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12 avril 2021

Vaccination rage des professionnels : très peu de faibles répondeurs après un seul rappel

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Proportion des classes de titre de réponse en anticorps après primovaccination et rappel unique, en fonction de la durée écoulée entre le rappel et la sérologie, chez des sujets vaccinés pour des raisons professionnelles, entre 2000 et 2015 (d'après Parize et coll., 2021).
Proportion des classes de titre de réponse en anticorps après primovaccination et rappel unique, en fonction de la durée écoulée entre le rappel et la sérologie, chez des sujets vaccinés pour des raisons professionnelles, entre 2000 et 2015 (d'après Parize et coll., 2021).
 

Il ne s'agit pas ici de la prophylaxie antirabique post-exposition, qui est la série d'injections vaccinales – voire d'immunoglobulines dans les cas jugés à risque élevé, mais de prophylaxie pré-exposition. Autrement dit, de la vaccination classique. Contre la rage, dans les pays à présent indemnes, cela ne concerne a priori que les personnes « présentant un risque fréquent ou accru d'exposition au virus rabique et aux autres Lyssavirus. Ces personnes comprennent les travailleurs de laboratoire manipulant les Lyssavirus (impliqués dans la recherche sur la rage, son diagnostic ou la production de produits biologiques), les vétérinaires et individus travaillant au contact de la faune sauvage, y compris les chiroptères et, dans une moindre mesure, les personnes travaillant ou voyageant dans les zones à risque élevé ». L'intérêt de cette prophylaxie pré-exposition est « de simplifier le protocole de prophylaxie post-exposition lors d'exposition documentée » à la rage, avec seulement « deux sessions de vaccination, à trois jours d'intervalle ».

Changements en 2013

La primovaccination rage comprend trois injections intramusculaires du vaccin. Jusqu'en 2013, la “prophylaxie pré-exposition” recommandée par l'OMS comprenait aussi une injection de rappel un an plus tard. Mais depuis 2013, l'OMS ne recommande plus ce rappel si la primovaccination a été correctement effectuée. Il est en revanche conseillé de réaliser un titrage des anticorps neutralisants, à 6 mois et jusque 2 ans après la primovaccination, et de ne réaliser le rappel que si ce titre chute sous les 0,5 UI/ml (titre considéré comme le seuil de protection). Toutefois, soulignent les auteurs, une telle procédure n'est pas toujours accessible, ni suivie. Ils ont donc réalisé une étude auprès « du personnel de l'Institut Pasteur » vacciné car travaillant avec des Lyssavirus (150 personnes, incluses sur 2000-2015), ainsi que pour les « employés d'ONG partant en pays d'enzootie rabique et se faisant vacciner au centre de vaccinations de l'Institut Pasteur avant leur mission » (348 personnes, incluses sur 2007-2015). L'inclusion imposait d'avoir reçu une primovaccination complète, et d'avoir une prise de sang pour titrage des anticorps « avant et/ou après l'injection de rappel ». Plus du tiers (71, %) des participants ont fourni une sérologie au terme de la primovaccination et avant le rappel. Moins de la moitié (44,2%) après le rappel.

Sans rappel : 1 faible répondeur sur 4 à 5

Sur le premier titrage sérologique, dans leur grande majorité (82,8 %), les personnes vaccinées présentaient un titre satisfaisant (> 0,5 UI/ml). Pour 52 des 61 personnes avec un titre insuffisant, il s'agissait de la première sérologie après la primovaccination (14,5 % des primovaccinés). Pour les autres, il s'agissait d'un contrôle ultérieur, montant une chute progressive du titre en anticorps. Le « délai médian entre la primovaccination et le premier titrage sérologique insuffisant était de 438 jours (de 326 à 1 215) ». Toutefois, « le nombre de participants qui présentaient un titre inadéquat était de 28,8 % entre 6 et 12 mois » après le primovaccination, « et de 23,1 % après 12 à 18 mois, respectivement ». Ce qui représentent des « pourcentages substantiels ». Le risque d'être ainsi trouvé faible répondeur est associé de manière significative (analyse multivariée) :

  • au sexe masculin (risque relatif x 3,85 ; p<0,001), ce qui avait déjà été observé dans d'autres études ;
  • au fait d'avoir fait la prise de sang plus de 6 mois après la primovaccination (x 9,5 si de 6 à 24 mois ; p=0,002) ;
  • au fait d'avoir reçu d'autres vaccins le même jour que celui de la rage (x 2,4 ; p=0,03), ce qui n'avait jamais été trouvé comme facteur de risque de faible réponse auparavant.

Avec rappel : < 0,5 %

Sur les 220 personnes ayant des résultats de titrage sérologique après l'injection de rappel,  le délai entre ces deux événements variait de 3 à 6 281 jours. Et une seule personne a présenté un titre < 0,5 UI/ml, soit 0,45 % (voir l'illustration principale). Il s'agit bien d'un “non-répondeur”, qui avait présenté un titre adéquat 30 jours après la primovaccination, mais était sous le seuil de protection un an après le rappel. Pour tous les autres, « y compris ceux pour lesquels le titrage a été réalisé entre 5 et 10 ans après le rappel unique », le titre était considéré comme protecteur. Les auteurs soulignent aussi que six des personnes incluses présentaient une affection médicale concurrente (diabète de type 1, déficience en immunoglobulines A, hépatite C, VIH) et que toutes présentaient un titre protecteur après rappel.

Sur-mesure pour les faible répondeurs

Au bilan, « un seul rappel de vaccin [rage] après la prophylaxie pré-exposition confère une réponse immunitaire élevée et durable chez presque tous les individus, à l'exception de rares faibles répondeurs ». Ce qui est conforme à d'autres études antérieures, « et souligne l'intérêt d'un rappel systématique » un an après la primovaccination. Les auteurs recommandent aussi un titrage sérologique 6 mois après la fin de la primovaccination, « qui permettrait de détecter les quelques faible répondeurs » et de leur proposer « une surveillance sérologique sur mesure, tous les 1 à 2 ans, avec une injection de rappel à chaque fois que leur titre » n'est plus protecteur. Pour les personnes ayant un titre considéré comme protecteur à 6 mois post-primovaccination, un rappel entre 6 et 12 mois après devrait être suivi, lorsque c'est possible, d'une surveillance sérologique : à 2 ans (exposition continue) ou 5 ans (irrégulière). Lorsque la surveillance sérologique n'est pas possible, les auteurs estiment qu'un rappel initial à 1 an, puis tous les 5 ans, « devrait assurer un titre en anticorps adéquat chez plus de 99 % des personnes ».