29 mars 2024
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Que les chiens de races brachycéphales et en particulier les hypertypes récents soient prédisposés à de nombreuses maladies, cela fait à présent partie du sens commun vétérinaire. Ces épidémiologistes et cliniciens britanniques (Royal Veterinary College de Londres) rappellent toutefois qu'à date, une seule étude de grande ampleur l'a avéré par comparaison aux races non brachycéphales, et c'est à partir de données d'assurances animalières aux USA. Mais, argumentent-ils, cette étude est soumise à un biais de recrutement (le fait d'être assuré) et n'a pas donné lieu à une analyse statistique multivariée, méthode qui permet d'éviter les biais (dépendance de variables) et en particulier l'âge. Or, remarquent-ils, la popularité croissante sur la dernière décennie de races comme le bouledogue français ou le carlin fait que la pyramide des âges de ces races est très évasée. Et la sensibilité à certaines maladies infectieuses ou néoplasiques est clairement influencée par l'âge. Ils ont donc utilisé la base Vetcompass, qui contient les dossiers médicaux électronique de tous les patients canins ayant consulté en première intention dans les 784 cliniques vétérinaires de Grande-Bretagne ayant accepté de partager ces données (anonymisées) en 2016.
Sur les 22 333 chiens de la base, 18,7 % étaient de race brachycéphale (34 races) et 26,9 % étaient des croisés. La race brachycéphale la plus fréquente était le chihuahua (22,9 %), devant le Shih-tzu (19,1 %), le cavalier king Charles (10,4 %) et le carlin (9,9 %). L'âge médian des brachycéphales était de 3,3 ans, alors que celui des croisés était de 3,7 ans (p<0,001) ; la différence avec les autres races (méso- et dolicocéphales) était encore plus marquée, confirmant que la pyramide des âges de ces races est spécifique. Elles ont aussi un poids adulte médian plus faible (8,75 vs. 13,80 kg, p< 0,001). Brachycéphales et croisés sont assurés dans des proportions comparables (11,5 et 12,6 %, respectivement), mais les brachycéphales sont moins souvent assurés que les autres races (> 14 %, p<0,001).
Puis les auteurs ont sélectionné les animaux dont la consultation était en relation avec une affection (65,8 % des dossiers dans la base). Cette proportion était comparable pour les types de races (classées selon la forme du crâne). Toutefois, lorsqu'ils réalisent une analyse multivariée (ajustement pour le poids adulte, le poids ramené à la race et au sexe, l'âge, le sexe, les statuts de stérilisation et d'assurance), les auteurs observent que le risque d'avoir au moins un problème de santé est de 27 % plus important chez les races brachycéphales par rapport aux croisés (p<0,001). Il n'y a pas de sur-risque chez les méso- ni les dolicocéphales par rapport aux croisés.
Ils ont ensuite analysé 30 grandes affections « précise », et trouvent, toujours en régression logistique multivariée, que les races brachycéphales sont à sur-risque significatif pour 8 d'entre elles, par rapport aux chiens croisés. C'est-à-dire qu'elles sont prédisposées à :
Il y a deux troubles vis-à-vis desquels les brachycéphales sont significativement mieux lotis que les autres chiens : les comportements indésirables (-48 % et p=0,003) et les blessures de griffes (-55 % et p<0,001).
Les auteurs se sont ensuite penchés sur les troubles identifiés dans la base de données à l'échelle d'un appareil (troubles cardiaques par exemple) plutôt que précisément (souffle cardiaque). Là encore, en régression logistique multivariée, il y avait 6 troubles “d'appareils” significativement plus à risque chez les brachycéphales (sur 16 troubles/affections au total) que les croisés :
En lien évident avec l'analyse précédente, ces races paraissent significativement protégées des troubles du comportement (-27 %, p=0,004).
Du fait du grand nombre d'animaux inclus dans l'étude et de la nature de l'analyse statistique « ces résultats constituent une preuve forte du fait que les races brachycéphales ont une moins bonne santé globale en comparaison des chiens non brachycéphales ». Les auteurs mettent en garde contre l'impression que le problème des races brachycéphales vient des hypertypes, « du fait de la popularité croissant des bouledogues français et anglais et des carlins ». Mais ces races « ne représentaient [en 2016] que les 5e à 8e races » en fréquence parmi les brachycéphales british. C'est donc possiblement une fausse impression, mais la proportion des hypertypes dans chaque race n'étant pas disponible, il n'est pas possible de conclure sur ce point. Ils préviennent aussi que l'obésité est la 3e affection en fréquence des brachycéphales dans l'étude (et elle favorise le syndrome d'obstruction respiratoire des brachycéphales), mais elle n'apparaît pas comme un facteur auquel ces races seraient prédisposées ; c'est plutôt le fait des maitres… Outre les modifications à entreprendre dans la sélection des reproducteurs pour s'éloigner des hypertypes, les auteurs soulignent donc l'importance du contrôle de l'obésité pour améliorer les conditions de vie de ces chiens « à face courte ».
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