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26 octobre 2020

Loi dadue dodue ! Députés et sénateurs d'accord pour subventionner les vétos ruraux mais… pas sur le reste

par Eric Vandaële

Temps de lecture  8 min

D'accord ou pas d'accord ?
Députés, sénateurs et gouvernement sont d'accord pour permette aux communes, aux départements ou aux régions de donner des sous aux praticiens ruraux qui exercent en zones rurales en manque de vétérinaires. Mais, députés et sénateurs ont échoué à se mettre d'accord sur tout le texte… Un coup de frein sur ce projet de loi, mais pas un coup d'arrêt. Car le gouvernement a besoin de son adoption rapide pour adapter vite son droit national au droit européen, entre autres sur la santé animale et la pharmacie vétérinaire. Illustration wordpress.com
D'accord ou pas d'accord ?
Députés, sénateurs et gouvernement sont d'accord pour permette aux communes, aux départements ou aux régions de donner des sous aux praticiens ruraux qui exercent en zones rurales en manque de vétérinaires. Mais, députés et sénateurs ont échoué à se mettre d'accord sur tout le texte… Un coup de frein sur ce projet de loi, mais pas un coup d'arrêt. Car le gouvernement a besoin de son adoption rapide pour adapter vite son droit national au droit européen, entre autres sur la santé animale et la pharmacie vétérinaire. Illustration wordpress.com
 

Le jeudi 22 octobre, les députés et les sénateurs ont échoué à se mettre d'accord sur un projet de loi dadue et dodu, pourtant déjà adopté, certes avec des points de divergence, par les sénateurs le 8 juillet (voir LeFil du 10 juillet 2020) et les députés le 7 octobre. Néanmoins, ce projet de loi devrait finir par être voté, sans doute avant la fin de l'année, le dernier mot étant pour les députés en cas de désaccord avec les sénateurs.

Une loi dadue est toujours une loi dodue. Une loi dadue est une loi dite d'adaptation du droit (français) au droit de l'Union européenne. La France n'étant jamais très en avance pour saisir le parlement des nouveaux textes européens qui nécessitent de modifier la loi, les projets de loi dadue sont toujours des projets de loi dodus qui concernent de nombreux secteurs. Ce troisième projet de loi dadue en quelques années ne fait pas exception.

Six articles vétérinaires consensuels

Déposé avec seulement une vingtaine d'articles, il en fait presque cinquante aujourd'hui avec, notamment, l'ajout de dispositions vétérinaires ou de santé animale à travers six articles qui n'étaient pas présents dans la version initiale du projet de loi.

Toutefois, les députés, les sénateurs et le gouvernement ne s'opposent pas sur ces dispositions. Trois des six articles ont d'ailleurs été adoptés dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs. Ils ne peuvent donc plus être amendés. Et les trois autres articles font aussi consensus. Les éventuelles modifications ne pourraient être que rédactionnelles ou de précision.

Les vétos ruraux subventionnés par les mairies, les départements ou les régions

La lutte contre les déserts vétérinaires est devenue l'une des mesures phares qui font l'unanimité de ce projet de loi. Après les déserts médicaux — et les aides accordées aux médecins pour s'installer dans ces zones — voici venir les déserts vétérinaires et… des aides financières pour s'y installer ou s'y maintenir en zone rurale. « Quarante départements sont touchés par la désertification vétérinaire » ont affirmé les sénateurs.

L'article 22 quater donne une base législative à l'observatoire national démographique vétérinaire animé par l'Ordre des vétérinaires (article L 242-1 II du code rural). Avec l'aide de cet observatoire, le nouvel article L. 241-13 du code rural permettra de fixer par arrêté des zones rurales où l'offre vétérinaire est insuffisante : la liste officielle des « déserts vétérinaires ».

Des sous aux étudiants vétos en échange d'une installation pendant 5 ans

Toutes les collectivités territoriales, de la commune à la région, pourront alors accorder des aides financières à l'installation et au maintien de vétérinaires dans ces zones. Elles pourront aussi accorder aux étudiants vétérinaires des bourses d'études, en échange d'un engagement à exercer dans ces zones pendant cinq années consécutives, ainsi que des indemnités de stages (pour le logement et les déplacements). Les aides des collectivités territoriales aux vétérinaires seront prévues par l'article L 1511-9 du code des collectivités territoriales.

Une « immense avancée » pour lutter contre les déserts vétérinaires

Les sénateurs à l'origine de cet article et le gouvernement ont qualifié cette « disposition inédite » d'« une immense avancée qui réglera trois problèmes : sécurité sanitaire, aménagement du territoire et désert agricole », affirme l'un des sénateurs à l'initiative de ce dispositif. Car « la désertification vétérinaire est le dernier signe avant le désert agricole », souligne-t-il aussi.

L'Ordre des vétérinaires se félicite de cette mesure financière de lutte contre les déserts vétérinaires. Il souligne d'ailleurs que le maintien d'un maillage vétérinaire dans les zones rurales n'est pas une question de nombre de vétérinaires en exercice, ni une question de sexe masculin ou féminin de ces vétérinaires, mais bien une question d'attractivité des territoires, une question économique pour les sociétés vétérinaires et une question d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ainsi, sans intervention des politiques publiques, « les déserts vétérinaires ont vocation inéluctablement à s'installer durablement dans les territoires ruraux ».

