont 109 cas mortels) ont ainsi été analysés ainsi que 480 cas chez les chats (dont 294 cas mortels). Par comparaison, près de 200 millions de doses d'APE ont été vendues sur cette période.

  • Le lien avec le traitement APE est jugé probable ou possible dans 40 % des cas pour les APE (30 % pour les endectocides). Il est non établi pas mais pas exclu dans les autres cas analysés.
  • L'incidence d'un effet grave est ainsi de 1 cas pour 250 000 traitements (et 1 cas mortel pour 650 000 traitements). Par comparaison, l'incidence est même plus faible que celle des cas graves de thrombose après le vaccin covid AstraZeneca (1 cas pour 160 000 doses) ou des cas de décès (1 décès pour 715 000 doses), selon les données publiées le 23 avril par l'Agence du médicament humain (ANSM).
  • L'effet grave survient dans les 24 heures post-traitement dans 76 % des cas (ou dans les 48 heures dans 82 % des cas).

Le biais des lancements récents d'APE

Toutefois, des différences importantes d'incidence selon les médicaments sont observées dans un rapport d'un à dix, voire d'un à cent. Il convient toutefois de relativiser ces écarts. Car les vétérinaires (comme les médecins) déclarent davantage les cas sur les médicaments récents que des spécialités dont ils connaissent mieux le profil de tolérance. Durant les deux à cinq premières années de leurs lancements, les nouveaux médicaments sont donc à l'origine de davantage de déclarations par rapport à celles enregistrées après plus de cinq ou dix années de commercialisation.

Chez les chiens, les taux d'incidence selon les médicaments sont les suivants (par ordre décroissant d'incidence).

  • Entre 1 et 4 cas pour 100 000 traitements : Trifexis°, Vectra° 3D, Bravecto°, Comfortis°, Seresto° et Aérosol bioalléthrine Thékan ;
  • Entre 5 et 9 cas pour un million de traitements : Scalibor°, Stronghold°, Advocate°, NexGard° ;
  • Entre 1 et 4 cas pour un million de traitements : Activyl° Tick Plus, tétraméthrine, Certifect°, dimpylate, Duowin°, perméthrine (seule), Capstar°, fipronil (Frontline° et génériques) ;
  • Entre 3 et 8 cas pour dix millions de traitements : fipronil/perméthrine, Advantix°, fipronil/méthoprène, Prac-Tic°…

Chez les chats (par ordre décroissant d'incidence, la perméthrine étant exclue de l'analyse), les taux d'incidence sont compris…

  • Entre 1 et 6 cas pour 100 000 traitements : tétraméthrine, Activyl°, Comfortis°, Vectra° Felis, Program°, Broadline°, Seresto,
  • Entre 1 et 6 cas pour un million de traitements : dimpylate, Cyclio°, Capstar° Advocate, propoxur, Stronghold°, fipronil, Advantage, fipronil/méthoprène.