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22 octobre 2020

Un électroencéphalogramme reste fiable sur un chien préalablement anesthésié ou sous antiépileptique, pour confirmer le diagnostic d'épilepsie

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Parmi les chiens dont l'examen EEG a présenté une anomalie, évolution dans le temps de la proportion des cas détectés. Source : Parmentier et al. JVIM, 2020.
Parmi les chiens dont l'examen EEG a présenté une anomalie, évolution dans le temps de la proportion des cas détectés. Source : Parmentier et al. JVIM, 2020.
 

Des causes autres que l'épilepsie entraînent des crises épileptiformes chez le chien. L'électroencéphalogramme (EEG) est un examen intéressant pour confirmer objectivement le diagnostic d'épilepsie. Mais sa réalisation impose parfois de tranquilliser voire d'anesthésier l'animal. Il peut aussi être effectué sur un chien chez qui un traitement antiépileptique a été débuté en première intention. Quel est l'impact des molécules administrées sur l'activité électrique de l'encéphale ? L'examen demeure-t-il fiable ? Pour répondre à ces questions, une étude rétrospective sur plus de 100 cas a été menée. Et selon ses résultats, publiés en libre accès dans le JVIM, les traitements entrepris n'affectent pas la fiabilité de l'EEG.

Les électrodes imposent la coopération du chien

Le type d'appareil utilisé dans cette étude est un électroencéphalographe portatif qui réalise simultanément un enregistrement vidéo. L'intérêt est de coupler l'observation du comportement de l'animal avec l'activité électrique de l'encéphale. L'absence d'anomalie à l'EEG alors que le chien présente une crise paroxystique, par exemple, permet généralement d'écarter l'hypothèse d'une épilepsie. La réalisation de l'examen impose néanmoins toujours la pose d'électrodes, donc une certaine coopération du chien… L'administration de sédatifs, a minima, reste donc fréquente.

Les molécules utilisées peuvent avoir un effet anti- ou, inversement, pro-épileptique. L'éventuel traitement de première intention est également susceptible a fortiori de réduire ou d'espacer les anomalies recherchées à l'EEG, augmentant potentiellement le risque d'un examen non concluant.

D'où l'objectif de cette étude de valider les performances de l'examen quelles que soient les conditions de sa réalisation. Pour cela, les auteurs ont comparé la probabilité de ne pas parvenir à établir un diagnostic à l'issue de l'enregistrement, ainsi que le délai avant observation des premières anomalies à l'EEG (ou la vidéo), chez des chiens selon la nature des traitements préalablement administrés.

Examen sur animal vigile

L'étude, rétrospective, a analysé les enregistrements effectués sur des chiens ayant présenté des épisodes paroxystiques, mais suspectés ou non d'épilepsie (de la crise convulsive au chien qui « chasse les mouches »), dans plusieurs centres de référés de différents pays (d'Europe et d'Amérique du Nord). Les cas de status epilepticus ou de maladie intracrânienne grave entraînant l'inconscience du chien n'étaient pas retenus. La plupart des chiens présentaient des épisodes au moins quotidiennement. Les traitements administrés préalablement à l'examen devaient être renseignés.

Un total de 108 cas a été inclus. Les chiens ont été séparés en deux fois deux groupes :

  • Selon qu'ils avaient été tranquillisés et/ou anesthésiés (n=45) ou non (n=63) avant l'examen, pour la pose des électrodes, mais l'enregistrement était assez long pour être réalisé au moins en partie après le réveil, sur animal vigile ;
  • Selon qu'ils étaient déjà (n=45) ou non (n=62) sous traitement antiépileptique (une ou plusieurs molécules associées).

Dans les deux cas, le sexe et l'âge des chiens ne présentaient pas de différence significative.

Impact « acceptable » de la sédation

Tous groupes confondus, l'EEG a fourni un diagnostic étiologique dans 65 cas (soit 60 % de la cohorte). Une épilepsie a été confirmée pour 35 d'entre eux et une autre cause identifiée pour les 30 restants. Dans les autres cas (43 chiens), l'examen n'a pas été concluant (aucun épisode observé sur la durée de l'examen, ni d'anomalie détectée à l'EEG).

L'impact de la sédation ou de l'anesthésie générale sur la durée de l'examen est significatif : celle-ci est logiquement allongée lorsque l'animal a été traité (9,3h en moyenne versus 2,3h).

Lorsqu'un diagnostic a pu être posé, la proportion de chiens chez qui l'épilepsie est confirmée n'est pas différente dans les deux groupes (59 % et 51 %, respectivement). L'analyse montre aussi, et surtout, que la proportion de cas chez qui un diagnostic a pu être établi est plus élevée lorsque le chien n'a pas été tranquillisé ou anesthésié (68 vs 49 %), mais la différence est à la limite de la significativité sans l'atteindre. Les auteurs calculent que cela correspond à un risque augmenté de 19 % de ne pas aboutir au diagnostic lors de sédation ou d'anesthésie, ce qui paraît « acceptable » compte tenu que sa mise en œuvre est parfois indispensable à la pose des électrodes.

La durée avant l'apparition de la première anomalie à l'examen (EEG ou vidéo) ne présente pas non plus de différence significative (13 minutes en médiane et 47 en moyenne, contre 40 et 97 minutes chez les chiens tranquillisés ou anesthésiés).

Bonne performance aussi chez les chiens traités

Lorsque les chiens sont déjà sous traitement antiépileptique, la durée de l'examen ne présente pas de différence significative cette fois (5,9h vs 4,7h). Lorsqu'un diagnostic a été établi, la proportion de cas d'épilepsie confirmée est bien plus importante ici chez les chiens traités (87 % vs 34 %). Mais ce résultat était attendu car le traitement de première intention est logiquement prescrit chez des chiens plus fortement suspectés d'épilepsie, à partir de leur historique médical et des signes cliniques présentés (déroulement des crises).

Et à nouveau, la proportion de cas chez qui un diagnostic a pu être établi n'est pas statistiquement différente selon que les chiens sont sous traitement ou non (51 % vs 66 %). Suite au traitement, le risque de ne pas aboutir à un diagnostic est ainsi majoré de (seulement) +15 %.

Le délai avant apparition de la première anomalie à l'examen est de 10 minutes en médiane et 51 minutes en moyenne pour les chiens traités, ce qui n'est pas différent des durées dans l'autre groupe (31 et 73 minutes).

Les auteurs ont également vérifié l'absence d'effet « synergique » des deux types de traitement (sédation et/ou anesthésie, et antiépileptique) au travers d'une analyse multivariée.

Et ils concluent de leurs observations que « l'administration d'un traitement antiépileptique comme une sédation ou une anesthésie générale du chien n'entraînent pas de diminution significative des performances diagnostiques de l'examen, ni une augmentation significative du délai nécessaire pour observer les anomalies ».

4 heures au minimum

Lorsqu'une anomalie a été détectée, elle a été observée après un délai de 28 minutes en médiane, mais parfois jusqu'à 1013 minutes soit près de 17h (voir figure en illustration principale).

Après 277 minutes toutefois (soit 4,6 heures environ), 95 % des anomalies ont été notées. Après 30 minutes, la proportion n'est que de 53 %. Ces constats amènent les auteurs à recommander de prolonger l'enregistrement durant 4h au moins.