Médicament vétérinaire : être prêt pour le 28 janvier 2022

L'article 22 du projet de loi dadue habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de 16 mois — soit jusqu'en mars 2022 —, pour adapter le code rural aux règlements « médicament vétérinaire » (n° 2019/6) et « aliments médicamenteux » (n° 2019/4). Publiés au Journal officiel de l'Union européenne du 7 janvier 2019, ces deux règlements seront applicables sans transposition en droit national le 28 janvier 2022 (soit trois ans et 20 jours après la date de publication) (voir LeFil du 8 janvier 2019).

Un très grand nombre de dispositions sur le médicament vétérinaire ou l'aliment médicamenteux, notamment sur la fabrication, les AMM, la distribution, la prescription, l'usage, devront être supprimées du droit national, voire amendées, pour ne pas faire « doublon » ou « être contraires » à celles prévues dans ces deux règlements européens. Ces textes sont si importants que sept Fils leur ont été consacrés sur la prescription (voir les Fils du 21 février et du 25 février 2019), la distribution en gros (LeFil du 12 mars 2019), les importations parallèles (LeFil du 26 mars 2019), les ayants droit (LeFil du 9 avril 2019), les ventes en ligne (LeFil du 23 avril 2019) ou la nouvelle cascade (LeFil du 30 avril 2019).

Le projet de loi Dadue ne préjuge pas des choix qui seront faits dans l'ordonnance législative par le gouvernement français sur les différentes options laissées ouvertes par le règlement 2019/6. En outre, cette ordonnance législative devra aussi prévoir des décrets d'application, toujours d'ici la date butoir du 28 janvier 2022.

Autoriser la publicité pour les vaccins auprès des éleveurs

Avec l'article 22 bis, les sénateurs comme les députés ont voulu à la fois autoriser et encadrer la publicité des vaccins auprès des éleveurs professionnels dans la presse agricole. Cette publicité est aujourd'hui interdite par le droit européen qui sera abrogé le 28 janvier 2022. À partir de cette date, le règlement 2019/6 permet, en effet, aux États membres qui le souhaiteraient, d'autoriser des publicités pour des médicaments immunologiques (vaccins surtout) auprès des éleveurs.

Députés et sénateurs ont donc souhaité à la fois anticiper cette ouverture par cette loi, mais aussi, curieusement, la restreindre à la presse agricole. Cette publicité ne pourrait toutefois être permise qu'à partir du 28 janvier 2022.

Avec l'article 22 ter, le projet de loi régularise la pratique d'actes vétérinaires par des étudiants au cours de leurs stages chez des praticiens en dehors des écoles vétérinaires.

Maladies répertoriées : la nouvelle loi santé animale applicable le 21 avril 2021

L'article 19 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de 12 mois, pour adapter le code rural au règlement « santé animale » (n° 2016/429) applicable le 21 avril 2021 et relatif, notamment, à la lutte contre les maladies dites « répertoriées ». L'ordonnance pourra conserver dans le code rural des mesures nationales de lutte contre des maladies d'intérêt national qu'elles soient ou non répertoriées dans le règlement européen.

Les députés y ont ajouté l'article 19 bis qui confie à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) la gestion de la base des données des élevages collectées par les EDE. En outre, l'APCA pourra aussi, à l'avenir, assurer la gestion d'une base de données relative à identification et de traçabilité des mouvements des animaux, probablement pour les bovins.

Génétique animale : revoir la loi sur l'élevage de 1966

L'article 18 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de cinq mois, pour adapter le code rural au règlement « élevage » (n° 2016/1012) applicable depuis le 1er novembre 2018 et relatif notamment à la reproduction et à la génétique des bovins, ovins, caprins, porcs et équins. L'ordonnance pourra prendre des mesures pour étendre les dispositions de ce règlement à la génétique d'autres espèces animales.

Cette ordonnance est importante, car elle révisera la loi sur l'élevage de 1966 qui n'a été modifiée qu'une seule fois en 2006.

Une promulgation sans doute en fin d'année 2020

Les députés et les sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un texte finalisé en commission mixte paritaire (CMP) le 22 octobre. Cet échec ne remet pas en cause ce texte, mais en retarde sa publication attendue avant la fin de l'année.

Dans ce cas, la procédure parlementaire prévoit encore trois lectures dans les deux chambres. Une seconde lecture aura lieu d'abord à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, sans revenir sur les dispositions déjà adoptées dans les mêmes termes par les deux chambres, notamment l'ouverture potentielle de la publicité pour les vaccins auprès des éleveurs et la plupart des mesures sur la santé animale.

Puis, le dernier mot reviendra aux députés pour une lecture définitive sans possibilité d'amender le texte, mais seulement pour accepter ou rejeter les dernières dispositions votées par le Sénat.

Le calendrier n'est pas encore publié. Mais l'agenda de l'Assemblée nationale est occupé actuellement par les projets de loi finances 2021 et le nouveau projet de loi prorogeant une nouvelle fois l'état d'urgence sanitaire. Ce texte n'avancera sans doute pas avant le mois de novembre.